Entretien avec Jean-Christophe Soulié, autour du Gruissan Thon Club
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Chaque été, le Gruissan Thon Club organise un grand concours, le Challenge du Thon Club de Gruissan, qui rassemble des dizaines d’équipages. Derrière cet événement devenu incontournable : une équipe de bénévoles dynamiques, un club historique et un président passionné. Entretien avec ce dernier, Jean-Christophe Soulié, qui nous raconte l’histoire, la philosophie et les coulisses d’un club pas comme les autres.
PEM : Pouvez-vous vous présenter ainsi que le Gruissan Thon Club ?
Jean-Christophe Soulié, 38 ans, chef d’entreprise et actuel président du Gruissan Thon Club. Je suis originaire de la région et je pêche depuis tout petit. Le club, quant à lui, a été créé en 1980. Il a été fondé par une bande d’aficionados, dont un en particulier : le créateur des bateaux Guy Bonnet, construits à Gruissan à l’époque, des bateaux spécialement conçus pour la pêche au gros. C’était un pêcheur passionné, un personnage, et c’est lui qui a planté les graines du club. À ses débuts, le siège était dans un restaurant du port, La Croisette. Et en 1986, la mairie nous a attribué un local sur le quai, en plein coeur du port. Elle a fait construire le gros oeuvre, et ce sont les adhérents, avec de l’huile de coude, qui ont fait tout le reste : électricité, cloisons, aménagements, bar… Depuis il a évolué, il a connu des liftings esthétiques, mais il n’a jamais bougé de place. La ville a toujours été un haut lieu de la pêche, qu’elle soit professionnelle ou de loisir, et ce club pérennise cette tradition. [caption id="attachment_203006" align="aligncenter" width="500"] Le départ de la compétition en 2024. © DR[/caption] Pour exemple, dans les années 80-90, Gruissan a accueilli des coupes de France, d’Europe, voire du monde. À l’époque, on pêchait en nombre, sans quotas. On prenait des thons de plus de 100 kg, on en attrapait plusieurs par jour, c’était impressionnant. Le soir, sur le quai, il y avait des tournades de thons, des dizaines de poissons alignés, des musiciens, du vin, des rires… C’était la fête. Mais les temps ont changé. Les réglementations sont arrivées, les quotas aussi. Et petit à petit, la pêche s’est assagie. Ce n’est pas plus mal. On pratique différemment, plus proprement, plus durablement. Mais l’ambiance, elle, est restée.PEM : Et vous, à quel moment avez-vous pris les rênes du club ?
Moi, je suis tombé dans la pêche tout petit. J’ai grandi entre l’eau douce, le carnassier, la pêche à la truite, le surfcasting… Mais c’est la pêche au thon qui m’a vraiment happé. Il y a une quinzaine d’années, j’ai commencé à venir au club, à Gruissan, puis je suis devenu adhérent. Et depuis, je ne fais plus que ça. Il y a un peu plus de trois ans, j’ai repris la présidence du club avec un ami, aujourd’hui notre secrétaire. C’est moi qui l’ai initié à la pêche au thon. Il a été piqué aussi. Il s’est acheté un bateau, et désormais on est partenaires dans cette aventure. On a repris le club ensemble.[caption id="attachment_203003" align="aligncenter" width="500"] © DR[/caption]« Transformer un club de thon est une aventure exigeante, mais quel bonheur ! »
PEM : Dans quel état était le club à ce moment-là ?
Le club, malgré son prestige et son histoire, était un peu en sommeil. Il y avait environ 120 adhérents, une moyenne d’âge assez élevée. On a voulu le relancer, le rajeunir. On a monté une nouvelle équipe d’une quinzaine de bénévoles, tous motivés, dynamiques, et plutôt jeunes – entre 30 et 50 ans. Aujourd’hui, on compte 270 adhérents. On a plus que doublé. Pour cela nous avons dû tout remettre à plat : l’accueil, les activités, l’ambiance. Et surtout, on a reçu un soutien incroyable de la mairie. La commune a investi 160 000 € pour rénover complètement le local : une chambre froide flambant neuve, une cuisine professionnelle, un bar, du mobilier, tout a été refait. On est au coeur du port, dans un cadre idyllique. Nous avons un outil de travail exceptionnel qui nous permet d’organiser les choses au mieux. En revanche, pour tout ce qui est tradition, nous avons maintenu le cap. On tient beaucoup à ça. Le club, c’est avant tout une bande de copains. On est sérieux sans se prendre au sérieux. Ce qu’on veut, c’est trouver du plaisir, partager, transmettre.Notre ancienne secrétaire, Simone, a fêté ses 98 ans ! Elle est toujours là, elle suit tout, elle participe, elle remet les prix pendant les concours. C’est une mémoire vivante, une figure du club. [caption id="attachment_203001" align="aligncenter" width="500"] Le concours est un événement festif qui attire du monde, et pas uniquement des pêcheurs. © DR[/caption]Le club est intergénérationnel. On a des ados de 13-14 ans qui commencent à pêcher avec nous, et notre doyen a 99 ans.
