Vincent Labrune : « Je ne suis pas inféodé à Nasser al-Khelaïfi »
En pleine tempête en raison de la crise que traverse le football français, le président de la LFP, Vincent Labrune, a décidé de sortir du silence dans le quotidien L’Equipe.
Alors que le football français fait face à une nouvelle crise avec ses droits TV, DAZN et la LFP ont décidé de faire un pas en avant ce jeudi. Le diffuseur britannique a payé les 35M€ restants de son échéance de janvier. De quoi soulager financièrement plusieurs formations de Ligue 1. Et dans cette nouvelle tempête que traverse le football français, le président de la LFP, Vincent Labrune, a décidé de sortir du silence dans un entretien au quotidien L’Equipe et ainsi mettre les choses au clair sur l’influence de Nasser al-Khelaïfi. Extraits choisis.
- À lire aussi : Ligue 1 – Le calendrier officiel de la saison 2025 / 2026
Les prochaines étapes avec DAZN
« Il faut regarder devant nous car les clubs, les spectateurs et plus globalement les amoureux du football français ont un intérêt commun : que DAZN performe et gagne de nouveaux abonnés. Nous avons deux objectifs. Le premier, renforcer la lutte contre le piratage. Il y a en effet urgence à agir de la part du législateur car la France a des années de retard par rapport à ses voisins européens. Je suis ravi de voir que la proposition de loi portée par le sénateur Savin est en cours de finalisation et je me réjouis qu’elle soit officiellement soutenue par Marie Barsacq (ministre des Sports) et Rachida Dati (ministre de la Culture) que j’ai d’ailleurs vue mardi sur ce sujet. Le deuxième objectif est d’ouvrir encore plus nos clubs à DAZN et en faire encore davantage la promotion, notamment auprès des plus jeunes. »
La fuite de la réunion du collège de Ligue 1 du 14 juillet dernier
« Quand je prends la parole et que je remercie beIN, c’est tout simplement parce que l’on passe d’une situation où l’on avait 400 millions d’euros par an à une autre où on passe à 500 millions. Quand on vous donne de l’argent et même si ce ne sont pas les montants que j’attendais à titre personnel, on remercie les gens de l’effort plutôt que de les insulter. Nasser al-Khelaïfi se fait prendre à partie par deux présidents de club (John Textor, de l’OL, et Joseph Oughourlian, de Lens). Il défend sa position. Il a vraiment le sentiment que le Qatar aide. Ce qui est vrai parce que beIN donne 100 M€ pour la L1, 40 pour la L2, 70 pour l’international. Même si l’on aurait souhaité plus, car cela faisait des mois que l’on discutait avec beIN. Il n’en reste pas moins que ces 210 millions de beIN permettent de sauver la mise. »
« Cette vidéo ne montre pas que Nasser dirige le collège, mais que c’est un lieu d’échanges où tout le monde donne son point de vue. Même si sur la forme cela choque, ce que je comprends tout à fait, parce que c’est sans doute la réunion la plus animée à laquelle j’ai participé depuis 15 ans… Mais à la fin, il y a eu un vote, dont le résultat est 16 à 2 pour le choix de DAZN : 16 contre 2, pas 10 contre 8… ! Les présidents de club ne sont pas sous le joug de Nasser al-Khelaïfi. Ils sont pragmatiques. Ils privilégient une solution certes de court terme, mais indispensable, et la plus élevée financièrement. C’est d’ailleurs le même raisonnement qui a dicté la décision précédente, en 2021, quand les mêmes clubs ont voté pour Amazon qui offrait 60 millions de plus que Canal+. Systématiquement, les clubs qui ont des budgets de fonctionnement très importants privilégient l’offre la plus importante. »
L’opposition de Nasser al-Khelaïfi pour la création d’une chaîne de la Ligue
