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Refit d’un Serpentaire de légende !

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C’est un excellent voilier, marin, rapide, doté d’un charme fou. Quand, en plus, on sait qu’il a écrit un page de l’histoire de la course au large, forcément, on craque ! Photos Damien Bidaine

Sommaire :

Le Serpentaire en chiffres

  • Long. coque : 6,48 m.
  • Largeur : 2,48 m.
  • TE : 1,15 m.
  • Lest : 500 kg.
  • Dépl. : 1 150 kg.
  • SV au près : 29 m2.
  • Mat. : coque en polyester et pont en contreplaqué.
  • Arch. : Bernard Veys.
  • Cote Argus du Bateau (2025) : 6 000 €.
[caption id="attachment_202009" align="aligncenter" width="500"] Petit Dauphin paré pour de nouvelles aventures © Voile Magazine[/caption]

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Refit de Petit Dauphin

C’EST UNE LEGENDE de la course au large. Vous avez bien lu, cette coque de 6,50 m a été la première à inscrire son nom au palmarès d’une course devenue majeure dans le parcours de tout skipper qui se respecte. Nous sommes en 1977. Petit Dauphin remporte, aux mains de Daniel Gilard, une nouvelle course, la Mini-Transat, devant de futurs grands noms de la course au large : Halvard Mabire (en Rêve de Mer) et Jean-Luc Van den Heede (en Muscadet). C’était un temps où l’on courait encore avec des unités de monsieur tout le monde. [caption id="attachment_202014" align="aligncenter" width="500"] Jean-Marc, l’heureux propriétaire de Petit Dauphin, navigue entre Bretagne et Antilles. © Voile Magazine[/caption] Et si ce Serpentaire est modeste, il est tellement marin ! C’est ce qui a d’emblée séduit Jean-Marc, son actuel propriétaire, qui connaissait bien ce modèle avant même de s’intéresser à cette unité historique. En effet, sa fille navigue déjà avec son mari sur un Serpentaire du côté d’Oléron et c’est lors d’un convoyage vers Arzal que Jean-Marc tombe sous le charme du vintage.

« J’ai retrouvé à la barre du Serpentaire les bonnes sensations de mes années de croisières et de régates passées à la barre d’un Half Tonner en bois moulé du chantier Hervé, puis d’un Sélection et d’un Pogo 8.50 avec lequel j’ai fait une transquadra

À la recherche d'un croiseur vintage

Or ce plaisancier expérimenté est justement à la recherche d’une petite unité pour naviguer en Bretagne entre deux croisières qu’il effectue sur son RM 1060 autour de l’Atlantique. « Je fouillais sur le marché de l’occasion à la recherche d’un Corsaire ou d’un Muscadet. Ces petites unités au charme incroyable qui sont faciles et rapides à mettre en ordre de marche, quand je suis tombé en 2022 sur l’annonce de Petit Dauphin. Coup de coeur immédiat ! Ça faisait sens, nous allions pouvoir naviguer de concert et parader en famille chacun sur son Serpentaire ! » Par rapport aux plans Harlé et Herbulot et leur construction 100 % bois, le Serpentaire a l’immense avantage d’avoir une coque en polyester. Seul son pont est en contreplaqué, ce qui limite les coûts de restauration auxquels tous les propriétaires d’une unité de plus de 40 ans doivent se préparer. Car il ne faut pas se tromper : dans les années 70, le contreplaqué n’est pas collé et encore moins imprégné à l’époxy, mais simplement protégé par un primaire monocomposant, qui n’avait pas les mêmes qualités d’étanchéité que l’actuelle époxy. C’est la peinture et les vernis qui font office de protection et on a beau multiplier les couches, les emballages les plus rutilants peuvent s’apparenter à un magnifique cache-misère ! Pierre Cizeau, charpentier de marine et patron du chantier Brava, en témoigne : chaque expertise, chaque petit chantier d’entretien sur un bateau de cette époque réserve son lot de surprises. C’est l’exacte expérience que va vivre (sans regret) Jean-Marc avec Petit Dauphin. Tout commence par un banc de cockpit un peu mou… [gallery columns="2" size="medium" ids="202003,202012"] Petit Dauphin entre donc en chantier chez Brava à Saint-Herblain sur les bords de Loire. Dans cet atelier spécialisé dans la construction et la restauration d’unités en bois, c’est le charpentier de marine Pierre-Henri Bouhier qui va se pencher sur le cas de ce Serpentaire classé Bateau d’intérêt patrimonial. Une classification symbolique qui n’ouvre ni droit ni devoir à son propriétaire, mais qui fait tout de même peser le poids de l’histoire sur ses épaules et celles de tous les intervenants. [gallery columns="2" size="medium" ids="202011,202010"] En bref, il règne autour du bateau une saine pression. La reprise du banc de cockpit est bien entendu plus importante que prévu. Toute la structure doit être changée. En fin de compte, 65 % du cockpit seront refaits à neuf. En parallèle, Jean-Marc demande à Pierre et Pierre-Henri de regarder du côté des cadènes de haubans, car le gréement est impossible à régler correctement. Le diagnostic est vite établi : les cadènes qui traversent le pont sont reprises sur un barrot du pont, mais tout est pourri… Pierre-Henri commence à déposer le pont, découvrant peu à peu l’ampleur des travaux qu’il va falloir réaliser.

