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« De l’adrénaline et de l’exigence »

Lundi 3 Février 2020 - 09:00

Arbitre international depuis 2013, le Français Sébastien Dervieux, 41 ans, professeur d’éducation physique et sportif et passionné de water-polo, a arbitré, le mois dernier, à Budapest (Hongrie), son premier championnat d’Europe. L’occasion de revenir sur son parcours, cette expérience de très haut niveau ainsi que sur l’avenir de l’équipe de France et de la discipline.

Parlez-nous de votre parcours ?

Je suis arbitre depuis 2002 et arbitre international depuis 2013. J’ai sifflé mon premier championnat du monde, l’été dernier, à Gwangju (Corée du Sud), comme arbitre neutre puisque la France n’était pas qualifiée pour ce rendez-vous. Cette année, j’ai pris part à mon premier championnat d’Europe à Budapest. L’été prochain, je vivrai mes premiers Jeux olympiques à Tokyo. Depuis un peu plus de deux ans et demi, les échéances s’enchaînent, qu’elles soient continentales ou mondiales, car j’ai également arbitré deux finales de Ligue des champions.

Les résultats des équipes de France ont-ils un impact sur votre parcours d’arbitre ?

Les prestations d’un arbitre français peuvent indirectement permettre aux collectifs nationaux d’être mieux sifflés. Quant à moi, ça me donne la possibilité d’épouser la progression des équipes de France en arbitrant des rencontres de haut niveau.

De quelle manière abordez-vous une rencontre internationale ?

J’en suis à 130 matchs internationaux ! La veille d’une rencontre, j’essaie toujours de rester au calme et de ne pas m’éparpiller. Je fais aussi une sieste avant les matchs pour faire le vide. Ces deux dernières années, il a pu m’arriver de visionner les confrontations précédentes des équipes que j’allais siffler.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

En vous écoutant, on a le sentiment que le plus important est de rester lucide.

Le plus important, à mon sens, c’est d’aborder un match serein et détendu. Il faut également passer du temps avec son collègue (les arbitres de water-polo fonctionnent en duo, ndlr) pour avoir le même feeling et être sur la même longueur d’onde. Il est primordial de bien se connaître. Nous sommes aidés aujourd’hui par les progrès technologiques, mais ça ne doit pas empêcher d’échanger un maximum.

Qu’est-ce qui vous a donné le goût de l’arbitrage, mission qui est loin d’être aisée et bien souvent exposée ?

Ce qui est un peu regrettable, c’est que les arbitres récoltent plus souvent des reproches que des félicitations. Les arbitres font pourtant partie du jeu. Sans eux, il n’y a pas de rencontres sportives. A titre personnel, je suis passé par tous les stades. J’ai un diplôme d’Etat de water-polo, cela signifie que j’ai étudié la discipline à la faculté avant de devenir professeur d’éducation physique et sportive. C’est un sport qui me passionne. Je l’ai longtemps pratiqué avant de rendre service pour arbitrer dans mon club, puis de m’y mettre plus sérieusement à partir de 2002. C’est un rôle qui me convient bien finalement…

Pourquoi ?

Parce qu’il y a de l’adrénaline et de l’exigence, mais aussi parce que c’est un engagement…

Comment ça ?

J’ai vraiment à cœur de promouvoir mon sport, de défendre l’évolution de ses règles pour qu’il continue d’apparaître aux Jeux olympiques. Depuis 2013, le water-polo est en danger ! Beaucoup de scénario ont été imaginés, mais heureusement, le sport bénéficie de solides soutiens. Il importe maintenant de mettre les acteurs de la discipline en avant et de les soutenir pour susciter des vocations auprès des plus jeunes.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

De nombreux garde-fou ont été mis en place. Toutefois, cela n’empêche pas certains ratés. Lors de l’Euro hongrois, par exemple, la rencontre cruciale opposant la France à la Géorgie (défaite des Bleus 7-9 le mardi 14 janvier, ndlr) a laissé place à quelques décisions arbitrales litigieuses. Le staff tricolore vous a-t-il interpellé à ce sujet ? Avez-vous pris le temps de visionner les images ?

