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Émilien Bugeaud: « Mobiliser tout le monde dans l’aventure olympique »

Mardi 8 Mars 2022 - 23:45

Successeur de Florian Bruzzo à la tête de l’équipe de France féminine de water-polo, Émilien Bugeaud a réussi son premier défi: qualifier le collectif tricolore aux championnats d’Europe de la discipline qui se tiendront à Split (Croatie) fin août-début septembre, à l’issue d’un tournoi de qualification disputé à Malte le week-end dernier. Une échéance importante pour ce jeune collectif sur la route des Jeux olympiques de Paris en 2024.

Vous avez succédé à Florian Bruzzo en fin d’année dernière. Comment avez-vous abordé cette nouvelle mission ?

C’est une continuité. J’ai intégré le staff de l’équipe de France féminine en 2016 dès la prise de fonction de Florian Bruzzo. J’ai passé une olympiade aux côtés du groupe, avec simplement une petite pause en 2018. Ma nomination en tant que sélectionneur était une surprise parce que ça représente un challenge important, surtout à deux ans et demi des JO. J’avais candidaté parce qu’il me semblait que je connaissais l’ensemble des problématiques liées à l’équipe de France ainsi que les projections de Florian sur les années à venir. On a partagé le même bureau à l’INSEP pendant trois ans. Je pense que c’est ce qui a plu à la Direction Technique Nationale. Il n’y a pas eu de temps d’adaptation, ou en tout cas cela a été raccourci d’autant que l’olympiade est plus courte que d’habitude.

Y-a-t-il une continuité également au niveau du management et des principes de jeu ?

Au niveau des principes de jeu, on reste dans la continuité, mais je pense qu’on a beaucoup de différences au niveau du management. Nos sensibilités et notre approche sont assez différentes. Pendant une olympiade, j’ai pu observer ses méthodes tout en ayant du recul et je me demandais souvent si j’étais à sa place, de quelle manière j’aurais agi.

Aviez-vous un rôle de confident auprès des joueuses lorsque vous étiez l’adjoint de Florian ?

Je n’avais pas ce rôle-là, même si c’est souvent le cas. Personnellement, je me suis occupé de former les jeunes joueuses à l’INSEP ces trois dernières années. Florian s’en est beaucoup servi en intégrant régulièrement de nouvelles filles dans le collectif national. Je les ai eues en juniors et maintenant en séniors.

Vous côtoyez depuis quelques années maintenant cette génération 2024.

Les contours de l’équipe de France de 2024 sont encore à définir. Ils dépendront de l’orientation que l’on souhaite donner à cette équipe. Aujourd’hui, bien malin est celui qui pourra nous dire le nom des joueuses sélectionnées pour cette échéance. Dans ma position actuelle, je me dois d’effectuer un état des lieux complet et une projection sur le futur parce que l’histoire récente m’a appris que rien ne nous serait épargnés. Quand on voit que Géraldine Mahieu, qui était capitaine de cette équipe, a décidé de jouer pour la Hongrie, ou que Clémence Clerc qui était un pilier de notre défense, doit mettre un terme à sa carrière en raison d’un diagnostic médical, on se dit que nous allons devoir nous adapter. D’autant qu’on n’est pas à l’abri qu’une cadre de l’équipe se blesse à deux mois des JO non plus. Les cartes sont sans cesse rebattues et c’est le lot quotidien des sélectionneurs d’équipes nationales. C’est pour cette raison qu’on doit essayer de créer un collectif étoffé dans la perspective de Paris 2024.

Les joueuses et le staff de l'équipe de France féminine de water-polo (Photo: ffn.waterpolo)

Les filles du collectif national s’entraînent pour la plupart ensemble au quotidien. Cela permet-il de gagner du temps sur la construction d’une équipe ?

C’est forcément un plus et j’ai pu le mesurer à Malte, lors du tournoi de qualification pour les championnats d’Europe. Sur les filles sélectionnées il y en a neuf qui sont au quotidien ensemble à l’INSEP. C’est plus facile pour les mises en place tactique, les repères etc. On se projette déjà sur les Mondiaux de Budapest en juin et sur les Euro de Split en septembre.

Les championnats d’Europe seront-ils le point culminant de cette saison ?

Ce sera l’objectif prioritaire. Les filles se sont fixées l’objectif d’intégrer le Top 6 européen. Je m’inscris dans cette ambition. Nous allons essayer désormais de construire le chemin et de mettre en place les actions qui permettront de passer de la déclaration d’intention à la réalisation de cet objectif.

