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Tour de France : la folle histoire de la photo iconique du duel Anquetil - Poulidor au puy de Dôme en 1964

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Tour de France : la folle histoire de la photo iconique du duel Anquetil - Poulidor au puy de Dôme en 1964

Jusqu'au 9 juillet, jour de l'arrivée de la 9e étape du Tour de France au sommet du puy de Dôme, retrouvez notre série consacrée au retour de cette montée mythique sur le parcours de la Grande Boucle.Épisode 1 : Récit de la première course arrivée au sommet du puy de Dôme en 1934Épisode 2 : 35 ans après, le Tour de France va revenir au puy de Dôme : Vincent Lavenu raconte l'évolution du cyclisme proEpisode 3 : Battu par la lanterne rouge, frappé par un spectateur... le puy de Dôme n'a jamais réussi à Merckx

« Clic, clac. » Le 12 juillet 1964, trois kilomètres avant le sommet du puy de Dôme, Roger Krieger appuie sur le bouton de son Rolleifleix, moyen format 6x6. Une fois parmi tant d’autres, durant cette chaude après-midi estivale qui marquera à jamais l’histoire du Tour. Le photographe de L’Equipe ne le sait pas encore mais il vient lui aussi, en une fraction de seconde, de mettre le doigt dans la légende. Depuis le siège passager de sa moto BMW R60 immatriculée « Presse 109 », muni de son appareil photo, il a capturé un instant d’éternité : le moment précis où Jacques Anquetil et Raymond Poulidor voient leurs épaules s’entrechoquer avec la même vigueur que leurs ambitions sur ce Tour de France 1964.

Une photo popularisée... sur le tard

Les deux champions qui scindent la France en deux se trouvent réunis, comme indissociables, par la grâce d’un cliché au cœur de l’action. Parmi les milliers de photos prises ce jour-là, aucune autre ne saisira un tel niveau d’intensité. « Jamais deux hommes qui se disputaient férocement le plus beau et le plus rare des trophées n’avaient été si rapprochés dans l’effort », écrira Jacques Goddet dans L’Equipe du lendemain... sans pour autant avoir connaissance de ce cliché. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’image iconique de la plus grande rivalité du sport français ne figure pas dans l’édition du 13 juillet 1964 du quotidien sportif. D’autres photos du reportage, notamment celle où Poulidor lâche Anquetil, sont publiées, comme l’explique François Gille, rédacteur en chef photo du groupe L’Equipe : « A l’époque, la grande difficulté résidait dans la transmission des images. Un laborantin était présent sur place, développait les photos après la course et ne pouvait en transmettre que quelques-unes. J’imagine donc que la fameuse photo n’a pas été choisie lors la première sélection. Ce qui est certain, c’est que ce n’est que bien plus tard qu’elle est devenue mythique. »

Quand exactement ? Difficile de le savoir avec précision. « On dit que c’est à partir des années 1990 que cette photo est ressortie, affirme François Gille. Je me souviens qu’en 2001, elle faisait partie de l’exposition “100 photos de sport”, sur les grilles du jardin du Luxembourg à Paris. » 

 

La fameuse planche contact conservée par le service photo de L'Equipe avec quelques-unes des images de Roger Krieger réalisées au format 6x6. (Photo D.R.) 

Malgré une carrière riche, entre autres, de 22 Tours de France et terminée en 1985 à la tête du service photo de L’Equipe, Roger Krieger, décédé en 1990, n’a donc pas pu apprécié vraiment la popularité tardive de sa photo en noir et blanc. Désormais ancrée dans l’inconscient collectif de tous les amoureux de la Petite reine, elle est pourtant aujourd’hui aussi mythique que le duel lui-même, suscitant, 59 ans plus tard, fascination et admiration. « C’est clairement l’une des photos les plus marquantes de l’histoire du Tour de France, sans doute même sur le podium », tranche Christian Prudhomme, le patron de la Grande Boucle, « Parmi nos 12 millions de photos d’archives, elle doit faire partie de notre top 5 », confirme François Gille, dont les services disposent toujours de la planche contact au format 6x6 de l’époque (un carré de 6 cm), avec la route devant.

 

« Les motos étaient tellement près que le pot d’échappement d’une moto m’a brûlé un mollet. C’est pour cette raison que je me décale et que je touche Jacques. »

Recadré depuis, exploité (par les médias ou les collectivités principalement) et même colorisé, le cliché reste le plus célèbre témoignage d’une rivalité de légende (voir par ailleurs) à une époque où la captation télévisée était très limitée. Le plus célèbre... mais pas forcément le plus fidèle à en croire le dernier survivant connu de la photo. Présent au fond de l’image, debout dans sa voiture de directeur sportif de Jacques Anquetil, Raphaël Géminiani s’agace encore, à 97 ans, quand on y fait référence : « Elle donne l’impression qu’il y a eu un duel mais il n’y a pas eu de duel ! La preuve, c’est la seule photo qu’il y a eu où ils se touchent. J’avais simplement dit à Anquetil de se mettre à la même hauteur que Poulidor au pied du puy de Dôme. C’est une tactique qu’on m’avait donnée. Quand tu as un adversaire qui monte mieux que toi, le mieux, ce n’est pas de se mettre dans sa roue car il ne te voit pas et il accélère. Mais si tu te mets à côté, il reste là, il est surpris. Ils sont donc montés côte à côte. A un moment donné, ils allaient tellement doucement, qu’ils ont failli tomber tous les deux. C’est là qu’il y a eue la photo. »

Interrogé par L’Equipe en 2017, Raymond Poulidor avait donné un autre éclairage à la photo. « C’était la guerre entre les photographes. Chacun voulait être le mieux placé quand l’un de nous deux lâcherait prise. Ils étaient tellement près que le pot d’échappement d’une moto m’a brûlé un mollet. C’est pour cette raison que je me décale et que je touche Jacques. »

Telle une mise en abîme ultime, les photographes sportifs français ont-ils provoqué indirectement ce qui est peut-être la plus grande réalisation d’un des leurs ? Possible, conclut François Gille. « Toutes les motos se battaient pour avoir le cliché de l’attaque. A l’époque, il n’y avait pas de 70.200 (Ndlr : téléobjectif) comme aujourd’hui. Pour avoir des photos, il fallait être très près. Mais la force de Roger Krieger c’est de l’avoir été au bon moment. »

 

Frédéric Verna

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