PEM : Quel est le profil des adhérents aujourd’hui ?
C’est très varié. On a évidemment des Gruissanais, des habitants des environs, mais également beaucoup de personnes venues d’ailleurs et d’un peu partout en France. Ce sont de véritables passionnés qui peuvent parfois aussi partir faire de l’exo. Ils ont leur bateau à quai et profitent donc de la proximité avec le club. Et puis, il y a ceux qui n’ont pas forcément de bateau, mais qui veulent quand même faire partie de l’aventure. On a créé un vrai collectif, une communauté, où chacun peut trouver sa place.PEM : Le concours de pêche au thon que vous organisez chaque année, c’est le moment fort du club. Quel est le format de la compétition ?
Oui, clairement, c’est le grand rendez-vous. Cette année, il a lieu du 19 au 23 août 2025. Le 19, on fait l’accueil des participants et le briefing. Ensuite, il y a trois jours de compétition, puis une journée festive pour finir, avec animations, grillades… Une partie de la ville est là, on veut que ce soit un moment de fête pour tout le monde, pas seulement les pêcheurs. De cette manière nous contribuons au rayonnement de Gruissan. Pour la pêche en elle-même, c’est une compétition de pêche au broumé. C’est une pratique qui est malgré tout très fine, qui demande du savoir-faire. On accepte d’autres techniques comme la traîne ou les leurres sur chasses, mais on met clairement en avant le broumé. C’est un concours no-kill. [caption id="attachment_203002" align="aligncenter" width="500"] La compétition se déroule principalement au broumé. © DR[/caption] Mais si un membre du club souhaite utiliser sa bague sur un des poissons capturés, il le peut. Nous comptabilisons uniquement les thons maillés. Chaque bateau doit enregistrer sa plus belle prise de la journée et c’est elle qui comptera. Nous faisons ensuite le cumul du plus gros spécimen des trois journées pour connaître le vainqueur. Nous délimitons un éloignement maximal de la ville pour pêcher. Le départ est à 8 h 30, mais nous pouvons l’autoriser plus tard. En revanche, nous sommes très stricts sur la levée des lignes à 17 h 30. On veut que ce soit carré, équitable pour tout le monde.PEM : Quels types de poissons sont capturés pendant le concours ?
Essentiellement des thons rouges. Quelques thonines en fonction des années. Et puis il y a des surprises : des requins qu’on relâche évidemment et qu’on ne veut surtout pas valoriser dans le concours pour que personne ne les cible. On sensibilise aussi beaucoup les participants sur les espèces marines lors de cet événement. [caption id="attachment_203005" align="aligncenter" width="500"] La remise des prix est un moment fort de l’événement. © DR[/caption]PEM : Lorsque vous avez repris vous avez également fait évoluer la compétition ?
En 2024, on approchait des 20 000 € de lots : du matériel haut de gamme, des sondeurs, des moulinets, des bons d’achat, des séjours… Et chaque pêcheur jusqu’au dernier repart avec quelque chose. Tout cela grâce à une cinquantaine de partenaires fidèles. Et puis, au-delà des lots, cette compétition à un impact local. L’événement attire du monde : des participants, mais aussi leurs familles, les curieux, les touristes. Ça fait travailler les restaurants, les commerces, les hôtels, les chantiers navals, les stations-service… Et derrière la pêche de loisir, il y a un vrai tissu économique : les appâts, les moteurs, l’électronique, les leurres, les assurances, les sorties bateau… On est très soutenus par la mairie, l’office du tourisme, les commerçants. On participe aussi à la fête du village, en août, où on tient une buvette pendant trois jours. C’est énorme. Et ça nous permet d’autofinancer les activités du club. Tout cela demande bien sûr beaucoup d’investissement de la part de nos équipes. Je suis chef d’entreprise dans la vie, cela m’aide pour la gestion, mais l’été, je suis au club presque tous les soirs. Avec le secrétaire et d’autres membres, on se relaie. Il faut gérer les approvisionnements, les permanences, les appels, les déclarations, l’intendance… C’est un vrai job. Heureusement, on a une équipe soudée. Et l’hiver, on lève le pied, on recharge les batteries. [caption id="attachment_203004" align="aligncenter" width="500"] © DR[/caption]J’ai toujours voulu organiser de grandes compétitions à l’instar de ce qui se faisait aux États-Unis. Les compétitions là-bas me faisaient rêver, alors on s’en est inspirés. Nous avons multiplié les contacts et les démarches pour avoir un maximum de partenaires.