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Guerre à Gaza : quand la gauche européenne surfe sur le malheur des Palestiniens

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La grève générale qui a paralysé l’Italie le 3 octobre à l’appel des syndicats n’avait pour objet ni le pouvoir d’achat, ni les projets de réforme du gouvernement Meloni. Non, il s’agissait, cas unique dans l’histoire récente, d’une protestation touchant à une question de politique internationale : la détresse des habitants de Gaza, sur l’autre rive de la Méditerranée. La France insoumise (LFI) n’est pas un cas isolé. Partout, dans une Europe qui penche de plus en plus à droite, la gauche se sert du drame palestinien pour tenter d’enrayer son déclin.

En Italie, le phénomène a pris une ampleur extraordinaire. L’arraisonnement par Israël des navires de la flottille dite "humanitaire" pour Gaza (dont plusieurs organisateurs étaient liés aux Frères musulmans et au Hamas) a servi de déclencheur à la grève générale. Lancé par le petit syndicat de gauche radicale USB, le mot d’ordre "Blocchiamo tutto" (bloquons tout) a été repris à la volée par la principale centrale syndicale, la CGIL, et par le Parti démocratique, l’opposition de gauche au gouvernement Meloni. Le résultat a été spectaculaire, avec des centaines de milliers de grévistes et un pays quasiment à l’arrêt. A la grande manifestation organisée le lendemain à Rome, ils étaient encore 250 000 à défiler, selon la préfecture, un million selon les organisateurs.

Pour les partis et les syndicats participants, l’occasion est belle de tenter d’élargir la base de militants, tant la cause palestinienne soulève les passions parmi les électeurs. La manœuvre permet de faire d’une pierre deux coups puisque la mobilisation populaire met aussi en porte-à-faux le gouvernement Meloni, qui a apporté son plein soutien à Israël après les massacres perpétrés par les tueurs du Hamas il y a deux ans. Faute de sujet de politique intérieure sur lequel ils pourraient mettre en difficulté la présidente du Conseil - dont la cote de popularité reste élevée, autour de 30 %, après trois ans de pouvoir -, les partis et mouvements d’opposition misent sur la question proche-orientale.

Une vague d'antisémitisme

A ce stade, cependant, les résultats sont peu probants sur le plan électoral : fin septembre, c’est la droite qui a emporté le scrutin régional dans les Marches (centre), alors que la gauche avait mis le conflit israélo-palestinien au centre de sa campagne. Mais en attisant les passions, c’est un tout autre résultat que la gauche prend le risque de provoquer : celui d’une nouvelle flambée des incidents antisémites, qui sont déjà en forte hausse. Un sondage réalisé par l’institut SWG, publié le 30 septembre, fait ressortir des données effarantes : plus d’un Italien interrogé sur sept (15 %) approuve les agressions visant ses concitoyens juifs ; environ un sur cinq trouve justifié de s’en prendre physiquement à un professeur d’université qui aurait exprimé une position pro-israélienne ; près d’un sur quatre approuve le refus de certains commerçants de servir des touristes israéliens.

L’Italie rejoint ainsi plusieurs pays de l’Union européenne où depuis le 7 octobre 2023, l’antisémitisme s’exprime de façon décomplexée, quand il ne sert pas de prétexte à des violences antijuives, telles que celles qu’on peut recenser dernièrement en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne, en Suisse ou aux Pays-Bas - la liste n’est pas limitative. Plus de 100 rabbins européens ont pris la plume le mois dernier pour mettre en garde la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, contre "la haine antisémite viscérale" qui se propage à travers le Vieux Continent et pour réclamer "des mesures de sécurité renforcées" afin de protéger les communautés juives.

Un cri dans le désert. Le mois dernier, un antiquaire de Flensburg en Allemagne a affiché une pancarte "Juden haben hier Hausverbot" (Interdit aux Juifs) sur sa devanture. A Liège en Belgique, la tombe d’un ancien chef du parti libéral, Jean Gol, a été profanée le jour du 30e anniversaire de sa mort, parce qu’il était juif. Le 2 octobre, jour du Kippour, l’attaque d’une synagogue de Manchester en Angleterre par un homme né en Syrie a fait deux morts. Et à Berlin, trois hommes dont deux citoyens allemands, accusés de préparer un attentat antijuif pour le compte du Hamas, ont été arrêtés la semaine dernière. Tandis que la gauche surfe sur le malheur de Gaza, l’avenir des Juifs sur le continent européen n’a jamais été aussi incertain depuis la Seconde Guerre mondiale.

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