Construit en 1930 sous le nom de Caleta comme navire de soutien pour un voilier de course, le yacht Atlantide est aujourd’hui la propriété du magnat de l’informatique Jim Clark. Durant deux ans, il a fait l’objet d’une rénovation complète conduite aux Pays-Bas par le chantier Huisfit, filiale de Royal Huisman. Le résultat est magnifique. Texte Bruno Cianci - Photos Cory Silken
Atlantide 1930 en chiffres
- Type voilier à moteur à double hélice
- Longueur 37 m
- Largeur 5,48 m
- Tirant d’eau 2,78 m
- Déplacement 138 t
- Coque/superstructure acier/aluminium
- Propulsion principale 2 x 230 ch gardner 8l3b
- Architecte naval alfred mylne
- Chantier naval philip & son, dartmouth
- Propriétaire jim clark (usa)
- Anciens noms caleta (1930), ariane (1950), corisande (1960)
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FAIRE FORTUNE dans les technologies d’avenir les plus pointues n’est pas incompatible avec la passion pour le yachting et les bateaux anciens à valeur patrimoniale. C’est le cas de
James « Jim » Clark, né au Texas en 1944, et fondateur de nombreuses sociétés informatiques et financières à succès dont
Silicon Graphics, Netscape, Healtheon et my- CFO.
À la tête d’une importante flottille privée, Clark est connu dans les cercles de la voile pour posséder ou avoir possédé le sloop
Hyperion, le trois-mâts goélette
Athena ou le
Class J Hanuman, réplique de l’
Endeavour II de Charles E. Nicholson.
Il est aussi propriétaire de
Comanche, un maxi-voilier construit par
Hodgdon Yachts qui participe aux plus grandes courses au large et a détenu le record de vitesse transatlantique et le record de distance de navigation de 24 heures en monocoque.
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Atlantide et Hanuman à Antigua. Le voilier Class J est une reconstruction de l’Endeavour II par Royal Huisman et Dykstra Naval Architects. Les deux yachts appartiennent à Jim Clark. © C. Silken[/caption]
Sa dernière acquisition est en revanche d’un style fort différent.
Atlantide est un yacht à coque d’acier de 37 mètres de long, qui s’est fait une belle réputation parmi les participants des rassemblements chics de yachts classiques. Il fut longtemps le navire de soutien de Mariette, fameuse goélette conçue par Herreshoff en 1915 et remise à neuf par le milliardaire américain Tom Perkins (1932-2016), qui possédera plus tard le célèbre voilier Maltese Falcon (88 m de long !).
Dessiné par
Alfred Mylne (1872-1951), l’un des trois grands designers écossais (les autres étant G.L. Watson et William Fife III), Atlantide a été construit par le chantier naval Philip & Son à Dartmouth, sur la côte sud de l’Angleterre.
Mis à l’eau en juin 1930, le navire était à l’origine baptisé
Caleta avant de changer plusieurs fois de nom.
Son premier propriétaire est un certain
Sir William Burton (1864-1942), qui possède plusieurs voiliers de course. Il a passé commande de ce yacht car il avait besoin d’un « support vessel », sorte de base arrière flottante pour suivre les régates de près et répondre aux besoins techniques de l’équipage en course.
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Lors de son lancement, Caleta était gréé et pouvait naviguer jusqu’à 7 noeuds. Le cahier des charges validé par le propriétaire comprenait l’installation d’un gréement fabriqué selon le plan de voilure original. © C. Silken[/caption]
Burton a participé très tôt à des centaines de compétitions à la grande époque du yachting britannique. Il courait sur des voiliers tous conçus par Mylne parmi lesquels Octavia (1911), Marina (1935) ou encore Jenetta (1939).
Fin régatier, Burton était également le barreur attitré du
Class J Shamrock IV, avec lequel Sir Thomas Lipton a tenté de remporter la Coupe de l’America en 1920, mais c’est une autre histoire…
Comme beaucoup de yachts privés,
Caleta a été réquisitionné par l’Amirauté britannique dès le début de la Seconde Guerre mondiale.
