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Écueils à Recife

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Si Charlie Dalin maintient sa position de leader, rien n’est encore acquis avec le tampon brésilien : le vent a tendance à mollir près des côtes et les grains se forment souvent au coucher du soleil dans cette zone où un seul nuage peut sensiblement freiner la progression d’un solitaire. Il va donc falloir éviter les obstacles alors que le groupe des neuf premiers s’est scindé en deux packs.

En mer, le problème… c’est la terre. Car la terre réfléchit ! La mer vient s’écraser sur son plateau continental puis sur ses roches plus ou moins acérées ou ses plages de sable fin, pour aussi se disperser en vagues rebondissantes, créant ce clapot chaotique caractéristique. La réflexion des ondes, voilà de quoi se poser des questions sur ces phases parfois surprenantes qui marquent un tour du monde. Pourquoi tout à coup, l’état de la mer se dégrade-t-il ? Car la terre, c’est aussi une déviation ! Les modèles numériques ont beau simplifier la donne, la houle change d’aspect quand elle vient lécher la moindre rive.

Sur ce Vendée Globe (comme sur les précédents d’ailleurs), la mer s’est « dégradée » lorsqu’elle s’est compressée sur la terre, ou lorsqu’elle s’est « rebellée » face à des vents contraires. Ce sont bien les obstacles qui ont modifié son comportement : au large du cap de Bonne-Espérance quand le courant des Aiguilles s’est entremêlé dans un flux d’Ouest ; au Sud de la Nouvelle-Zélande, lorsque les plateaux continentaux ont fait barrière à cette respiration océanique ; à proximité du cap Horn, quand l’effet Venturi a canalisé la brise dans le détroit de Drake ; sous le vent des Falkland quand le relief a renvoyé aux cieux les bouffées d’air frais pour nettoyer les eaux de tout frisottis.

Attention aux chutes de… grains

Alors comme des Charites aux rondeurs callipyges que les Anciens vénéraient dans le sanctuaire de Delphes, l’oracle du Dieu Éole n’est encore que prophétie des Hespérides… Les nymphes du Couchant savent que les brises s’étiolent avec le soleil et que la chute des grains n’est qu’averses et convections d’albédo… Bref quand l’astre solaire se cache derrière le Brésil, le vent se calme et les grains naissent. Car les orages sont bien là : au large de Salvador de Bahia jusqu’à 180 milles, et devant Maceió et Recife jusqu’à 80 milles dans l’Est !

Alors parfois lointains, parfois tout proches, ces grains envoient leurs rafales éphémères pour mieux phagocyter les voiliers et enferrer leur skipper sous une cloche de pluie, la visibilité s’effondrant pour ne plus voir qu’un rideau d’eau se noyant dans l’océan tremblant des soubresauts du tonnerre. Pourtant, rien ne prédisposait le lieu à cette convection impromptue : le ciel était bleu, la mer d’azur, la température supportable (27°C), l’humidité acceptable (78%) et sous le vent, les effluves de l’humus remplissaient l’air d’une fragrance particulière. Aucun signe du moindre cumulus qui pourtant commençait à bourgeonner en se rapprochant inexorablement de la terre.

Et puis le grain devint épi, prit ses aises en noircissant à vue d’œil : le crépuscule pointait ses ténèbres qu’un ciel étoilé sans lune ne pouvait éclairer. Et l’horizon si pur se bouchonnait de pustules turgescentes : le nuage qu’on croyait disparaître dans les tréfonds des abysses s’était muté en ivraie, graminée sauvage et enivrante, apparue dans le tableau arrière pour mieux s’abattre sur le solitaire dépourvu. La bourrasque qui couchait le bateau et désespérait le marin, se transformait en averse diluvienne et verticale, sans un souffle : les ris pris à la va-vite et le génois roulé en vrac, ballottaient désormais en claquant dans un obscur trou de vent.

De l’art d’éviter les orages

Alors dans ce mano a mano à moins de 4 000 milles des Sables-d’Olonne, les petits décalages font les grands gagnants de cette partie de poker où l’atout est le large. Et c’est bien ce que tente de faire le pack de tête de ce neuvième Vendée Globe aux rebondissements permanents : Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) sorti du front permanent du Cabo Frio plus à terre, tente de forcer le cap pour retrouver le sillage de Charlie Dalin (Apivia) désormais leader. Et ce dernier essaye aussi de s’écarter au maximum (80 milles semblent la bonne voie) des côtes brésiliennes qui émergent entre Recife et Natal. Quant à Louis Burton (Bureau Vallée 2), dorénavant ‘dauphin’, il tente de trouver le compromis entre vitesse et précipitation : rapide mais bas en cap, le Malouin semble corriger le tir en redressant la barre pour ne pas flirter avec la terre.

