A Clermont-Ferrand, les sports surfent sur l'effet JO de Paris, après les exploits des Lebrun, Marchand, Riner...
Philippe Charrier avait déjà vécu ça. C’était en 1992, Jean-Philippe Gatien venait de triompher aux JO de Barcelone. En septembre, les nouveaux licenciés venaient frapper à la porte de son club, l’Union sportive des cheminots. Philippe était au club depuis quatre ans. Il y est toujours et ce à quoi il assiste en cette rentrée 2024 n’est d’aucune commune mesure.
« Les frères Lebrun ont changé la donne »Les frères Lebrun sont, avec Léon Marchand, le tube de l’été. Il suffisait, pour s’en convaincre, de regarder les rayons vides des magasins de sport clermontois au rayon tennis de table. Pardon, au rayon ping. Et Alexis et Félix ont assumé leurs rôles de VRP.
Ils nous ont envoyé des posters dédicacés “Venez jouer à l’US Cheminots”. On leur avait demandé et ils l’ont fait gracieusement », s’enthousiasme Philippe Charrier.
Et le président de se souvenir de cette journée de novembre 2017, où un certain Félix Lebrun, du haut de ses 12 ans « tapait des joueurs de niveau national, comme si c’était normal » à l’Arténium de Ceyrat.
Le club a vu son nombre de licenciés augmenter de 30 %. « On a ouvert une nouvelle séance le jeudi. Les frères Lebrun ont changé la donne. » Et le ping-pong n’est pas le seul sport à surfer sur la vague JO. « On voit vraiment l’effet. Les disciplines non olympiques sont stables. Ensuite, ça dépend de la visibilité pendant les Jeux », analyse Gérald Nivelon, vice-président du comité départemental olympique et sportif. Et responsable des 300 à 350 associations sportives clermontoises en qualité de directeur de l’office municipal du sport de Clermont. « Le basket fait plus 20 % de licenciés. Trois médailles aux JO, c’est incroyable. Il y a 3.800 clubs de basket en France. Ils refusent en moyenne 40 licenciés par club. »
Le judo au sommet de l'OlympePing-pong, basket, qui d’autre a brillé aux JO?? Faisons un tour sur les tatamis. Teddy Riner a-t-il porté le sport?? Oui. Le tout nouveau président du judo au Stade Clermontois, Jérôme Laulan, peut se féliciter de voir son nombre de licenciés augmenter de 10 à 20 %. Le champion olympique influence bien au-delà même. « Les gens se jettent sur le kimono de Teddy. Ils veulent le même », sourit celui qui a combattu contre le monstre Riner à plusieurs reprises. Et le judo a un coup d’avance sur les autres sports. Son champion est au plus haut niveau depuis des années. « Chaque olympiade, nous avons un effet. Et ça ne redescend pas, les gens restent. » Ippon.
Ce que pourrait vivre la natation avec la longévité annoncée de Léon Marchand. « L’effet des JO a dû jouer, mais on ne peut pas quantifier. » Raymond Simonet, exemple d’honnêteté. Pourtant, le président natation au Stade Clermontois donne les chiffres. « Flamina est passé de 100 à 130 licenciés. » Mais ? « Mais la Ville nous a donné de nouvelles lignes, donc ça vient peut-être de là. » Parce que la natation refuse du monde chaque année. Olympiade ou non. Au Stade, les 700 licenciés de la saison dernière n’étaient pas atteints mi-septembre. « Mais il y a la réouverture de la piscine de Chamalières. » Qui héberge 250 à 300 licenciés.
« L’héritage des Jeux doit aussi passer par les moyens »Ces lignes d’eau qui manquent. Ces piscines qui ouvrent ou ferment. Une réalité que partagent tous les clubs. Les JO sont porteurs de valeurs qui, sans un peu de matériel et d’humain, ne seraient rien qu’un coup de vent soufflé tous les quatre ans.
80 % de nos licenciés sont là pour le loisir, estime Jérôme Laulan au judo. Ceux qui performent, on les accompagne pour aller ailleurs. Parce que ça coûte cher. Un ou deux champions, ça va. Au-delà, le trésorier s’arrache les cheveux.
« L’enjeu c’est de pérenniser. La fédération nous en parle, raconte le pongiste Philippe Charrier. Aujourd’hui, les jeunes zappent de sports. L’idée, c’est de faire adhérer les parents. » Rien de tel qu’une histoire de famille lebrunesque.
Le comité olympique départemental est conscience de ces enjeux. La Ville de Clermont aussi. « Les clubs souhaitent plus de créneaux, de lieux. La Ville fait son max, mais on ne peut pas créer des lieux. Et il y a un manque d’encadrement. Il faut pérenniser les emplois via l’apprentissage. On forme des tonnes de jeunes et on apprend qu’il y aura une baisse des aides d’État… L’héritage des Jeux doit aussi passer par les moyens. »
Simon Antony