Une réunion de chantier avec Jean-Marc s’impose !

« On en trouve tous les jours, on y va à fond ou pas ? » Jean-Marc, sous le charme de son voilier et conscient d’être dépositaire d’un petit monument, donne son feu vert.

« D’une part, je ne travaille pas que pour moi, d’autre part ce n’est pas une unité que je conçois comme une pièce de musée ou un simple day-boat. J’ai en tête un vrai programme de croisière. Je veux pouvoir vivre à bord et caboter le long de la côte bretonne sans rencontrer de soucis. Il me faut donc un voilier qui fonctionne parfaitement ».

A posteriori, le conseil de Pierre Cizeau d’y aller franco sur les travaux fut le bon. « Petit Dauphin est reparti pour 50 ans de navigation et je n’aurai pas à y revenir. » En fin de compte, les travaux ont concerné le pont, les barrots du pont, l’intégralité de la baille à mouillage, la face arrière du rouf, la descente et la serre-bauquière. Cette longue pièce qui sert de jonction entre le bordé haut de la coque et le pont, assurant l’étanchéité du voilier. [gallery columns="2" size="medium" ids="202004,202006"] Alors, Petit Dauphin était-il une mauvaise affaire ? Pas vraiment, car le voilier n’était pas en danger absolu. Cependant, Jean-Marc n’avait aucun historique sur les travaux effectués par les quatre précédents propriétaires, « sans doute le minimum. Tout l’accastillage était d’origine, même s’il était encore parfaitement fonctionnel ». Aucun regret, mais une leçon à retenir pour qui voudrait acquérir une unité ancienne en contreplaqué : ne pas sous-estimer les infiltrations d’eau qui pourrissent le bois en profondeur et imposeront de gros travaux. [caption id="attachment_202005" align="aligncenter" width="500"] Le pont va être posé. On distingue le serre-bauquière (au niveau du livet) qui a été entièrement changé et qui fait la liaison entre la coque et le pont. © Voile Magazine[/caption]

Chantier Brava, l'expérience du Refit

Le chantier de Pierre Cizeau sait gérer ce type de désagrément, qui travaille quotidiennement sur la restauration d’unités en contreplaqué sur structure en bois massif. Il n’est pas rare d’avoir un propriétaire très fier d’avoir récupéré un Corsaire ou un Muscadet poussiéreux à vil prix. [gallery columns="2" size="medium" ids="202007,202008"] Mais il n’est pas rare non plus de devoir lui expliquer que les travaux nécessaires pour une remise en marche du voilier dépassent l’entendement. L’arbitrage doit alors se faire entre raison et passion… Alors que nous envoyons le spi sur la Vilaine en amont du barrage d’Arzal, on comprend la passion qui anime justement le regard de Jean-Marc. Petit Dauphin tressaille dans un air pourtant léger. La barre franche bien en main, on glisse en silence et en douceur sur ce plan d’eau apaisé, à peine ridé. Aucune entrave à notre progression. L’étrave fend l’eau. L’équipage s’affaire aux réglages. Le pont a été entièrement réaccastillé dans l’esprit de sobriété originel du Serpentaire, mais avec un souci évident de simplification et d’optimisation. [caption id="attachment_202000" align="aligncenter" width="500"] Ne vous fiez pas à l’ambiance désuète qui règne à bord, Petit Dauphin n’a en rien perdu de son sens marin. © Voile Magazine[/caption] Jean-Marc, comme tout ancien régatier, sait le confort qu’apporte en croisière une bonne préparation du pont. Rien de révolutionnaire à bord, mais un accastillage bien placé, bien agencé. De part et d’autre de la descente, deux winches avec leur self-training reprenant drisses, bordures, hale-bas, bosses de ris, etc. Tout ce qu’il faut pour naviguer sans avoir à sortir de ce grand cockpit bien abrité pour monter sur le pont à teugue du Serpentaire. Une caractéristique architecturale qui brise la ligne du livet, rendant le Serpentaire particulièrement reconnaissable sur un plan d’eau. [caption id="attachment_202013" align="aligncenter" width="500"] Mâté, antifouling fraîchement posé, Petit Dauphin retrouve son élément à l’été 2024. © Voile Magazine[/caption] Plusieurs avantages à cette configuration du pont choisi en 1977 par Bernard Veys (inspiré du Muscadet de 15 ans son aîné ?) : optimiser le volume du carré malgré l’absence de rouf proéminent, obtenir un pont flush ou l’implantation de l’accastillage et la circulation seront facilités, offrir au cockpit qui se trouve plus bas une protection renforcée, réduire la descente entre le cockpit et le carré. Une descente très large qui rend l’habitacle très lumineux.

