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À quand des conditions au niveau pour le rugby féminin?

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À quand des conditions au niveau pour le rugby féminin?

"Un jour je serai en équipe de France, je chanterai la marseillaise et je jouerai pour mon pays, la France" c'est une promesse que je m'étais faite, ça devait être un vendredi soir de novembre après un entraînement à Villiers sur Marne en 1999... Pour moi jouer au rugby, c'était tout, cela me suffisait, j'avais 19 ans. Et en 2003, je réalise ce rêve, j'accomplis cette promesse d'intégrer l'EDF... mais je réalise aussi, qu'atteindre ce rêve est une chose, mais d'y rester en est une autre.

Encore aujourd'hui, en 2017, cette priorité est chez tous les sportifs Internationaux: rester à un haut niveau, voire un très haut niveau de performance tout au long de sa carrière. Mais quand vous êtes une fille et que vous choisissez de jouer au rugby à XV, au kayak, au bobsleigh, à la boxe, etc..., vous savez que vous aurez à mener une double vie pendant 10 ou 15 ans. Car quand "jouer" n'est pas votre métier, malheureusement, tout devient plus complexe.

En cette période de Coupe du Monde de Rugby Féminin, j'ai parcouru différentes interviews de joueuses qui y participent et je suis tombée sur l'extrait d'un article paru dans Rugbyrama de Safi N'diaye (interview de Vincent PERE-LAHAILLE – 07/08/2017). Elle mettait clairement en lumière une problématique importante: le statut de la joueuse de rugby de haut niveau.

A travers ce post, je souhaitais m'interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer le statut de la joueuse mais surtout les conditions de "travail" (car il s'agit bien d'un 2e travail pour la plupart) d'une internationale de rugby à XV.

Nombreux sont ceux qui découvrent avec étonnement, qu'une joueuse de l'équipe de France à XV n'est pas professionnelle. Dans la "vraie vie", elle est comptable, professeur d'EPS, ingénieur, éducatrice spécialisée, étudiante, éducatrice sportive, etc., ... Elle doit surtout mener une double vie, porter un double projet sportif et professionnel, œuvrer pour une double conviction : celle de s'épanouir en tant que FEMME et en tant que SPORTIVE DE HAUT NIVEAU.

Dans son interview, Safi N'diaye raconte la difficulté des joueuses à concilier cette double vie "il y a des filles [...] qui mettent leur vie professionnelle en stand-by" ; "certaines filles refusent des sélections parce que leur employeur a engagé une comptable et pas une rugbywoman..."

Des exemples de vies, qui posent concrètement ce problème de statut et de reconnaissance de ce statut. Mais il ne faut pas oublier de parler des autres "contraintes" liées aux sport de Haut Niveau "amateur": la gestion des compétitions, la préparation physique, le travail technique, la préparation mentale, etc..

Ce sont des facteurs déterminants dans la vie d'une sportive. Imaginez-vous revenir de 2 semaines de compétitions lors du tournoi des VI nations, ou alors que vous reveniez d'un long week-end de 2 jours (samedi/dimanche) de compétition avec votre club et que le lendemain vous devez assurer un cours, défendre un dossier pro, gérer des jeunes en difficultés... Ici, la notion de "performance", liée à la récupération - aux soins médicaux et paramédicaux et surtout à la fraîcheur mentale, est totalement tronquée.

Alors quelles solutions?

Beaucoup manifestent pour la "professionnalisation" des joueuses de clubs à XV, en affirmant que ce serait la meilleure solution... Mais avec quels moyens humains, financiers, avec quelle structure de formation...?

D'autres veulent copier les "gars" (en référence aux joueurs de fédérales, par exemple), en leur donnant des "jobs" ou des "bouts de salaires" qui ne correspondent pas à leurs profils professionnels ou leurs besoins, mais qui leur permet d'avoir un fixe ou un petit complément. Mais à long terme est-ce réellement une solution socio-économique viable...?

Et quand vous discutez avec des joueuses de rugby (comme Audrey Abadie Blagnac Saint Orens et internationale à XV) qui ne souhaitent pas forcément devenir professionnelle mais qui aspirent simplement à mieux s'entraîner en bénéficiant de meilleures structures d'entraînement. Ou encore comme d'autres sportives qui aiment avoir cette possibilité de pouvoir changer de "costume" (sportive un jour, salariée/étudiante, un autre jour). N'est-ce pas là une idée intéressante sur laquelle s'appuyer pour construire quelque chose de cohérent et de faisable !?

Je vous laisse y réfléchir quelques instants, en attendant le prochain Mécène ou le futur Investisseur souhaitant s'engager pour le rugby féminin à l'instar des clubs de Top 14.

