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Pentathlon moderne: l’heure de la guillotine ?

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Après un incident aux Jeux olympiques de Tokyo de 2020, l’épreuve de l’équitation pourrait être écartée de la discipline du pentathlon. Une décision qui suit son chemin mais que regrette une bonne partie des sportifs concernés. Tribune libre.


Une épreuve non olympique au cœur des Jeux ? Pour Pierre de Coubertin, jamais !

Il y a un an, je parlais dans les colonnes de Marianne du souhait de dirigeants de l’Union Internationale de Pentathlon Moderne (UIPM) d’évincer l’équitation du « Penta », combinaison olympique de cinq sports créée en 1912 par le baron Pierre de Coubertin qui regroupe également course à pied, natation, tir au pistolet et escrime à l’épée.

Pour remplacer l’équitation, pourtant le plus populaire des sports du pentathlon (notamment en France), liant nature et amour de l’animal, l’UIPM a proposé un parcours d’obstacles inspiré de Guerrier Ninja ou Intervilles. Un double emploi avec la course à pied, un peu guignol. La perversion de la volonté transmise par le fondateur du pentathlon et des Jeux olympiques est profonde.

Pierre de Coubertin avait souhaité distinguer le sportif le plus accompli, apte à faire face, digne rappel du héros vainqueur dans l’Antiquité. Pour cela il avait imposé, contre certains de ses pairs parfois, cinq sports reconnus aux performances éprouvées, demandant des qualités complémentaires dont l’intersection définit une élite sportive. Certes, il a pesté contre la difficulté de réunir des chevaux (pour éviter que l’argent entre en jeu, les montures sont tirées au sort), mais n’a pas un instant imaginé abandonner le cheval. Jamais, jamais Pierre de Coubertin n’aurait songé introduire une discipline non reconnue, non olympique, conçue pour le spectacle : le pentathlon est par essence un ensemble de sports installés, de gentilhommes (souvent des militaires) dont il teste les qualités morales et sportives. Le combiné tir-course sur le modèle du biathlon introduit en 2009 par l’UIPM, intéressant en soi mais non pratiqué ailleurs, balayait d’ailleurs déjà cette intuition géniale.

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Si cette trahison a cristallisé les oppositions, elle n’est toutefois pas la seule cause : la révolte des pentathlètes a dépassé le seul remplacement du cheval par un divertissement à vocation publicitaire.

Des dirigeants en bout de course, aux résultats contestés, aux méthodes douteuses ?

L’allemand Klaus Schormann, Président de l’UIPM depuis 1993, est mis en cause pêle-mêle parce que :

– Sa gouvernance assurerait des réélections depuis 30 ans par le biais de fédérations fantômes ou, lorsque cela ne suffit pas, sous la menace de retirer des évènements internationaux aux récalcitrantes. Le plus récent congrès de l’UIPM a illustré ce dirigisme : pour éviter que des fédérations incapables d’y envoyer un représentant imposent leurs vues, un garde-fou statutaire certifie que ne peuvent voter que celles « présentes ». Cette disposition est contournée, transformant présence physique en « présence » en ligne. Le tout dans un contexte où près de la moitié des fédérations enregistrées n’envoient aucun athlète en compétition internationale, fût-elle seulement de laser run.

– La discipline équestre est (dé)laissée, munie de règles conduisant à des incidents : pour cette discipline, le cheval est tiré au sort 20 minutes avant l’épreuve. Une règle ignorant le lien de confiance nécessaire entre un équidé et un cavalier. À Tokyo, une cavalière a durement traité un cheval qui n’obéissait pas, déjà éprouvé par une concurrente. Ce scénario pourrait se répéter à Paris en 2024, possiblement derniers Jeux olympiques de cette discipline.

– Le pentathlon moderne n’a connu depuis 30 ans aucun développement hors de sa sphère. En effet, la tentative d’attirer des jeunes en proposant l’inédit laser run, plutôt que de s’appuyer sur des fédérations installées telle la Fédération équestre internationale (FEI), s’est soldée par un échec.

– La présence aux Jeux olympiques du concours complet d’équitation, du saut d’obstacles et du dressage est mise en cause par ce bouleversement du pentathlon. Ces sports équestres recueillent pourtant comme jamais une ferveur populaire et le soutien de la jeunesse.

