Les caprices des dieux
Décidément, Éole et Neptune, dieux du vent et de la mer, n’épargnent pas les 22 skippers encore en course. Face à la violence des conditions dans le golfe de Gascogne et à l’approche des Sables d’Olonne, Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) ont ralenti l’allure et ne sont pas attendus avant demain matin. Derrière, Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 14e) va bientôt bénéficier d’un front qui va le propulser vers l’arrivée tout comme un groupe de huit skippers au sein duquel la régate fait parler l’écume. En queue de flotte, Manuel Cousin (Coup de Pouce, 32e), Fabrice Amedeo (Nexans-Wewise, 33e) et Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 34e) vont devoir également devoir traverser une zone orageuse dans l’Atlantique Sud.
Attendre les marins aux Sables d’Olonne, c’est comme une immersion au large avec ses rafales fréquentes, cette pluie intense, les vagues qui se fracassent contre la jetée ou recouvrent la plage et tout le brouhaha qui va avec. Ce mercredi, il y avait 30 nœuds de vent moyen, des rafales autour de 45 nœuds, une mer formée. Et dire que certains, en mer, vivent ça en étant ballottés par les flots, acculés par les conditions !
Les deux prochains attendus à l’arrivée vont devoir s’accrocher jusqu’au bout. Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) progressent au cap Finisterre. Face aux fortes conditions de mer, les deux ont fortement ralenti leur allure en début de journée, à moins d’une dizaine de nœuds. « Le centre dépressionnaire descend dans le Sud-Est, ce qui implique du près et oblige à tirer des bords jusqu’à l’arrivée », précise Basile Rochut, consultant météo du Vendée Globe. Conséquence directe ? Leur arrivée estimée glisse de l’après-midi à la soirée pour l’Allemand, et tard dans la nuit pour la Franco-britannique.
Comme un serpent de mer
Les esprits facétieux auront noté que la cartographie et la succession de bateaux, du cap Finisterre jusqu’aux côtes de l’Amérique du Sud, ressemble à un long serpent, comme un clin d’œil en ce jour de nouvel an chinois qui célèbre « l’année du serpent ». Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 31e), premier chinois présent sur le Vendée Globe, a envoyé une vidéo, souhaitant à tous une « année fluide, harmonieuse et une excellente santé ». Même s’ils semblent tous garder le sourire après 80 jours de mer, les marins se livrent un sacré combat, une régate XXL qui connaîtra à coup sûr de nouveaux rebondissements.
Jingkun Xu célèbre le réveillon du nouvel an chinois avec une nouvelle coupe | Vendée Globe 2024
Jingkun Xu célèbre le réveillon du nouvel an chinois avec une nouvelle coupe | Vendée Globe 2024
Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 14e) a bien négocié la bascule de vent au Nord-Ouest des Açores. Il se positionne désormais pour rattraper la queue d’un front qui va le propulser jusqu’aux côtes européennes. Il sera ensuite rattrapé par une dorsale anticyclonique qui va le ralentir, il ne devrait pour autant pas être inquiété par ses poursuivants.
Les huit de l’Ouest
Derrière lui, ils sont huit skippers dans un mouchoir de poche. Moins de cent milles séparent en effet Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job, 15e) de Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor Lux, 20e) ! Benjamin, qui a vu Tanguy Le Turquais (Lazare, 17e) revenir sur lui, n’en revient pas de cet incroyable « match dans le match » :
Ce niveau d’intensité est exceptionnel, surtout à quelques jours de l’arrivée et après un tour du monde dans les pattes ! Moi qui rêve de Solitaire du Figaro et qui a un peu tout fait à l’envers, j’ai la chance de faire un Vendée Globe et une Solitaire du Figaro en même temps ! On a une bataille qui va être géniale jusqu’au bout !
Benjamin Ferré
MONNOYEUR – DUO FOR A JOB
Au sein de ce groupe, il y a quatre bateaux à dérives droites et quatre foilers. Parmi ces derniers, Alan Roura (Hublot, 16e), un temps bord à bord avec Isabelle Joschke (MACSF, 18e) raconte :
Le match est complètement dingue ! Ça met du piment jusqu’à la fin, ça va être un beau finish. On a tous envie de nous battre pour cette 15e place. A partir de demain, le vent va forcir, ça va être un peu sport. Je suis très content d’être revenu dans ce groupe. Là, ça marche fort, je suis à plus de 100% de mes polaires. On va voir qui peut tirer son épingle du jeu, ça s’annonce super intense jusqu’au bout ! Là normalement il me reste cinq jours de course. Et j’ai remis des chaussettes, ça veut dire qu’il fait frais et qu’on se rapproche de la maison !
Alan Roura
HUBLOT
« Ça a changé mon rapport à la foi »
Deux jours après avoir franchi le pot au noir, Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 24e) a pris les commandes de son petit groupe composé de Violette Dorange (DeVenir, 25e), Louis Duc (Five Group Lantana Environnement, 26e) et Arnaud Boissières (La Mie Câline, 28e). Sébastien Marsset (FOUSSIER, 27e) en fait également partie, mais doit actuellement composer avec une avarie majeure de production d’énergie, la faute à la casse d’un câble de puissance du compartiment moteur.
De leurs côtés, Éric Bellion (Stand As One, hors course) et Antoine Cornic (Human Immobilier, 29e) longent la pointe Nord-Ouest du Brésil. Oliver Heer (Tut Gut., 30e) et Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 31e), eux, poursuivent leur lente remontée 700 milles derrière. Enfin, le trio Manuel Cousin (Coup de Pouce, 32e), Fabrice Amedeo (Newans-Wewise, 33e) et Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 34e) retouchent progressivement du vent au portant après avoir contourné un anticyclone. Désormais, il va falloir se soustraire adroitement au fameux front semi-permanent et les orages qui vont avec, comme si les dieux – toujours Éole et Neptune – étaient encore en proie à des caprices à 5 300 milles de l’arrivée. De Dieu et de foi, il en a d’ailleurs été question ce matin avec Fabrice Amedeo. Le skipper de Newans-Wewise s’est livré à des confidences pendant les vacations :
J’ai vécu des choses personnelles très fortes dans l’Atlantique Sud. C’est difficile d’en parler de façon succincte, ce sera plus facile dans un livre. Mais c’est évident que ça a changé mon rapport à la foi qui était inexistante avant le départ. J’avais déjà vécu des moments forts sur l’océan avec des paysages magiques, des expériences cognitives où tu ressens l’absolu, où tu as l’impression de toucher le monde du bout des doigts. D’une certaine manière, Dieu est la nature au sens de Spinoza. Mais là, l’expérience était différente, ça se rapproche des religions du livre… Ça m’interpelle beaucoup, c’est une histoire qui va énormément me changer.
Fabrice Amedeo
Nexans-Wewise
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