Mais le plus véloce et probablement le mieux positionné vis-à-vis des capacités de son bateau, est sans conteste Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco) : l’Allemand vise un « way-point » à une centaine de milles des rivages idylliques du royaume de la samba, en s’appuyant sur ces grands foils qui lui procurent le bonus du moment. Il ne serait donc pas étonnant de le voir émerger du Brésil en ouvreur de route. Mais la suite n’est pas si simple qu’il n’y paraît.

De l’équateur à la dorsale ?

Car quid du passage du pot au noir ? On l’annonce assez bas en latitude (autour du 0°30 Sud) et peu étendu (jusqu’à 3° 30 Nord), soit environ 200 à 250 milles de large sur le 33° Ouest, mais est-il aussi calé que certains semblent le suggérer ? Certes il y a peu de cellules orageuses en formation, mais la masse nuageuse apparaît bien sombre… Et si les alizés de l’hémisphère Nord semblent bien converger avec ceux de l’hémisphère Sud pour générer un flux d’Est approximativement régulier, qu’en sera-t-il ce week-end ? Et une fois les alizés au large de l’archipel du Cap-Vert avalés, comment se positionner pour aborder la suite ? Une belle dorsale anticyclonique qui fait passer le vent d’un secteur Est à un flux d’Ouest, va s’installer sous les Açores ! Une longue, très longue bande sans brise s’étendrait ainsi des Canaries à l’arc antillais… Et il faudra la franchir.

Bref, si la décantation des jours passés laisse entendre qu’ils ne sont plus que six à prétendre au podium final (et encore ! un trio les talonne entre 150 et 225 milles…), il y a encore maille… à partir ! Car il est très difficile de prédire quelle sera la bonne voie pour éviter de tamponner à la côte, les grains n’ayant pas prévu d’envoyer leurs doléances avant leur naissance. En tout cas, plus la route est au large, plus les alizés d’Est qui devraient prendre un peu de composante Sud-Est avant l’île de Fernando de Noronha (4° Sud-32° Ouest), sont favorables et moins les grains ont de chance de bourgeonner.

Décroché à plus de 500 milles du leader, Maxime Sorel (V and B-Mayenne) a de la marge pour contrôler ses arrières, mais a désormais peu de chances de revenir sur la tête de flotte : les alizés sont présents, la route est plein Nord pendant des jours et à l’exception du passage du pot au noir, il n’y a pas vraiment d’opportunités pour grappiller des places ou en perdre avant les Açores. En revanche, la bataille est relancée entre Armel Tripon (L’Occitane en Provence) qui a quelques déficits de voile, et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) qui joue au yo-yo avec son moral…

Et encore un cap-hornier de plus !

À suivre, Isabelle Joschke (MACSF) hors course depuis sa déclaration d’abandon, remonte à vitesse réduite vers Salvador de Bahia, quille ballante sinon battante… À 1 200 milles de son objectif affiché, elle subit désormais des conditions de navigation moins rudes et tente de gagner dans l’Est pour mieux aborder les alizés de l’anticyclone de Sainte-Hélène.

C’est aussi le but du trio Beyou-Roura-Boissières qui longe la ZEA poussé par le dos d’une dépression australe avant de piquer vers le Nord, ce que tente de faire Pip Hare (Medallia) qui devrait ainsi retrouver le contact d’ici 24 heures. Le contact, Didac Costa (One Planet One Ocean) et Stéphane Le Diraison (Time for Oceans), connaissent puisqu’ils ne se lâchent pas d’une étrave depuis leur passage du cap Horn. Une Patagonie que Manuel Cousin (Groupe Sétin) a « découvert » en pleine nuit puisqu’il a franchi la longitude du cap Dur à 00h38 (heure française), mais loin des terres ! De quoi l’inciter à revenir…

Enfin, il ne reste plus que cinq solitaires encore en course auxquels il faut ajouter Sam Davies (Initiatives Cœur) à moins de 300 milles du point Némo et dans le Nord d’Alexia Barrier (TSE-4myplanet) : il y a du vent de Sud à Sud-Ouest raisonnable (20-25 nœuds) mais il fait un froid de gueux dans ces Cinquantièmes Hurlants. Une zone que le dernier, Sébastien Destremau (merci) ne semble pas réellement vouloir aborder : les problèmes techniques à bord apparaissent incompatibles avec la traversée d’un océan Pacifique parfois colérique en cet été austral et en tout cas bien grand jusqu’au cap Horn…

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