Quand la communication dérape sur l’esprit sportif
La communication de l’équipe du Class40 VSF Sport à la suite de la collision avec Wasabiii, survenue au moment du départ de la Normandy Channel Race, a suscité de vives réactions.
L’accident malheureux, survenu deux minutes avant le départ entre les deux Class40, a entraîné le démâtage de Wasabiii et mis fin aux espoirs des deux bateaux de participer à cette grande classique de la classe. Les conséquences sont lourdes, notamment pour Wasabiii et son skipper Stéphane Bodin, dont la participation aux Sables–Horta, à la Fastnet Race, et à la Route du Rhum est désormais compromise.
Les accidents font partie des risques en course au large. Wasabiii a pu être remorqué au port par la SNSM, où son équipage — Stéphane Bodin et Loeiz Cadiou — a retrouvé celui de VSF Sport, skippé par Pep Costa et Pablo Santurde del Arco. L’organisateur, Manfred Rampscher, était également présent et a pu constater un esprit sportif entre les deux équipes. L’équipage espagnol a présenté ses excuses pour l’accident.
Mais dans la journée, l’équipe VSF Sport, dont la communication est assurée par Anne Combier, publiait un communiqué que nous avons relayé sur notre site internet — à tort, car nous n’avions pas encore vu les images de l’incident. Dans ce communiqué, Pep Costa relatait les faits ainsi :
« Nous avancions lentement à 4-5 nœuds sans le gennaker pour naviguer sans prendre de risque. Comme nous, l’essentiel de la flotte était en bâbord amure car la ligne de départ nous obligeait à faire route vers une marque au nord-est (angle de vent entre 110 et 120°), » commente Pep Costa à son arrivée à terre. « Puis, il y a eu une énorme collision avec un bateau qui arrivait très vite en tribord amure. Improbable. Incompréhensible d’un point de vue tactique. Nous ne l’avons vu qu’au moment du choc. »
Ce communiqué a provoqué un tollé pour son manque d’esprit sportif, en rejetant la faute sur Wasabiii, pourtant victime de l’accident. L’équipage de Wasabiii a d’ailleurs porté réclamation, et le jury devra trancher. Sur la forme, Stéphane Bodin a qualifié la communication de « lamentable » :
« Sur le moment, cela a été un choc. Nous sommes revenus au port avec l’aide de la SNSM, 1h30 plus tard. Nous avons échangé avec Pep Costa et Pablo Santurde, qui étaient vraiment désolés et se sont excusés. C’est plus tard que nous avons pris connaissance du communiqué, et nous sommes tombés des nues. ». Nous publions son communiqué de rectification et de mise en contexte concernant la collision entre VSF Sport et Wasabiii.
« Le communiqué accuse Wasabiii d’être responsable de la collision, ayant « surgi très vite en tribord amure » dans une situation jugée « improbable » et « incompréhensible d’un point de vue tactique ».
Or, les images diffusées par L’Équipe 21 et France 3 montrent clairement que Wasabiii était en tribord amure, tandis que VSF Sport, en bâbord amure, a abattu dans sa trajectoire — une manœuvre en violation de la règle 10 du Règlement de Course à la Voile, qui établit la priorité du bateau tribord.
De plus, contrairement à ce que laisse entendre le communiqué, Wasabiii naviguait sous grand-voile seule, à faible vitesse, tandis que VSF Sport était sous grand-voile et J1, à vitesse maximale. Cette différence de vitesse rendait toute manœuvre d’évitement par Wasabiii impossible.
La manœuvre de VSF Sport était non seulement fautive, mais extrêmement dangereuse, d’autant plus qu’elle a eu lieu à seulement deux minutes trente du départ. Lorsqu’un bateau abat sous J1, la visibilité vers l’avant est très réduite — notamment derrière le génois — ce qui impose une vigilance accrue pour éviter toute collision. Ce qui, manifestement, n’a pas été le cas ici.
Il est également inexact d’affirmer que l’ensemble de la flotte était en bâbord amure : plusieurs bateaux suivaient la même route que Wasabiii, ce qui prouve que sa trajectoire était légitime et cohérente avec les conditions de course.
L’équipage de Wasabiii a non seulement porté réclamation auprès du comité de course pour infraction à la règle 10, mais envisage également de déposer une plainte auprès de la gendarmerie maritime. Face à un tel comportement, il est important de rappeler que les skippers sont des professionnels. À ce niveau de compétition, un comportement aussi dangereux est inadmissible et doit être sanctionné. »
Nous avons contacté VSF Sports également dont le skipper Pep Costa, skipper VSF Sports a déclaré : « La communication a été rapide au moment de l’accident. Mais bien sûr, dès la collision, avec Pablo, nous avons tout de suite échangé avec l’équipage de Wasabii et nous nous sommes inquiétés de leur situation physique et matériel. Nous sommes très touchés des conséquences qui en découlent pour l’équipage de Stéphane et Loiez. Nous sommes désolés de cette situation. »
De notre côté, fautifs d’avoir relayé un communiqué de presse sur le site courseaularge.com sans avoir visionné les images, nous présentons nos excuses. L’article a été corrigé depuis. Nous espérons que l’esprit sportif continuera de prévaloir, en mer, sur les pontons comme dans les écrits, et qu’une solution rapide pourra être trouvée pour Stéphane Bodin.
Dans l’attente de la décision du jury, Stéphane Bodin recherche désespérément un mât pour son Pogo S4, afin de pouvoir poursuivre son programme… et garder en ligne de mire son rêve de participer à la prochaine Route du Rhum.
Ludovic Sorlot
Editeur et Rédacteur en chef de Course Au Large