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Erick Warin : « Je suis un brise-glace lancé vers un Everest »

Mardi 1 Février 2022 - 08:45

A 58 ans, ce Savoyard licencié à Nage Evasion Montpellier s’est qualifié pour les championnats du monde de nage en eau glacée qui se tiendront en Pologne en fin de semaine (Glogow, 4-6 février). Habitué à ne jamais faire les choses à moitié depuis qu’il a failli perdre une jambe, Erick Warin s’apprête à relever un défi de givré avec un simple jammer, un bonnet, un pince-nez et une paire de bouchons d’oreille pour avaler un 1 000 m estampillé « Everest de la discipline ». Originaire du Nord avec une racine écossaise, cet ancien ailier droit de hockey sur glace et triathlète, moniteur ESF de ski alpin à ses heures, s’entraîne seul. Nous l’avons retrouvé un jour où le lac d’Annecy était « chaud » (6,8°C). En Pologne, comme ses huit autres coéquipiers de l’équipe de France, un zéro les attend au virage.

Pourquoi surnommer le 1 000 m qui vous attend en Pologne « l’Everest » ?

Nous avons 25 minutes pour faire 40 allers retours sur une ligne d’eau de 25 mètres dans une eau glacée autour de zéro. Si les commissaires nous voient à la ramasse pour l’avaler dans les temps, ils nous sortent de la flotte illico-presto !

Premières sensations ?

Rapidement, en dessous de l’abdomen, je ne sens plus mon corps ! Etre hyper vigilant et à l’écoute de mon corps s’imposent. A mi-course, arrive une impression de légèreté, voire de fluidité totalement trompeuse. L’erreur serait d’y croire, puis après de vouloir accélérer pour en finir au plus vite. Les dernières poussées au mur sont assassines pour les mollets.

(Crédit photos : Sophie Greuil)

Comment nagez-vous ?

Vu mon gabarit (1m79 pour 95 kg « dont 26% de graisse brune comme les ours polaires »), je ne nage pas comme une goélette, mais comme un brise-glace. Je ne suis pas fluide, mais techniquement à la ramasse : besogneux, laborieux, limite bourrin ! Plus il faut taper dedans, plus j’aime ! D’ailleurs, après quelques minutes dans l’eau gelée, mes doigts se crispent et j’attaque quasiment l’eau en la boxant. Mes avant-bras tétanisent. Mes joues givrent.

A la sortie ?

Comme toujours, quelle que soit la distance à l’entraînement ou en compétition, le même scénario : une lune de miel suivie d’un after drop horrible. En sortant, pendant cinq à six minutes, je ressens un bien-être total. Je suis rouge écarlate comme ma tenue de moniteur ESF, mais très vite l’enfer arrive…

Lequel ?

L’after drop est horrible, mais très contrôlé par des médecins en compétition ! J’ai les mains gelées, des tremblements aux jambes incontrôlables, la mâchoire bloquée à ne plus pouvoir parler. D’ailleurs, si on essaye de me parler, j’ai envie de mettre ma main dans la gueule de la personne qui essaie (sourire)… A un moment, je sais que je vais avoir envie de pleurer. Et je pleure (sourire)... Parfois, on vire violet. La température du corps tombe à 33 degrés : c’est l’hypo grave. Heureusement, parallèlement à la natation, je fais aussi beaucoup de travail en respiration, gainage, pilates, etc…

(Crédit photo : Sophie Greuil)

A 58 ans, pourquoi un tel défi de souffrances ? Pourquoi ne pas opter juste pour le 50 m ?

Quitte à avoir mal autant que ce soit pour la distance la plus dure, non ? En plus, là, mon « kil » tombe le 5 février et le 5 est mon chiffre porte-bonheur (sourire)

Votre objectif en Pologne ?

Terminer ! Je ne cherche pas de médaille, mais une revanche sur un épisode de ma vie, boucler la boucle. Je veux juste pouvoir me dire : « Je l’ai fait ! ». C’est un Everest contre moi-même. Je ne mets jamais un pied à terre même à vélo quand je n’en peux plus. Ce sera le second « kil » officiel de ma carrière. Le premier était à Samoëns (Haute-Savoie) aux championnats de France en 2019, où j’ai mis 22 minutes dans une eau à trois degrés.

(Crédit photo : Sophie Greuil)

Comment êtes-vous venu à ce sport ?

Après avoir été hockeyeur, je me suis mis au triathlon. Mais un problème au genou m’a obligé à arrêter la course à pied : me restaient la natation et le vélo. Comme je n’étais pas tanké comme un grimpeur et que je vis au milieu des montagnes, je savais mes sprints en danseuse limités ! Mais quand je revenais de mes entraînements de natation, quand j’enlevais ma combinaison néoprène tout en restant dans l’eau, je me sentais bien même dans ses dix à douze degrés. J’oubliais mon poids. C’était le bien-être absolu ! Il y a six ans, j’ai eu envie de rejoindre les autres « cinglés » de cette discipline. Cinglés, mais pas débiles parce que nos risques sont calculés. Mais oui, c’est très addictif ! D’ailleurs, depuis que je nage en eau glacée, je n’ai plus de rhume ou de grippe…

Du bien-être même dans l’eau glacée ?

A vélo ou à pied, j’étais toujours dans mes pensées, jamais vraiment libéré. Là, je divague totalement : je pioche moins dans mes pensées et je lâche prise. Pour sûr, je préfère nager dans une eau tempérée autour de huit degrés. Entre dix et douze degrés, je prends encore du plaisir. Mais seize degrés, c’est trop chaud, je n’arrive plus à respirer, à ventiler ! Nager autour de zéro est un autre monde qui fout la trouille. Chaque degré perdu est une marche colossale à franchir pour le corps. Donc entre six degrés à Annecy et zéro en Pologne, ça va être chaud !

(Crédit photo : Sophie Greuil)

Où vous entraînez-vous ?

J’habite dans les Bauges, un massif au-dessus d’Annecy où je vais dans le plan d’eau de Lescheraines. Là, j’ai trouvé une gouille, une vasque où je peux faire du statique sur dix à douze minutes à deux pas de chez moi. Pour pouvoir avoir un vestiaire, j’ai pris une licence au club d’aviron ancré sur la base nautique d’Annecy. Comme je m’entraîne seul, comme tout ours qui se respecte, je compte, un peu, sur les rameurs pour me surveiller d’un œil toujours bienveillant : savoir qu’ils me guettent de la base et m’accompagnent de loin quand ils rament me rassurent énormément.

Votre objectif après ce rendez-vous ?

Si les prochains championnats du monde ont lieu à Samoëns, pouvoir nager devant la famille, amis et potes pourrait me faire continuer encore un an. Je réduirais sans doute la voilure sur 250 ou 500 max. L’Everest est bien trop dur !

Recueilli à Annecy par Sophie Greuil

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