Responsabilité civile : L’acte négatif de l’assuré peut constituer une faute dolosive
Un acte négatif, comme une abstention délibérée, peut être considéré comme une faute dolosive, lorsque l’assuré a conscience que les conséquences dommageables de cet acte sont inéluctables.
Étude de cas
Un camion de livraison de matériaux de construction est tombé dans un ravin à la suite de l’effondrement d’un pont situé sur le chemin desservant la propriété d’un assuré.
L’assureur de la société de livraison a mis en cause la responsabilité civile du propriétaire du chemin. Ce dernier a été condamné par les tribunaux à payer une somme en réparation des conséquences dommageables de l’accident. Son assureur multirisque habitation a cependant refusé d’intervenir au titre de sa garantie responsabilité civile vie privée, en invoquant une faute dolosive commise par le propriétaire assuré.
L’article L.113-1 du Code des assurances dispose en son alinéa 2 que « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».
La Cour de cassation considère que la faute dolosive est caractérisée lorsque l’assuré a commis un acte délibéré avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables1.
La faute dolosive se caractérise ainsi au moyen de deux critères : un comportement et ses conséquences.
Le comportement de l’assuré peut être, soit un agissement, soit une abstention délibérée. En effet, la Cour de cassation a admis que l’acte délibéré pouvait être caractérisé en cas d’acte négatif2.
Dans notre cas, la mairie de la commune avait édicté une interdiction de circulation sur le pont sinistré pour les véhicules de plus de 1,5 tonne. Le maire avait alors demandé aux propriétaires riverains d’entreprendre des travaux indispensables pour consolider le pont.
Le propriétaire assuré connaissait donc la fragilité du pont et l’existence d’un arrêté interdisant la circulation de véhicules de plus de 1,5 tonne sur cet édifice, puisqu’il avait été mis en demeure de le réparer.
Ainsi, l’assuré a omis d’informer préalablement le livreur de l’existence d’une restriction quant au tonnage autorisé et s’est volontairement abstenu d’empêcher celui-ci de franchir le pont, alors même qu’il connaissait son état de fragilité depuis plusieurs années.
Au regard de la jurisprudence actuelle, le fait de ne pas informer le livreur de l’interdiction de circuler sur la construction constitue un acte négatif, qui peut être caractérisé d’acte délibéré.
Enfin, l’assuré avait alerté la commune à plusieurs reprises de l’état de dégradation du pont avant la survenance de l’accident. Il avait donc conscience que le pont allait s’écrouler en raison des passages répétés du camion de livraison et donc du caractère inéluctable des conséquences dommageables au dernier passage supporté par le pont.
Solution
Les deux conditions de la faute dolosive étaient réunies (un comportement et une conséquence). Cette dernière a donc été retenue, excluant toute intervention de l’assureur dans la prise en charge du sinistre.
Bon à savoir
Lorsque l’assuré a commis un acte délibéré avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, l’assureur n’est pas tenu d’intervenir dans la prise en charge des dommages.
L’acte délibéré peut être une abstention. Ainsi, un acte négatif, comme le fait de dissimuler une interdiction de circuler à un livreur sur un ouvrage présentant un péril imminent et l’exposant à des conséquences dommageables, peut être considéré comme un acte délibéré.
- Cass. 2e Civ., 10 novembre 2021, no 19-12.659 ; Cass. 2e Civ., 20 janvier 2022, no 20-13.245.
- Cass. 2e Civ., 25 octobre 2018, no 16-23.103.
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