En juin 1940, il fait partie de la flotte héroïque réunissant plus de 850 embarcations en tous genres qui secourut les troupes britanniques et alliées sur les plages de Dunkerque lors de l
’opération Dynamo.
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Un écusson en bois avec le drapeau distinctif des « Petits Navires » rappelle le rôle d’Atlantide dans « L’Opération Dynamo » à Dunkerque en 1940. © C. Silken[/caption]
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EN 1950, huit ans après la mort de Burton, le yacht est transféré en Méditerranée où il est rebaptisé
Ariane par son propriétaire grec
P. B. Pandelis.
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Le nouveau salon principal est un espace plus décontracté qu’avant, mettant en scène des canapés bleu français pour se réunir après la régate. © C. Silken[/caption]
Au début de la décennie suivante, nouveau changement de propriétaire et nouveau nom :
Corisande. Son port d’attache est désormais Antibes. Le yacht est par ailleurs utilisé pour les répétitions de «
Tendre est la nuit », l’adaptation cinématographique de 1962 du roman de Francis Scott Fitzgerald.
À la même époque, les anciens moteurs à quatre cylindres Gardner d’origine ont été remplacés par des modèles à huit cylindres, plus fiables et plus puissants, produits par le même fabricant.
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Les moteurs diesels Gardner de 1960 restent en parfait état. Ils pèsent plus de 3,5 tonnes chacun et ont tous deux été entièrement reconditionnés. © C. Silken[/caption]
Le yacht prend son nom définitif
en 1966 à la faveur d’un nouveau changement de main.
Parmi les propriétaires qui se succèdent dans ces années-là, figure le comte
Nicolò Donà dalle Rose (1936- 2014), fondateur de Porto Rotondo, qui adopte le pavillon italien et l’immatricule à Olbia, en Sardaigne, son nouveau jardin de navigation.
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Le cockpit du yacht est aménagé de grands sofas et coussins pour se prélasser. La poupe arrondie est finement décorée de feuilles d’or, caractéristique typique d’un yacht de gentleman construit il y a plus de cent ans. C’est un hommage à la tradition. © C. Silken[/caption]
Avec
Tom Perkins, Atlanttide subit sa première restauration d’envergure à la fin des années 90 : la coque est reconstruite en totalité aux chantiers navals maltais de l’île de Manoel, qui abrite le château du xviiie siècle du même nom ainsi que le siège historique du
Royal Malta Yacht-Club jusqu’à récemment.
Parallèlement, la superstructure et des intérieurs en aluminium qui, au fil des ans, avaient perdu tout leur charme Arts Déco d’origine sont restaurés par
Camper & Nicholsons, sous la supervision du studio
Ken Freivokh Design.
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Au centre de la salle à manger de plein air, la grande table sur mesure met en valeur le talent du menuisier avec un design en diamant et une finition de surface semblable à celle du verre. Les sièges capitaines confortables sont faciles à positionner à volonté ou à ranger dans les passages © C. Silken[/caption]
Ce n’est que vingt ans plus tard que notre magnat des hautes technologie
Jim Clark rachète
Atlantide en pleine période du Covid. Il se fixe tout de suite un objectif : redonner sa splendeur d’origine à ce motoryacht classique des années 30.
Clark le confie à
Huisfit, la division de restauration et de reconstruction du chantier naval
Royal Huisman. La longue relation entre la société hollandaise et le propriétaire remonte à la restauration d’
Hyperion en 1998, suivie par
Athena en 2004 et
Hanuman en 2009. Elle montre à quel point le géant de la navigation de plaisance basé à Vollenhove mise sur la fidélité et la satisfaction de ses clients.
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La cabine propriétaire et la cabine VIP à l’arrière conservent leur empreinte antérieure où dominent les huisseries en bois. © C. Silken[/caption]
En janvier 2021, le yacht est transporté sur cargo depuis les États-Unis jusqu’à Rotterdam d’où il rejoint le site de
Huisfit.
