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Lifesong : L’audace de rêver grand

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C’est un géant des glaces à la limite du raisonnable pour deux co-constructeurs amateurs. Et pourtant, rencontrer Emma et Christophe, c’est entendre la justesse d’un projet professionnel et familial où chacun peut faire entendre sa petite musique... Bienvenue à bord de LifeSong ! Photos : FX De Crécy

Sommaire :

La naissance de LifeSong :

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[caption id="attachment_201685" align="aligncenter" width="500"] LifeSong est l’un des très rares bateaux à proposer une expérience de charter arctique en famille. © DR[/caption]

L'histoire de Lifesong

En deux jours, dix-sept couples ont été posés sur le marbre. Dix-sept éléments structurels qui laissent deviner un volume, presque une forme. Mais déjà un miracle aux yeux d’Emmanuelle et Christophe qui travaillent depuis un an sur la conception de LifeSong avec l’architecte Vincent Lebailly. Alors forcément, les sourires sont larges ce matin-là sous le pont roulant du chantier Bord à Bord, à Plestin-les-Grèves. C’est dans ce petit coin de Trégor que toutes les étoiles se sont alignées : le lien avec l’architecte, la volonté du chantier de s’ouvrir à la construction « custom », sa capacité d’accueil, une certaine logique géographique… C’est donc ici que va naître ce grand croiseur des glaces qui sera à la fois le domicile familial et l’outil de travail d’Emma et Christophe. Un géant de 24 m qui sera chaudronné par le chantier, mais qu’ils se promettent d’emménager et de finir eux-mêmes avant deux ans ! Une folie ? Sans doute, mais quand on voit leur parcours, on se dit qu’après tout, ce ne serait qu’une prouesse de plus ! [caption id="attachment_201687" align="aligncenter" width="500"] Illustraiton © DR[/caption] Rembobinons la bande. Nous sommes en 2004, à Paris. Devenu ébéniste par passion autant que par tradition familiale, Christophe est pour ainsi dire tombé tout petit dans le bois et le meuble ancien. Suivant le fil de cet héritage, il s’apprêtait à ouvrir sa propre boutique d’antiquités dans le XVIIe arrondissement de Paris quand un grave accident de la route l’a fait dévier de cette voie toute tracée. A peine remis sur pieds, il rejoint son père parti en voyage à la voile pour ce qu’il pense être une parenthèse de convalescence : en fait, il ne remettra jamais durablement son sac à terre. Sur le vénérable plan Stephens paternel, il accomplit de fil en aiguille un tour du monde initiatique qui le conduit à rencontrer des marins de retour de Patagonie, à l’image de la tribu La Rochefoucault avec ses sept enfants. [caption id="attachment_201684" align="aligncenter" width="500"] Le premier LifeSong, Garcia 68 sur lequel ils ont vécu et travaillé pendant sept ans. © DR[/caption] Leur témoignage déjà nostalgique l’incite à mettre le cap au sud et il parvient à son tour à convaincre son père ! La Patagonie est un coup de foudre, il achète même un pied-à-terre à Puerto Mont, au Chili, et y exerce divers métiers avant d’aller chercher en Californie un Baltic 51 qu’il a acquis à vil prix dans des conditions rocambolesques. C’est sur ce Baltic qu’il commence à proposer des croisières payantes en Patagonie, activité qui le conduit à fréquenter toutes sortes de marins, explorateurs et alpinistes. C’est ainsi qu’il rencontre Emmanuelle, guide alpin de retour d’une expédition antarctique. Elle doit rapidement rentrer dans son Québec natal mais ne tarde pas à revenir… [caption id="attachment_201691" align="aligncenter" width="500"] La grande plateforme arrière est très importante au quotidien pour les retours d’excursions à terre, tant pour le confort que pour la sécurité. © DR[/caption] Et elle, qui « n’a jamais mis le pied sur un voilier », ne quittera plus le navire. Onze ans plus tard, deux enfants sont nés, Emmanuelle et Christophe ont délaissé leur Baltic 51 pour un solide Garcia 68. Ils ont ainsi écumé la Patagonie, l’Antarctique, mais aussi le Groenland, le Spitzberg, la Norvège. Leur complémentarité, lui pour la mer et elle pour guider les excursions sur neige ou sur glace, fait merveille. Les croisières sur LifeSong ont aussi le goût unique de la vie en famille, avec Raphaël – né en Polynésie en 2016 – puis Jade qui rejoint l’équipage en 2019. Elles sont surtout portées par l’enthousiasme communicatif d’Emmanuelle, son rire et son accent québécois chantant, la sérénité souriante de Christophe dont l’expérience arctique se consolide de saison en saison. [caption id="attachment_201686" align="aligncenter" width="500"] Illustration © DR[/caption] Cette expérience forge les convictions, tant philosophiques