Au milieu de la nuit, Tanguy Le Turquais nous relate ce moment et son état d'esprit au micro de l'organisation :
« Là on a réussi à prendre une douche, à manger un plat chaud et on a débriefé un peu et on a peut-être une explication mais c'est que des hypothèses sur ce qui s'est passé, je pense qu'on ne saura jamais malheureusement. Mais voilà, je pense qu'on est un peu sous le choc avec Erwan, on est à la fois triste, déçu, triste sportivement, déçu pour le projet, tous les gens qui ont fait en sorte que ce projet existe et qui s'arrête. Enfin là en tout cas sur cette transat si tôt. C'est un peu dur là, c'est un peu un moment dur, mais là on se mobilise pour essayer de sauver le bateau.
Transat Café l'Or : C'était quoi les conditions de navigation juste avant que ça arrive ?
Il y avait 30 noeuds de vent, une mer désagréable mais pas énorme, je dirais 2 mètres. Et on était au près. La mer est devenue vraiment très difficile au passage du Raz Blanchard, et c'est dans ces conditions là que le bateau a chaviré. Donc nous on naviguait sous GV 2 ris et J2, et on était avec Mon Bonnet Rose, les seuls de la flotte dans cette configuration, au départ.
Donc les autres étaient sous GV 1 ris et J2. Nous, on était plutôt sous-toilés par rapport à la flotte, dans un souci de préserver. Donc c'était vraiment notre démarche, et avant de chavirer, on se faisait la réflexion qu'on allait plutôt moins vite quand même que le groupe de tête, mais que c'était pas grave, on s'était dit qu'on préservait, donc on a continué de préserver.
Aujourd'hui, notre hypothèse de ce qui s'est passé, mais c'est juste une hypothèse. En fait, ce qui est très étrange, c'est qu'on a chaviré par l'avant. Alors qu'on était à 70° du vent, c'est une allure où normalement on chavire plutôt par le côté. Quand on chavire par l'avant, c'est plus une allure de portant. Ça va, je dirais, peut-être 20 minutes, 15 minutes avant le chavirage, 20 minutes avant d'avoir chaviré, peut-être une heure, je ne sais pas ... on a entendu un boum et on s'est dit avec Erwan qu'on avait tapé quelque chose . Du coup j'ai été faire une inspection dans la coque centrale et j'ai rien vu du coup on a approché de notre route et quelques temps après du coup on chavire.
Et quand on a chaviré et qu'on a sorti la tête on s'est aperçu que en fait le flotteur bâbord s'était arraché qu'il en manquait une partie et que du coup on n'était plus un trimaran mais un catamaran et donc le bateau a chaviré tout naturellement.
Et notre théorie, c'est que le boum qu'on a entendu, c'est le flotteur sous le vent qui a tapé quelque chose. Ça a fait un petit poq dans la coque, suffisamment gros pour que l'eau pénètre dans le flotteur. Et le flotteur rempli d'eau, ça l'a forcément cassé. Et voilà, c'est pour ça qu'il a cassé et qu'on a chaviré. Aujourd'hui, avec tout ce qu'on recoupe, on imagine que c'est ça qui s'est passé. Ce qui est sûr et certain, c'est que le flotteur sous le vent, il manque une partie. Donc c'est ça qui nous a fait chavirer.
Pourquoi est-ce qu'il en manque une partie ? Ça pourrait être parce qu'on aurait trop chargé, mais en l'occurrence, ce n'était pas le cas, parce qu'on était plutôt sous toilé par rapport à la flotte. Donc la théorie, c'est que ce boum provenait peut-être d'un choc sur le flotteur bâbord.
On ne pourra jamais le confirmer, mais en tout cas, c'est ce qu'on a vécu tous les deux.
Transat Café l'Or : Comment ça se déroule, avec Temo, le sauvetage du bateau ?
Là, il y a deux entités qui sont mobilisées. Il y a la SNSM qui est sur place et qui essaie de passer une remorque ... ( Voix Off : Ils ont réussi à passer la remorque)
L'idée c'est de faire en sorte que le bateau ne parte pas à la côte. On va peut-être réussir à faire en sorte qu'il ne s'échoue pas. Il n'est plus qu'à 5 milles de Cherbourg.
On va essayer de le ramener à Cherbourg. Si on arrive à le ramener à Cherbourg, on aura un bateau retourné et cassé en plusieurs morceaux. On fera l'état des lieux, on fera venir une grue pour le retourner. On ne va pas en Martinique mais on va faire autre chose.
Transat Café l'Or : Et dernière petite question, un petit mot sur la direction de course, le CROSS, la SNSM justement ?
Voilà, en plus que remercier et saluer le CROSS Jobourg et les sauveteurs qui sont venus nous chercher, clairement ils nous ont...
En tout cas, moi j'ai la sensation qu'ils nous ont sauvé la vie parce que je ne sais pas... On serait resté dans la coque qui dérive finalement, ça ne serait pas mal passé mais je pense qu'avec Erwan on a bien réagi, on a fait les choses dans le bon ordre sans paniquer.
On a réussi à garder notre sang froid et je pense que ça a été un peu la clé de la réussite du sauvetage.
Et derrière, les héros que sont ces sauveteurs ont juste déroulé leur job et ça fait qu'en une heure de temps, on avait les pieds sur la terre ferme.
Donc c'était assez, je ne dirais pas traumatisant, mais c'était assez, comment dire, choquant de vivre ça. Je vois Erwan monter dans l'hélico et quand je suis resté dans la coque, je me dis que c'est un truc de ouf quand même.
Et après, quand je suis monté dans l'hélico et que je me faisais hélitreuiller, de voir le nasard blanc sur les coques, moitié sous l'eau, c'est des images un peu choquantes.»