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– Des athlètes se considèrent méprisés : des dizaines de médaillés olympiques ont écrit au Comité international olympique (CIO) pour réclamer le maintien de l’équitation, un livre a pris le pentathlon comme exemple, Des athlètes portent plainte : bataille pour l’avenir du pentathlon moderne, et les sondages directs ont montré que plus de 90% des pentathlètes veulent conserver leur combinaison originale d’épreuves.

Un reportage de la télévision allemande a fait état en mai dernier de turpitudes des dirigeants de l’UIPM.

Pierre de Coubertin a créé deux choses, de même légitimité : les Jeux olympiques (et le CIO), et le pentathlon moderne. Ce dernier est exclu en l’état des Jeux de 2028. Un désastre.

Lueurs d’espoir : un esprit intact, le désintéressement

Le rêve de l’athlète désintéressé qui pratique « plus qu’un sport » résiste, heureusement :

– Des nations majeures du pentathlon ont demandé la démission de Klaus Schormann et l’amélioration de l’épreuve d’équitation.

– l’Australien Alex Watson, pentathlète à Los Angeles en 1984, Séoul en 1988 et Barcelone en 1992, directeur des compétitions à Sydney en 2000 est candidat pour le remplacer. Il est soutenu par le champion olympique Joe Choong : «[l’UIPM a] fait disparaître notre sport du programme olympique en raison de sa mauvaise gestion au cours des deux dernières décennies. Au cours de cette période, elle n’a pas réussi à moderniser notre discipline équestre et n’a fait que de faibles tentatives pour promouvoir le sport au-delà de son public actuel. Ils ont ensuite cherché à introduire une cinquième discipline qui n’a rien à voir avec la nôtre, sans consulter ni tester les athlètes dont dépend le sport. Alex Watson est prêt à tendre la main et à écouter les réactions et les opinions des athlètes et de la communauté au sens large. C’est le leadership dont notre sport a tant besoin ».

« Ils ont ensuite cherché à introduire une cinquième discipline qui n’a rien à voir avec la nôtre, sans consulter ni tester les athlètes dont dépend le sport »

Joe Choong, champion olympique.

– Avec l’appui de la FEI, des épreuves internationales d’Ultimate pentathlon (avec équitation) seront organisées aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Europe, par Stefan Ahaus, président du Warendorf Modern Pentathlon, actant ainsi un schisme de l’UIPM.

– Une modernisation alternative pour l’épreuve d’équitation du pentathlon empêcherait les incidents en assurant le bien-être animal, et la bonne formation des couples.

Le renouveau est là, le sens de l’histoire et les volontés également. Les développer avec la FEI pourrait faire oublier les trente années cornaquées par Klaus Schormann.

Un chemin difficile pour le pentathlon, fait de couperets

Les conditions sont rudes pour que, nanti d’une épreuve équestre sûre, le pentathlon vive auprès d’un CIO – qui n’a jamais demandé sa suppression, ni celle de l’équitation.

Son avenir penche désormais surtout du côté d’Ultimate Pentathlon, du cheval et de la FEI, pour balayer les cendres d’une UIPM courant après la mode – non la modernité.

Le Pentathlon agite peu les foules car une intersection de cinq sports différenciés est par nature peu pratiquée (au fait, combien de Décathloniens actifs ?). Pourtant, ce combat parle de quelque chose de plus grand que lui : le spectacle, la facilité, la cruauté aveugle et la discrimination du wokisme face à l’effort, au désintéressement, à la fidélité patiente et au mérite obstiné. Mots surannés qui chantent et parlent aux cœurs qui prennent le temps, non au sentiment immédiat.

Il s’agit que les Jeux et le monde gardent leur âme sportive, glorieuse et désargentée : le Pentathlon. Moderne, pour le différencier du Pentathlon antique, disparu au 4e siècle ; bien sûr, sa structure peut être modifiée… mais dans ce tempo : tous les 2.000 ans. Environ.

Le Comité international olympique s’honorerait d’être fidèle à la modernité acharnée de Pierre de Coubertin, en résistant à l’attrait de l’argent, du pouvoir et de la démesure.

Où tombera la guillotine : sur le cheval, ou sur le sport-spectacle ?

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