Pour accompagner votre réflexion, laissez-moi vous racontez l'histoire de la ligue professionnelle de Soccer aux Etats-Unis. La ligue a essuyé deux échecs dans la mise en place de la professionnalisation de son championnat. Les saisons 2001/2003 et 2010/2012, ont été marquées par l'effondrement de clubs qui étaient dans l'incapacité de financer les joueuses (pas de sponsors viables, apparition de frais non anticipés, etc...). Aujourd'hui, la ligue tente de relancer la professionnalisation, en s'appuyant sur la Fédération Américaine de Football, qui finance à 100% toutes les joueuses. Bien entendu sous de nombreuses conditions et pas toujours avantageuses pour les joueuses.

Cette expérience américaine, montre, malgré tout, l'importance de l'implication des Fédérations dans cette volonté de changement.

Un autre contexte, celui du fonctionnement qu'utilise la FFR (Fédération Française de Rugby) actuellement pour la gestion des internationales, qui marche et a abouti à quelques contrats et arrangements, dont moi-même j'ai bénéficié durant ma carrière. Les salariés, les fonctionnaires, avec l'appui de la FFR quand cela est possible, peuvent bénéficier d'une CIP (contrat d'insertion professionnel): convention entre l'état, la FFR et l'employeur. Ce dernier bénéficie de compensations financières liées aux absences de l'internationale. En plus de la CIP, il y a le fait de rencontrer les employeurs, les directeurs d'écoles, afin de les valoriser et de les aidés dans l'accompagnement de la joueuse internationale (Nathalie Janvier, chef de délégation de 2010 à 2016, avait travaillé dans ce sens). Ou alors, peut-être, proposer une compensation financière pour celles qui sont contraintes de prendre des congés sans solde.

De nombreuses solutions "au cas par cas" existent, mais quid de la gestion de la "joueuse internationale" au sein des clubs? Et pourquoi ne pas miser sur les clubs, la base de la pyramide, pour tenter d'améliorer les conditions des joueuses du XV de France?

Voyons cet exemple, qui nous vient d'outre-manche. En janvier 2017, Nigel Melville (directeur du rugby professionnel de la RFU - fédération anglaise de rugby), annonce la création d'un nouveau championnat élite féminin "The Women's Super Rugby", qui regroupera 10 équipes "professionnelles". La particularité de ce championnat, est qu'il est entièrement financé par la RFU qui va investir plus de 2.400.000£ (2.646.000 euros). Elle sera accompagnée par un sponsor unique, la marque Tyrrells. A elles deux, ces entités supporteront les charges de fonctionnements sportifs de chaque club (ndrl scrumqueens du 03/05/2017).

La volonté de la RFU n'est donc pas de "payer les joueuses", mais de leur donner tout le confort du professionnalisme: un staff technique compétent et diplômé, un staff médical complet, ayant accès à tout le matériel pour le suivi des joueuses, un staff dédié à la préparation physique, à la nutrition, à la préparation mentale. Leur objectif: donner accès à un confort, en structurant leur environnement sportif et d'entraînement, et atteindre rapidement un très haut niveau de performance.

L'ambition de la RFU : faire de l'Angleterre la nation la plus forte du Rugby Féminin. Et ce, en commençant d'abord par les Clubs, fournisseurs officiels des Internationales.

Alors, pourquoi ne pas s'inspirer de la nation qui a, ne l'oublions pas, inventé le Rugby..?

Pour avoir assisté à la réunion de la commission féminine lors des assises de la FFR du 22 au 24 juin 2017) qui se sont déroulées à Bourges, cette liste de doléances colle parfaitement aux désirs de tous les clubs du TOP 8.

Mais ne soyons pas crédules non plus: est-ce que cette action de la RFU est applicable au niveau du championnat Français? Peut-on espérer voir Paul Goze, faire une proposition de ce style? Est-ce que la FFR est-elle prête à investir dans le Rugby Féminin, jusqu'à financer en totalité les frais liés aux fonctionnements des clubs du Top 8 ? Ou encore, est ce que cette prise en charge des clubs par la RFU, ne cache-t-il pas une perte d'autonomie de ces derniers?

Autant de questions qui restent sans réponse, pour le moment. Mais, je crois aux acteurs et actrices de notre FFR, je sais et je connais les engagements que notre président a formulé pour le rugby féminin et j'espère par cette réflexion, avoir suscité des questionnements, agacé ou stimulé quelques personnes à avancer pour améliorer le statut de nos joueuses et faire de la France, la meilleure nation du rugby féminin.

En tout cas, pour ma part, j'y réfléchis toujours!

En attendant, aux bleues la lourde tâche de poser la première pierre le 26 août prochain.

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