que techniques, qui dessinent peu à peu le prochain bateau. Il s’appellera LifeSong comme le Garcia 68 sur lequel ils ont accompli un travail énorme, un refit complet incluant sellerie, électricité, électronique, et une peinture de coque intégrale qui a très bien vieilli – ce qui n’est pas rien quand on connaît les joies de la peinture sur aluminium. Mais le nouveau LifeSong, lui, sera capable d’hiverner dans les glaces, ce qui évitera les incessants convoyages Bretagne-Arctique, capable d’affronter les rigueurs du passage du Nord-Ouest, qu’Emma et Christophe veulent franchir dès leur deuxième saison à bord avant de repartir vers le Grand Sud via la Polynésie… L’itinéraire est assez clair dans leur tête. Mais il faut d’abord donner corps à ce géant des glaces. Ce qui signifie, une fois que la chaudronnerie sera terminée, monter eux-mêmes les deux moteurs, les menuiseries de cette coque de 24 m, installer l’électricité et la plomberie des sept cabines, six cabinets de toilette et un sauna… [caption id="attachment_201692" align="aligncenter" width="500"] L’idée générale est d’avoir un bateau de charter arctique qui soit aussi performant et beau sur l’eau. Ça semble bien parti ! © DR[/caption] Et mettre le bateau à l’eau pour la saison 2027, c’est-à-dire demain matin ! Conçu, on l’a dit, en étroite collaboration avec Vincent Lebailly, LifeSong se distingue au premier coup d’oeil des derniers croiseurs à salon de pont qu’il a créés pour Bord à Bord. Sa grande longueur et un franc-bord raisonnable (autour de 1,70 m) ont permis de soigner la ligne générale. Le rouf court, qui dégage complètement le pont avant, se prolonge à l’arrière par un hard-top qui couvre une bonne part du cockpit. Ce dernier comporte une partie conviviale et bien protégée autour de la table, et une zone de manoeuvre, à l’arrière, autour des postes de barre où reviennent toutes les manoeuvres. La carène est relativement tendue, la maille de sa structure très serrée pour résister à la pression des glaces – il est d’ailleurs certifié pour cet environnement arctique. La quille pivotante permet de réduire le tirant d’eau à 2 m, profondeur que n’excédera pas l’unique safran central, tandis que la paire de dérives arrière devrait optimiser la stabilité de route. Parmi les particularités techniques chères à Christophe, notons la formule bimoteur dictée par la nécessité de ne pas dépasser les 130 chevaux par moteur pour des raisons purement réglementaires (voir par ailleurs), le refroidissement par « keel cooling », c’est-à-dire au moyen d’un échangeur thermique sans ces entrées d’eau qui ont une fâcheuse tendance à être colmatées par la glace au plus mauvais moment. [caption id="attachment_201682" align="aligncenter" width="500"] De l’accastillage de récup’, il y en a un peu partout dans la maison de Christophe et Emmanuelle. © DR[/caption] Et enfin un mât carbone de plus de 30 m que Christophe et Emma ont déjà acheté d’occasion ! Cet espar était celui d’un maxi, un Soto 80 qui a brûlé sur un chantier alors que son mât était stocké à part. Le malheur des uns… Ce mât récupéré très tôt a été intégré dès le début dans les plans de Vincent Lebailly. Une contrainte pour l’architecte qui a dû prendre en compte un moment de redressement comparable au Soto 80 et une géométrie identique pour le gréement dormant. Gréement dont Christophe et Emma stockent comme ils le peuvent les éléments, au garage, dans le salon où une imposante cuisinière marinisée sur cardan est en cours d’élaboration, dans un faux plafond pour les immenses barres de fl èche… De toute façon la maison qu’ils louent à Plestin est envahie de grosses poulies, de ridoirs, d’imposants vérins hydrauliques et de pièces d’accastillage XXL que Christophe, rattrapé par son passé d’antiquaire, chine et récupère à droite et à gauche, toujours à des prix imbattables. C’est à ce prix, on le comprend bien, que des marins certes bien installés dans le métier du charter arctique mais pas millionnaires pour autant peuvent prétendre mener à bien un tel projet. S’ils restent dans les clous d’une construction custom classique, ils n’y arriveront tout simplement pas. Vincent Lebailly a accepté avec enthousiasme cet exercice atypique qui l’a clairement sorti de sa zone de confort. Rompu aux bateaux en aluminium, il n’avait jamais cependant jamais dessiné un bateau « autour de son mât », pas plus qu’il ne s’était confronté aux exigences de la « certification glace », avec une structure renforcée au niveau de la flottaison pour résister à la pression de la banquise. On vous l’a dit, ce projet ne ressemble à aucun autre. Le bateau qui en résultera ne manquera pas de caractère, c’est sûr, à l’image de ses propriétaires et co-constructeurs.

