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De La Plaine à Rio, la lutte sans relâche du Clermontois Chakir Ansari pour atteindre son rêve olympique

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On se demande parfois ce qui peut se tramer dans la tête d’un sportif de haut niveau quand son regard souvent noir perce le vide qui s’ouvre devant lui dans les secondes qui précèdent le rendez-vous d’une vie. À Rio, au cœur d’un été 2016 olympique, le lutteur de l'ASM Chakir Ansari s’est repassé un court film avant un premier combat pour lequel il avait tant sué.

« J’ai repensé aux tours à vélo dans le quartier, j’étais un gamin de La Gauthière et de La Plaine qui se retrouvait dans la plus grande compétition au monde. J’étais fier. »

À ce moment-là, le Franco-marocain n’imaginait sans doute pas qu’il vivait le climax d’une carrière étonnante qui aura vu ce gamin de la ZUP emprunter moult chemins de traverse pour que son rêve dépasse les murs de la salle de lutte de la rue Diderot à La Plaine.

On le retrouve dans cet antre où tout a commencé. Fils d’un employé Michelin marocain et d’une femme au foyer, Chakir Ansari, numéro deux d’une fratrie de cinq, débarque dans ce quartier clermontois, à quelques pas de la salle, en 1999 après sept années passées à La Gauthière. Petit, ce timide passait une tête pour observer les grands lutteurs. On lui a dit : « Tu viens souvent ici, tu sais que tu peux essayer ».

Timide dehors, confiant sur le tapis

Chakir ne s’est pas fait prier, a tenté puis adopté la lutte libre. Discret dehors, bagarreur à la maison, il trouve dans cette discipline des règles et un cadre. « C’était instinctif, j’écoutais, je faisais ce qu’on me demandait et je le faisais plutôt bien ». Son école de la vie tient en grande partie sur un tapis. Là, Chakir se trouve, s’épanouit et se construit. « À la lutte, je ne pouvais pas être timide comme ailleurs, se livre-t-il. Si tu l’es une fois, la deuxième tu te fais manger. Sans t’en rendre compte, tu prends confiance. Ça te remet à ta place. »

Photo Fred Marquet Au-dessus du lot, ce brun au léger gabarit va vite, remplit ses objectifs et voit l’horizon de ses ambitions s’épaissir à grands pas. « Dans ma tête, j’avais atteint mon premier objectif : devenir champion de France. Je suis passé à l’étape suivante. Je voulais une carrière comme les grands. J’ai eu la carrière que je voulais, même mieux. »

Pour y parvenir, il a fallu partir. À 15 ans, en pleine croissance, Chakir se sent à l’étroit dans sa tenue clermontoise. Il se projette vers le haut niveau et prend de la hauteur au pôle espoir de Font-Romeu dans le massif pyrénéen. Il y côtoie l’élite, progresse puis tombe.

« La deuxième année, j’ai craqué, assume-t-il. L’éloignement de ma famille me pesait, je voulais voir autre chose. »

Retour au bercail et ça repart. Entré en sélection, il se frotte à la lutte internationale et comprend que le niveau français est lilliputien au-delà des frontières. « Je me suis ramassé une gifle », concède le lutteur. Ainsi va la carrière du bonhomme, chaque éclaircie charrie son lot de déconvenues.

Mais Chakir Ansari, devenu senior à l’ASM, croque les années avec la gourmandise d’un mort de faim. Au menu : les Jeux de Londres en 2012. L’ambition d’un alléchant Graal olympique lui laissera un goût amer. Si près du but, le Clermontois est fauché par une blessure. « J’ai regardé les JO à la maison. Mais j’avais 19 ans, je savais que je pouvais aller les chercher. »

Après l'échec des JO de Londres, la fin du rêve bleu

Rien ne se passe comme prévu. L’Insep insiste pour l’attirer, Chakir préfère son cocon auvergnat, puis cède avant d’être déclassé au profit d’un rival lyonnais. « Être le partenaire d’un autre ne m’intéressait pas, je voulais être numéro un. On ne voulait pas me laisser ma chance », lance-t-il. Il rompt avec l’équipe de France et rejoint la sélection marocaine.

 

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La bascule s’opère en 2014. En deux ans, Chakir Ansari touche au but, s’entraîne de longs mois en Iran au milieu du gratin de son sport et devient le premier Marocain qualifié aux JO en lutte libre. « C’est la plus belle expérience pour un sportif », savoure-t-il.

La voix toujours posée, le champion d’Afrique 2017 vient, pendant plus d’une heure, de dérouler deux décennies à parcourir le monde à la poursuite d’un défi qui n’a cessé de se mouvoir.

La transmission à La Plaine, là où tout a commencé 

Ses espoirs de se frotter aux derniers Jeux à Tokyo se sont transformés en « cauchemar » et l’ont convaincu qu’il avait fait son temps.

« Aujourd’hui, je n’y crois plus, donc j’arrête. Je me sens chanceux parce que j’ai toujours eu mon destin en main, tout au long de ma carrière. »

Elle s’est refermée à Oslo, en Norvège, le 2 octobre dernier.

À son tour, il forme désormais ceux qui ont frappé à la porte de la salle, comme lui, il y a vingt-deux ans. Devant le « vivier énorme » de gamins à Clermont-Ferrand, il s’interroge sur la manière de les conduire au bout de leur projet. « Quand je leur ai demandé ce qu’ils voulaient faire, ils ont été surpris parce qu’on ne leur demande jamais leur avis. » Peut-être repenseront-ils à cette question le jour où ils se retrouveront face au tapis pour le rendez-vous de leur vie. 

Malik Kebour

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