Athlétisme : Keely Hodgkinson, "badass" sur la piste sans se prendre au sérieux
"A l'entraînement, on la voit qui s'amuse, qui se marre avec les autres, qui fait ses vidéos TikTok... Et d'un coup, elle +switche+, elle devient cette guerrière qui fait le job. C'est impressionnant à observer", décrit à l'AFP son coach Trevor Painter, qui l'entraîne du côté de Manchester depuis 2019.
Dimanche, la demi-fondeuse de 23 ans courra pour l'or mondial à Tokyo sur la piste qui l'a vu éclore en 2021, quand elle a décroché à la surprise générale la médaille d'argent olympique.
Le monde entier découvre alors cette Britannique de 19 ans, à la foulée solide et aux longs cheveux blonds, qui avait débuté l'année 2021 avec un record personnel au-delà des deux minutes et qui coupe ce soir-là la ligne d'arrivée en 1 min 55 sec 88, battant au passage le vieux record du Royaume-Uni de la légende nationale Kelly Holmes (1995).
"Ado insouciante"
"Jeune, j'étais une compétitrice intrépide. C'est comme ça que je décroche l'argent olympique alors que j'étais une outsider", raconte Hodgkinson quatre ans plus tard à l'AFP.
"J'essaye de conserver cet état d'esprit. Car c'est facile d'être une outsider mais c'est plus difficile de garder cette attitude d'ado insouciante quand le sport est devenu ton métier, avec les attentes et la pression qui vont avec."
Depuis 2021, Hodgkinson s'est fait un nom dans l'athlé mondial. Après deux deuxièmes places aux Mondiaux en 2022 et 2023, elle décroche l'or aux Jeux de Paris en 2024 et abaisse le même été son record à 1 min 54 sec 61.
Fans et observateurs la voyaient déjà s'attaquer en 2025 au record du monde de la discipline (1:53.28), établi en 1983 par la Tchèque Jarmila Kratochvilova.
Mais Hodgkinson se blesse, trois fois (genou et ischios), et voit la saison hivernale et le début de la saison estivale se jouer sans elle.
"Ca m'a demandé beaucoup de patience, et je ne suis pas très patiente", sourit Keely Hodgkinson, qui continue quand même à s'entraîner notamment avec Georgia Hunter-Bell, elle aussi prétendante au podium mondial dimanche.
La Britannique ronge son frein. Forfait à Stockholm en juin, elle zappe aussi à contre-coeur en juillet le meeting de Londres, où elle avait battu son record et marqué les esprits en 2024.
Quand elle fait enfin sa rentrée, mi-août lors du meeting de Chorzow en Pologne, les interrogations sont nombreuses à un mois des Mondiaux. Elle efface rapidement les doutes.
Impressionnante de maîtrise, elle montre qu'elle n'a rien perdu de sa classe et dépose la concurrence à 200 mètres de l'arrivée (1:54.74, meilleure performance mondiale de l'année).
"Je savais que j'étais en forme, on s'est dit qu'il n'y avait pas de mal à essayer d'aller chercher un gros chrono", explique simplement l'athlète.
Mentalité "fuck-it"
"Badass" sur la piste où elle affiche toujours un regard sérieux et déterminé, Keely Hodgkinson apparait joviale et accessible en dehors, répondant volontiers aux sollicitations des médias et partageant des moments plus légers de son quotidien sur TikTok, où on la voit régulièrement hilare.
"Désolée pour le langage, mais je pense que j'ai une mentalité +fuck-it+" ("rien à faire"), se marre-t-elle. "Si je perds, il n'y a pas mort d'homme, la vie continue."
Si elle affirme aimer courir "à l'instinct" le 800 m, course qu'elle estime "douloureuse et féroce", son coach Trevor Painter souligne lui que "sa plus grande force, c'est son sang-froid".
"Beaucoup d'athlètes vont vite à l'entraînement mais perdent leurs moyens en compétition. Pas Keely. Elle a une grande force mentale, elle sait ce qu'elle veut et elle va le chercher," dit-il.
Jusqu'à battre un jour le vieux record de Kratochvilova ? "Je pense que courir en 1 min 53 est possible mais il faut que tout s'aligne le jour-J."