Que retenez-vous de ces trois jours à Malte (victoire contre Malte et le Portugal et défaite contre Israël) ?

Ce que je retiens, c’est qu’avec un groupe remanié à 50% depuis la dernière compétition officielle (Tournoi de Qualification Olympique à Trieste), notamment sur la base défensive, on a quand même réussi à se qualifier. À Malte, il y avait cinq joueuses qui disputaient leur première compétition internationale, avec le stress que cela peut impliquer et les enjeux de cette échéance. D’autant, que je savais que ce ne devait être qu’une étape dans notre saison et que nous n’avons pas relâché les efforts à l’entraînement dans les jours précédents. L’histoire nous a donné raison. Avec un groupe rajeuni et un état de fraîcheur pas optimal, nous sommes passés. On est dans une ambition de travail et de développement sur le plus long terme. En abordant ce tournoi, j’ai dit aux filles qu’elles étaient fortes et que ce tournoi devait permettre d’emmagasiner de la confiance.

De la confiance et de l’expérience également dans un tournoi couperet où la qualification s’est jouée sur un match face au Portugal.

On n’a pas joué contre les meilleures nations européennes mais pour passer du niveau juniors au niveau séniors dans une compétition à enjeu, il faut quand même le faire. D’autant que tout s’est joué lors du dernier match contre le Portugal. Lors du dernier tournoi en 2020, les Portugaises avaient posé des problèmes à l’équipe de Croatie. Si on veut pouvoir aborder les JO 2024 de la meilleure manière possible, il faut en passer par tous ces matches et ces tournois où elles ressentent de la pression. En tant que sélectionneur, je regarde de quelle manière elles gèrent ça.

Estelle Millot est une des cadres de cette équipe de France de water-polo (Photo: ffn.waterpolo)

Les Mondiaux de Budapest ne seront donc qu’un point d’étape sur le chemin de Split ?

À Budapest, il n’y a pas de finalité qualificative à d’autres compétitions. Il s’agira surtout d’emmagasiner de l’expérience et de se confronter aux meilleures nations. À Split, nous devrons prendre l’une des six premières places pour nous qualifier pour les Mondiaux de 2023 à Fukuoka. Dans la stratégie de performance pour aborder au mieux les JO 2024, il est important de participer à toutes les compétitions qui se tiendront jusque là. Tous les matches que nous disputeront avant Split permettront de faire un état des lieux et de mettre les filles en situation de confrontation de haut niveau.

Vous évoquiez tout à l'heure la temporalité. Comment vivez-vous le fait de ne disposer que de deux ans et demi pour préparer les JO de Paris ?

C’est à la fois pas assez mais en même temps suffisant, parce qu’il y a un enchaînement de compétitions qui va nous permettre de travailler. Cette année nous avons des Mondiaux et des Euro, en 2023 des Mondiaux et en 2024, en fonction de l’organisation de la FINA, des Mondiaux, des Euro et des JO. Il y aura aussi les Universiades en août 2023. C’est une chance pour nous. D’autant que les jeunes joueuses de notre groupe auront aussi des échéances avec les équipes juniors. Cela va leur donner la possibilité de s’exprimer.

D’autant que l’objectif final suffit à lui seul à motiver les troupes.

J’utilise ça comme un levier. Je veux envoyer le message à tout le monde que le but est d’élargir le pool de joueuses sélectionnables afin de créer de la concurrence et de l’émulation. C’est important pour mobiliser tout le monde dans l’aventure Paris 2024.

L’équipe de France féminine dispose-t-elle à l’instar des garçons d’un mélange entre jeunes joueurs prometteurs et cadres expérimentés ?

Ce mélange intergénérationnel est moins présent que chez les garçons. Notre noyau de cadres est plus restreint. L’équipe est davantage à trois étages avec des jeunes, des joueuses de 22-23 ans qui se situent au milieu et des cadres. Ema Vernoux qui va fêter ses 18 ans montre, par exemple, qu’elle peut déjà apporter beaucoup à cette équipe. Avec l’apport du Centre National de l’INSEP, nous disposons d’un vivier de jeunes joueuses. D’ailleurs, sur toutes les joueuses qui étaient à Malte, celles qui ne s’entraînent pas encore au quotidien à l’INSEP ont fait acte de candidature pour intégrer la structure l’année prochaine. C’est une volonté collective pour espérer réaliser de grandes choses en 2024.

Recueilli par J. C.

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