« J’ai très longtemps soutenu une chaîne 100 % L1. Mais on a été rattrapés par un principe de réalité. On a lancé ce projet en février (2023). On n’avait aucun minimum garanti des distributeurs, donc pas de revenus. On a ensuite amené un deuxième projet avec la plate-forme Max, qui n’avait pas non plus de minimum garanti. Dans les 24 dernières heures, un certain nombre de clubs m’ont fait savoir qu’il n’y avait pas d’option pour eux où on partait sans revenus à court terme. Sinon, ils allaient déposer le bilan quelques semaines ou quelques mois plus tard. Ce qui est valable pour Reims, Angers, Montpellier, Le Havre et d’autres l’est aussi pour le PSG qui a d’autres contraintes, celles-là vis-à-vis de l’UEFA en termes de fair-play financier. »
« Les dirigeants parisiens ne pouvaient pas arriver auprès de l’UEFA avec une ligne de revenus domestiques égale à zéro. C’était donc du bon sens de la part de Nasser de défendre une position qui est aussi celle des petits clubs : garantir des revenus très rapidement, pas dans deux ou trois ans. C’était également la demande expresse de Philippe Diallo, le président de la Fédération française (FFF), qui m’avait appelé le matin même pour me dire que l’on ne pouvait pas prendre le risque de laisser un club sur le carreau. Et que c’était notre responsabilité commune LFP-FFF de pousser la candidature DAZN-beIN. »
On lui reproche d’être inféodé à Nasser al-Khelaïfi
« Neuf jours avant, on avait zéro de beIN et neuf jours après on a 100 millions en plus. Je remercie logiquement ceux qui donnent l’argent. Je suis bien éduqué. Après, les reproches que l’on me fait sur mes liens avec Nasser et le Qatar sont absolument incompréhensibles. De quoi parle-t-on ? On parle de calomnies et de fantasmes. Je rappelle que Nasser al-Khelaïfi ne m’a pas soutenu quand j’étais candidat à la présidence de la Ligue, en 2020, et que c’est moi qui aie mis fin, en 2023, au contrat de commercialisation de beIN concernant les droits télé internationaux qu’ils avaient depuis près de 10 ans. C’est un fait. Et un autre fait, c’est que le Qatar, qu’on le veuille ou non, est un investisseur majeur dans le football français depuis 14 ans. Sur le sujet des droits télé, même si certains sont déçus et j’en fais partie, beIN participe à hauteur de 210 millions d’euros dans un marché particulièrement atone. Par ailleurs, ils ne sont pas obligés de donner 40 millions d’euros sur la L2 alors qu’ils sont les seuls candidats. »
Son poids économique et politique place Nasser al-Khelaïfi en position de force
« Remercier des gens qui participent à notre économie, ce n’est pas être soumis. Je ne suis pas inféodé à Nasser al-Khelaïfi. Cette idée, totalement fausse, n’est bâtie sur rien et elle est totalement diffamatoire. D’ailleurs, je porterai plainte contre certaines banderoles placées dans le stade de l’OL, dimanche dernier, qui font état de ‘corruption’ de ma part par Nasser al-Khelaïfi. C’est absolument scandaleux, pour ne pas dire plus. »
A-t-il déjà eu envie de passer la main face à la situation de crise grave ?
« C’est en effet beaucoup d’ennuis et peu de plaisir. Ma seule boussole c’est l’intérêt général. Mais je ne suis pas dupe qu’il y a un petit groupe d’individus, depuis 2024, qui s’est organisé pour nuire aux intérêts du football français en général, aux miens en particulier, et à ceux du président du PSG. Ce sont ceux qui n’ont jamais accepté le résultat de l’élection de septembre dernier où je rappelle que j’ai été élu à 86 %. Ceci étant dit, j’ai fait le choix d’agir en responsabilité et de ne pas me soucier de ces querelles partisanes. Le foot français est dans une situation totalement paradoxale : nous vivons une crise des droits domestiques alors qu’en parallèle on bat des records d’affluence dans les stades et sur le digital, on a plein de nouveaux partenaires et de nouveaux investisseurs comme Essilor, McDo ou la famille Arnault, on est la compétition préférée des Français et on est le plus grand vivier de talents au monde. Donc le futur peut être brillant. »