Une ambiance seventies

Jean-Marc a conservé le style de l’époque au carré et ça claque ! Tissu écossais d’origine, bois verni et petit réchaud sur cardan. Une configuration qui s’est civilisée par rapport à l’époque de la Mini-Transat où trônait sur tribord une immense table à cartes. [caption id="attachment_202001" align="aligncenter" width="500"] Très vintage, cette rénovation du carré de notre Serpentaire © Voile Magazine[/caption] Si l’on fait aujourd’hui abstraction de la tablette accueillant l’ordinateur portable contre la demi-cloison de la cuisine, on se croirait transporté dans une réclame des années 70. Mais pourquoi modifier un intérieur décloisonné, extrêmement volumineux et quasi parfait ? On l’a dit, cet intérieur est très lumineux grâce à la large ouverture de la descente, mais aussi au panneau de pont avant et aux deux hublots de coque. Quant aux rangements, ils ne manquent pas pour organiser la vie à bord avec cette double rangée d’équipets contre les bordés. Quant à l’immense pointe avant, elle peut accueillir un grand lit ou la garde-robe complète d’un petit croiseur qui a le goût du large !

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À lire : Une victoire historique

[caption id="attachment_202015" align="aligncenter" width="500"] © DR[/caption] 22 jours, 18 heures et 40 minutes, pour traverser l’océan Atlantique. « Je n’ai pas grand-chose à raconter sur ma course qui ne s’est pas trop mal passée (...) mis à part mon étai arrière qui s’est rompu ». Le skipper est modeste, à l’image de son voilier qu’il encense à son arrivée à Antigua : « Je crois que le Serpentaire dessiné par Bernard Veys est un excellent compromis voilier/prix/solidité/rapidité. Oui, je crois que ça vaut la peine de le dire, car je pense aujourd’hui que les bateaux ont fait la différence entre Kazimierz (2e sur un proto Caroff) et moi, ce que je ne croyais pas au départ. » Une épopée qui a fait l’objet d’un superbe récit de navigation que l’on vous recommande chaudement, ne serait-ce parce qu’on y retrouve notre ancien confrère et ami Rubi, alors chef de quart sur Pen Duick VI lorsque Daniel Gilard était simple équipier !

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Brava : Un chantier à reprendre

Depuis 2019, Pierre Cizeau oeuvrait sur les bords de Loire au chevet d’unités en contreplaqué neuves et d’occasion. Une aventure commencée en 2017 avec la construction d’une réplique d’un sloop brestois de 1953, mais sur le point de se terminer. [caption id="attachment_202002" align="aligncenter" width="500"] Pierre Cizeau dans son atelier des bords de Loire. © DR[/caption] Pierre Cizeau souhaite voguer vers de nouveaux horizons avec la ferme volonté de rester charpentier de marine. Pierre s’en va, mais l’outil et la réputation du chantier restent. Brava est synonyme d’excellence et le jury du Voilier de l’année 2020 l’avait fort justement remarqué en décernant le prix Rubi à son Muscadet. Ce nouveau cru marquait la renaissance d’une unité emblématique, cette fois-ci construite dans les règles de l’art et avec des techniques d’assemblage modernes et plus durables. En parallèle, fort de son outil de production, le chantier continuait son activité de restauration de voiliers, tels ceux en contreplaqué collé sur structure bois massif à l’image de Petit Dauphin. Notre regret ? Que Pierre Cizeau n’ait pas pu concrétiser le Brava 25, un petit croiseur très prometteur qu’il avait imaginé avec VPLP pour relancer la petite plaisance.

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Retrouvez tous les essais de la rédaction de Voile Magazine sur Voile & Moteur

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