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Le yacht a été équipé de systèmes de surveillance, d’équipements de navigation et communication et d’un éclairage extérieur à LED. © C. Silken[/caption]
Avant de toucher à la structure même du bateau, les ingénieurs navals ont étudié, scanné et redessiné le bateau en 3D.
Du fait du peu d’espaces et de dégagements derrière les cloisons et les plafonds, les équipes ont eu des difficultés à planifier l’installation des nouveaux équipements, systèmes et lumières.
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Atlantide au mouillage au crépuscule, avec les lumières sousmarines allumées. Spectaculaire ! © C. Silken[/caption]
En outre, ils ont constaté l’absence totale d’isolation dans la coque et la superstructure. Il fallait y remédier.
Les techniciens en charge des circuits ont été aussi contraints de réaliser des pièces sur mesure, allant même jusqu’à se procurer des tuyaux PVC à section carrée pour optimiser l’espace en imbriquant les conduits le long des cadres.
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La timonerie est la seule zone du yacht avec un intérieur en teck assorti aux luminaires en teck verni à l’extérieur. C’est un hommage au yachting d’avant-guerre. © C. Silken[/caption]
Aucune partie du yacht n’a échappé au travail des restaurateurs.
L’ensemble du rouf en teck a été soulevé d’un seul tenant pour être nettoyé, réparé puis renforcé dans un environnement sans poussière. Des moulures décoratives en teck ont été ajoutées pour embellir son extérieur aux finitions vernies.
De même, chaque pièce d’accastillage du pont, y compris les habillages de hublots, a été retirée et cataloguée pour une restauration totale.
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Un ouvrier de Royal Husiman est assis à l’extrémité de l’incroyable beaupré d’Atlantide, évocation des clippers d’autrefois © C. Silken[/caption]
Plus longs que prévu en raison de la complexité de la tâche, les travaux ont finalement pris fin en
novembre 2023.
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L’escalier principal en colimaçon dessert les trois niveaux. Il a été reconfiguré dans un style années 1930, utilisant un encadrement de marches en bois de noyer. © C. Silken[/caption]
Atlantide a quitté
Huisfit après une reconstruction complète d’environ
40 % de la coque, du pont et des superstructures.
TOUS LES SYSTÈMES embarqués ont été remplacés, à l’exception des moteurs diesels Gardner de 1960, entièrement démontés et révisés pièce par pièce.
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Atlantide l’été dernier, au mouillage, dans les eaux d’Antigua, photographiée sous une charmante lumière avant le coucher du soleil © C. Silken[/caption]
Même si Clark souhaitait que la décoration d’après-guerre demeure intacte, il a donné son accord pour simplifier le style de l’intérieur, en supprimant certains éléments Arts Déco installés par le précédent propriétaire, Tom Perkins.
Depuis cette année, le yacht refait à neuf est principalement utilisé par Clark et sa femme, l’ancien mannequin australien Kristy Hinze, comme day-boat pendant l’été.
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Les Clark utiliseront principalement Atlantide comme bateau de jour pendant l’été, lorsqu’il sera amarré à Martha’s Vineyard, et comme annexe à Hanuman lors des régates. © C. Silken[/caption]
Son port d’attache est désormais la marina de la très chic
île de Martha’s Vineyard, sur la côte est des États-Unis.
Pour cette vieille dame de bientôt un siècle, l’histoire est donc en train de se répéter puisqu’
Atlantide a retrouvé son rôle de vaisseau de soutien du
Class J Hanuman que Jim Clarke adore, comme à l’âge d’or des régates prestigieuses de l’
America’s Cup.
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James H. Clark et son épouse, Kristy Hinze. Le couple, marié en 2008, est passionné de yachting classique. Ils ont acheté Atlantide en 2020. © DR[/caption]
Histoire d'une renaissance en images ...
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