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A lire aussi : les voiliers de voyage sur Voile&Moteur

Le Lifesong 78 en chiffres

[caption id="attachment_201693" align="aligncenter" width="500"] La famille à l’arrière, les passagers à l’avant et pas moins de 7 cabines, 6 salles d’eau et un sauna. © DR[/caption]
  • Long. hors tout : 25,67 m
  • Long. coque : 23,95 m
  • Largeur : 6,54 m
  • Tirants d’eau : 4,80-2 m
  • Déplacement : 40 800 kg
  • Lest : 8 500 kg
  • SV au près : 352 m2
  • GV : 171 m2
  • Yankee : 181 m2
  • Motorisation 2 x 150 ch
  • Gasoil : 2 x 2 000 l
  • Eau : 2 x 500 l (et dessal.)
  • Matériau : aluminium
  • Architecte : V. Lebailly
  • Certification CE : navire de plaisance à util. commerciale + certif. glace

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Le Lifesong en 6 points

[caption id="attachment_201694" align="aligncenter" width="500"] LIFESONG en détails © DR[/caption]
  1. La quille pivotante permet de réduire le tirant d’eau de 4,80 à 2 m.
  2. La structure renforcée au niveau de la flottaison forme une « ceinture de glace » au sens de la certification propre aux régions polaires.
  3. Le choix de deux moteurs permet de ne pas embarquer une machine de plus 130 kW, synonyme de grosse contrainte réglementaire. Refroidissement par échangeur thermique (« keel cooling ») et hélices à pas variable.
  4. Toutes les manoeuvres viennent au cockpit.
  5. Le rouf est entièrement couvert de panneaux photovoltaïques.
  6. Le mât carbone provient d’un Maxi (Soto 80) dont la coque a brûlé.

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Board à bord : Loick Cheynet à l'adordage !

[caption id="attachment_201683" align="aligncenter" width="500"] Loïck Cheynet peut être satisfait de l’avancement de l’Ogham 54, fi gure de proue d’une gamme et d’une marque en gestation : elle s’appellera Ogham Yachts. © Voile Magazine[/caption] Il s’en est passé des choses depuis la reprise du chantier en 2020 par Loïck Cheynet. Partant d’un chantier qui ne faisait que la chaudronnerie, Loïck a eu le souci d’élargir la palette des métiers et d’enrichir son offre, soit en interne par recrutement, soit par la croissance externe. C’est ainsi qu’il a acquis le cabinet d’architecture navale toulousain OEuvres Vives, le spécialiste de la propulsion électrique Naviwatt (Arzon, 56), qu’il s’est rapproché de l’agence Dream Racer Boat pour le design et la conception intérieure, entre autres. Concomitamment, Loïck entend rééquilibrer l’activité du chantier qui se limitait, à l’époque de la reprise, à des constructions pour les professionnels (portuaire, pêche, petits bateaux de servitude). Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de Bord à Bord reste constitué de bateaux professionnels à 70 %, et à 30 % de bateaux de plaisance – essentiellement des voiliers. Et le but est de continuer à développer les voiliers de grande croisière en aluminium, jusqu’à arriver à une ventilation inverse du chiffre d’affaires et 70 % de voiliers. [caption id="attachment_201689" align="aligncenter" width="500"] Le principe de l’Ogham 54 est celui d’un bateau à vivre tout confort et toutes saisons. © DR[/caption] L’Iroise 48 ( En test ICI) lancée l’an dernier n’était donc qu’un début. Bord à Bord construit aujourd’hui avec l’architecte Vincent Lebailly une nouvelle gamme sous la marque Ogham Yachts, en association avec l’entrepreneur Antoine Ehly, acquéreur du premier Ogham 54 actuellement en construction. Egalement sur plan Lebailly, un Ismeria 45 devrait toucher l’eau sous peu pour un lancement au Nautic de Saint-Malo. Ce sont dans les deux cas des bateaux à salon de pont, toujours en aluminium, qui privilégient la qualité de vie à bord sous toutes les latitudes. Des bateaux largement personnalisables, ce côté custom se voulant la marque de fabrique de Bord à Bord – ou plutôt d’Ogham Yachts. Outre ces plans Lebailly, Ogham proposera d’ailleurs des bateaux 100 % custom à l’image du LifeSong 78 dont la construction vient de commencer, et probablement une autre gamme développée en interne comme les Autre Monde. Ces croiseurs plus classiques mais au rouf très vitré sont directement inspirés de ce que faisait à une époque le chantier Olbia… Ce ne sont pas les projets qui manquent du côté de Plestin-les-Grèves.

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L'actualité de la voilepar Voile Magazine

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