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"J’étais un peu le maçon des étapes du Tour de France" : Jean-Louis Pagès ouvre sa boîte à souvenirs à Aurillac

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Son dernier patron sur la Grande Boucle, Christian Prudhomme, disait de lui : « Je fais des rêves pour le Tour de France et Jean-Louis me permet de les réaliser ». Jean-Louis Pagès, c’était l’homme de l’ombre, celui qui parcourait des dizaines de milliers de kilomètres à chaque édition, avant le peloton, pour les premiers repérages, pour dessiner les arrivées et départs de chaque étape. Il nous invite dans les coulisses du Tour.

Comment avez-vous intégré l’organisation du Tour jusqu’à en devenir un maillon essentiel pendant trente ans ?

Par pur hasard. J’avais un cousin qui travaillait à l’époque sur le Tour de France. Il était commissaire général du départ et avait besoin de quelqu’un pour piloter la voiture. Je ne suivais pas forcément le Tour, je n’étais pas passionné par le cyclisme. J’y vais en 1984, je rentre chez moi, je fais mon année scolaire, j’étais professeur d’histoire-géographie dans l’Hérault et l’année d’après, la direction de la Société du Tour de France (ancêtre d’Amaury sport organisation, NDLR) me rappelle.

J’y retourne et je suis placé sur le point de passage obligé, là où tous les véhicules transitent pour se rendre au départ d’une étape. En décembre 1985, je reçois un courrier pour un entretien avec Félix Lévitan, rue Faubourg-Montmartre, le siège historique de L’Équipe. J’ai été intégré à la direction de la Société du Tour de France deux mois après.Directeur des sites de départ et d’arrivée du Tour, c’est un sacré défi. Pouvez-vous nous le décrire ?

J’ai fait pendant dix-douze ans les départs des étapes, le reste du temps les arrivées du Tour, mais ce n’était que la partie immergée. Il y avait tout le travail de préparation avec les réunions dans les mairies, les préfectures, les repérages… On n’imagine pas tout ce que ça déploie comme énergie et déplacements. Je résume ma mission à 200 nuits à l’hôtel et 120.000 kilomètres par an.

J’étais l’interlocuteur des patrons du Tour, de Félix Lévitan et Jacques Goddet à Christian Prudhomme, j’avais la primeur de connaître les projets du tracé deux ou trois ans avant. Ce qui me permettait de repérer les lieux et de trouver des solutions par rapport aux infrastructures qui changeaient d’année en année avec plus de véhicules et de camions. La zone technique du Tour, ce sont entre 110 et 140 camions, 60 km de câbles pour la retransmission de la course, une salle de presse qui peut accueillir 400 journalistes… J’étais un peu le maçon des étapes du Tour.

Un contre-la-montre

Dans un entretien consacré à Midi Libre, vous indiquiez voir le Tour comme un immense Meccano qu’il faut démonter et remonter quotidiennement. Expliquez-nous…

Je le dis de manière affectueuse mais le Tour, c’est le plus grand cirque du monde. Il suffit de quelques heures dans la nuit pour que le décor soit planté, de quelques heures le soir pour qu’il soit démonté. Et le lendemain matin, ça recommence. Le village du Tour, c’était une dizaine de pavillons en bois au début. C’est aujourd’hui 5.000 mètres carrés, cinquante pavillons, un podium qui a pris des dimensions phénoménales, ce qui prend quatre ou cinq heures à démonter. C’est exactement la même chose pour le site d’arrivée. C’est un contre-la-montre permanent avec une équipe départ et une équipe arrivée.

Vous avez plaqué le président de la République François Hollande contre une barrière, interdit aux acteurs Tom Cruise et Cameron Diaz de bouger d’un millimètre, vécu l’histoire rocambolesque du bus bloqué sous le portique d’arrivée en Corse… Vous avez des anecdotes en pagaille ?

Pour la première fois en 2013, le Tour venait en Corse. À une demi-heure de l’arrivée, un bus de l’équipe Orica-Greenedge s’encastre sous le portique. Il voulait entrer sur le parcours parce qu’il s’était perdu pour se rendre à son hôtel. Le peloton était à 20-25 km de l’arrivée, donc j’autorise le bus de l’équipe australienne à pénétrer sur le parcours. La caravane publicitaire était passée, on avait abaissé le portique d’arrivée d’un mètre environ. Le bus avance doucement et se bloque sous l’arche, branle-bas de combat. Le technicien du portique nous donne l’astuce : il faut consolider la structure car si on enlève le bus, elle risque de s’effondrer. On l’a calé verticalement, on a dégonflé les pneus du bus et la première étape a pu se dérouler dans des conditions normales […]. J’avais plaqué François Hollande d’une manière un peu énergique à Brive en 2012 parce qu’il n’avait pas résisté à l’appel du public et avait traversé au moment de l’arrivée des coureurs. Je vivais à fond ce que j’avais à faire. J’ai dormi au château de Bity, la propriété de Jacques et Bernadette Chirac, j’ai vécu des choses extraordinaires. Le Tour de France a été humainement une expérience phénoménale, il n’y a rien d’équivalent. J’ai aimé cet envers du décor, je l’ai vécu d’une manière très intense. 

Pierre Raynaud

En dédicaces - Aujourd’hui à la retraite, le Gardois a choisi de raconter ses Tours de France, l’envers du décor de cet événement sportif d’ampleur international, dans un ouvrage. Ce n’est pas un énième livre sur les exploits sportifs sur la Grande Boucle mais une invitation à se plonger au cœur de la machinerie du Tour. « J’ai écrit ce bouquin parce qu’il me semblait important de laisser une trace de la façon dont se préparait le Tour. Cet aspect des choses n’avait jamais été évoqué », explique Jean-Louis Pagès qui sera ce samedi 4 mai, de 10 heures à midi, en dédicace pour Le Tour de France, côté verso à la librairie Point-Virgule, rue des Carmes, à Aurillac.

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