Je ne me permettrais pas d’émettre des jugements sur mes collègues. Nous commettons tous des erreurs, comme les joueurs et les entraîneurs. C’est humain, ça fait partie du jeu. L’arbitre est trop souvent l’exutoire et puis l’histoire du sport est jalonnée de faits marquants, comme la main de Maradona en coupe du monde, par exemple. Après, pour vous répondre franchement, je suis persuadé que l’équipe de France masculine avait largement les moyens de remporter cette rencontre face à la Géorgie.

Avez-vous l’opportunité d’évoquer les questions réglementaires avec les joueurs de l’équipe de France ?

Il est essentiel que nous travaillons ensemble et pas chacun de notre côté. Il me semble, en effet, que les arbitres français peuvent apporter beaucoup au collectif tricolore comme ça a été le cas avec le groupe masculin lors du stage de préparation avant le championnat d’Europe hongrois. J’ajouterais, et cela peut surprendre, que certains joueurs de haut niveau ne connaissent pas toujours le règlement en détail. Or, il est capital de maîtriser la règle. C’est une condition sine qua non pour performer face aux meilleures nations qui, elles, savent parfaitement exploiter les règles. A titre d’exemple, les Grecs ont rassemblé, l’année dernière, tous les acteurs de la discipline lors d’un séminaire pour réformer la discipline en profondeur. De la même manière, il va bien falloir se poser la question de savoir ce que nous voulons pour notre sport à l’horizon 2024.

Considérez-vous que les promesses nées avec la qualification du groupe masculin aux Jeux de Rio en 2016 n’ont pas été suivies d’effets ?

Je crois surtout que l’on a vu cette qualification comme une finalité. Les joueurs ont accompli un formidable exploit. Leur qualification est une juste récompense du travail réalisé pendant plusieurs années, mais nous n’avons pas profité de cette expérience pour progresser.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Les quatre années qui nous séparent des Jeux de Paris seront-elles suffisantes pour permettre aux collectifs masculin et féminin d’être compétitifs ?

Le temps imparti est court, c’est certain, mais il n’y a plus de question à se poser. Il faut y aller en se projetant sur les Jeux de Paris, mais aussi capitaliser tous l’ensemble pour l’avenir. En mobilisant toutes les compétences et en disposant des moyens adéquats, on doit pouvoir éviter de se retrouver dans la même situation qu’après Rio.

Reste que l’économie du water-polo français est limitée.

Ce n’est pas qu’une question financière. Les joueurs des pays des Balkans ne touchent pas les sommes que perçoivent les têtes d’affiche du championnat de France. Si autant de joueurs étrangers viennent joueur chez nous, c’est bien que notre championnat est attractif. Quand je parle de « moyens », j’entends moyens humains et compétences. A titre d’exemple, et ce n’est qu’une piste de réflexion, peut-être que notre équipe de France masculine a besoin d’un préparateur mental, à l’instar du collectif féminin. Il me semble d’ailleurs que quasiment toutes les formations internationales ont intégré des psychologues dans leur staff. De manière générale, c’est un peu la part d’ombre du sport tricolore. On constate que les sportifs français se heurtent souvent à des barrières mentales au plus haut niveau.

Les collectifs nationaux nourriraient-ils un complexe face aux formations de top niveau mondial ?

Il y a un manque de confiance. Je ne sais pas d’où ça vient ni comment l’expliquer, mais il est évident que certains de nos joueurs qui ont disputé les Jeux olympiques sont passés à côté de leur championnat d’Europe. Ça me peine de le dire car ce sont des garçons que j’apprécie énormément, mais il y a un manque criant de confiance. D’où la nécessité de travailler tous ensemble et de mobiliser toutes les compétences.

Recueilli par Adrien Cadot

 

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