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Lettre d’hommages à Maître Gruss par Jean-Guy BERNEZ

Mesdames, messieurs, Chers amis, C’est à la demande de Madame Liliane Gruss, son épouse, et au nom des élèves du Dojo de Thionville, que je prends la parole cet après-midi devant vous. Gilbert Gruss était un géant comme nous avons peu l’occasion d’en rencontrer au cours d’une vie. Considéré comme un des pères fondateurs du karaté français, combattant hors norme ayant donné à notre pays son premier titre de champion du monde en 1972. Au cours de sa carrière de compétiteur Il a accumulé les honneurs et les distinctions, en France, en Europe, dans le monde. Mais il ne s’est pas arrêté là. Sélectionneur et entraîneur des équipes de France, Directeur Technique National adjoint, initiateur de nombreux dispositifs et réflexions, il se dévoua pendant 20 ans, au sein de la Fédération Française de Karaté. Il a été l’un des artisans majeurs du socle sur lequel repose encore aujourd’hui la suprématie française. Le Karaté devenant Olympique (JO de TOKYO 2020), La première médaille que nous décrocherons devra sans aucun doute, un petit quelque chose à cet homme. Mais ce n’est pas de l’homme public, de la « star du karaté » dont je vous vais brièvement vous parler. D’autres s’en chargeront, bien mieux que moi, dans les jours et les semaines à venir. C’est plus simplement le professeur, l’ami, l’homme de tous les jours, à travers les échanges que j’ai pu avoir avec lui chaque semaine, que j’aimerais évoquer brièvement avec vous, en ce triste après-midi d’octobre. Je suis son élève depuis 1979, 37 ans. Je venais d’entamer mon internat en médecine à Metz, quittant Nancy et un autre grand maitre, lui de Judo, Henry Mennessier. Le Karaté et Gilbert Gruss s’imposaient tout naturellement. « Bonjour, moi c’est Gilbert », tel fut son accueil dans le dojo à côté du jardin botanique. Ce fut pour moi ahurissant ; Comment pouvais-je appeler par son prénom celui qui était déjà un monument du karaté Français, dont j’avais suivi les exploits, adolescent, à travers la presse (Francejudo), le compagnon de route de Dominique Valera, l’entraîneur de l’équipe de France ; Je n’en revenais pas. Je découvrais ainsi une facette du personnage : la simplicité, l’humilité presque devrais-je dire. En 37 ans, il ne s’en départit jamais. Sûr de lui, mais jamais dominateur, ni agressif. « L’homme tranquille » pour plagier le titre d’un film de John Ford des années 50 avec John Wayne, comédien qu’il appréciait tout particulièrement, et dont il partagea malheureusement, à la fin, la triste maladie. Un parcours de 37 ans, pas tout à fait en réalité. Pendant presque 10 ans j’ai été amené à étudier d’autres arts martiaux. Il ne m’en a pas voulu ou du moins n’en laissa rien paraître à mon retour. Cet homme qui ne transigeait pas avec la fidélité, avait compris ma modeste démarche. D’une certaine façon et toute proportion gardée, il avait lui aussi évolué de même. Lorsqu’on lui demandait de quel maître il était l’élève direct, il n’y en en avait aucun en particulier. Ce n’était en rien de la vantardise. Tous avaient eu de l’importance, tous avaient compté dans l’élaboration de son « DO », sa voie, mais aucun n’avait (apparemment) été déterminant. Il s’était forgé au gré des rencontres, tel un Rônin (un samouraï sans maître), passant au tamis de son intelligence et de son formidable talent, l’enseignement de ces prestigieux anciens. Une telle attitude lui imposait une recherche, une curiosité de chaque instant et cela dans les domaines les plus divers. Il s’était ainsi, consacré à l’étude du Japonais et particulièrement des Kanji, ces idéogrammes traditionnels de l’écriture japonaise, issus pour la plus part du Chinois. Son objectif était de trouver des clés d’interprétation dans la lecture des techniques de karaté et plus particulièrement des Katas. A son élève le plus avancé au Dojo, Marc Taris, qui lui demandait récemment comment progresser en Karaté, il lui avait recommandé l’étude assidue du Taïchi chuan. Cette ouverture d’esprit s’était aussi traduite, il y a une dizaine d’années, par la création du collège des ceintures noires, organisme à travers lequel ses élèves bénéficiaient de stages, je devrais dire de rencontres avec des maîtres de styles ou de disciplines différentes ; karaté mais aussi boxes, jujitsu, Wing Chun, MMA (Mixed Martial Art), Taikiken, etc. Combien nous étions fières, de constater alors le respect dont faisait preuve, ces personnalités à l’égard de notre maître. Lui-même ne se définissait pas comme un maître au sens académique du terme. Celui dont on doit suivre l’enseignement «  Perinde ac cadaver », sous peine d’exclusion de la voie, du « DO ». Gilbert Gruss encourageait ses élèves à la réflexion. Ecoutons-le un instant : Si, dans le domaine des arts martiaux, il est possible d’atteindre une certaine vérité, « la Vérité » quant à elle n’existe pas. C’est une variable qui évolue en fonction du temps, du lieu et de l’action, trois unités qui multiplient la diversité de son expression. Il se considérait plutôt comme un guide, une lanterne dans le difficile parcours, semé d’embûches, de faux semblants, de mystifications que constitue la quête d’un art martial. Cette attitude pouvait même jeter le trouble, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises, chez certain de ses élèves avancés, la veille d’un passage de grade. Chez maître Gruss, point de solutions « clé en main ». Pour lui, plus on progressait, plus on devenait autonome, plus on s’affranchissait du maitre. Il considérait le karaté comme une technique de combat, mais surtout et avant tout comme un formidable moyen d’éducation. Shin Gi Tai (l’esprit, la technique et le corps), ces trois mots étaient affichés dans son dojo. « La technique (tai) et le corps (gi) ne sont rien sans l’esprit (shin) qui les unit » aimait-il nous rappeler. Ce souci d’éducation se retrouvait dans son enseignement dédié aux enfants et aux adolescents (responsable du Développement Enfant au sein de la Fédération Française de Karaté). La patience, la douceur dont il faisait preuve était alors sans limite. Son autorité naturelle faisait merveille. Les enfants d’ailleurs ne s’y trompaient pas. Ils lui vouaient une admiration sans borne. Certains, devenus adulte, sans souviennent encore. On ne compte […]

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