"Hier c'était le jour de Charlie, aujourd'hui c'est moi !" Arrivé au petit matin aux Sable d'Olonne, Yoann Richomme est content de son coup. Plutôt que d'arriver dans l'ombre du leader, il s'offre son propre lever de soleil et peut enchaîner directement le passage de la ligne et la remontée du chenal... Avant de se pointer en conférence de presse pour un show sans langue de bois. Du Richomme dans le texte, dont on vous livre ici un petit résumé thématique.
Ce qui me fait vibrer
" Ce qui me motive c’est de continuer à progresser, à m’éclater, à développer le bateau avec une belle équipe... ensuite on veut le meilleur résultat possible mais l’essentiel est ailleurs. Sur ce Vendée Globe on rend une belle copie, on est un projet jeune... je suis hyper-heureux. Les trophées, ils finissent au fond d’une étagère, ce n'est pas ma seule motivation... je suis un compétiteur, c’est sûr, mais pas un pitbull accroché à son os. "
Les leçons d’un premier Vendée Globe
"Je m’étais beaucoup préparé parce que ce n’est pas forcément ma nature, le pur solitaire. Les premières semaines ont été un peu dures mentalement, après je suis vraiment rentré dedans. J'avais tellement travaillé la météo du parcours que j'avais presque l'impression d'avoir déjà fait ce tour du monde ! Je me suis senti en maîtrise, j’ai apprécié le format, la longueur, l’enchaînement des océans... C’était assez fou tous les changements de leader, les chamboulements au classement."
[caption id="attachment_193587" align="aligncenter" width="500"] Yoann Richomme, homme de mer et homme de scène ? Photo : Olivier Blanchet.[/caption]
La fameuse tempête des Kerguelen
"On voit cette grosse dépression très creuse au sud des Kerguelen, avec dans certaines zones des conditions dangereuses. Charlie et Sébastien y vont, moi je m’écarte au nord. Mais en fait ça ne s’est pas joué là, puisque je suis revenu dans le match ensuite. Un peu miraculeusement d’ailleurs, parce qu’à ce moment-là je regardais plutôt derrière, dans l’idée de garder ma troisième place. Et puis en fin de compte je suis revenu aux avant-postes... Du coup je pense que le vrai moment clé, c’était la descente de l’Atlantique sud. Il fallait être parfaitement positionné devant le front pour surfer cette dépression-là jusqu’au bout. Ceux qui étaient trop au nord ont été décrochés les uns après les autres, nous on a cravaché devant le front jusqu’au bout et on a fait le trou."
Là où ça se joue...
" Il n’y a eu aucune pause à partir de la grosse dépression des Kerguelen. J’ai cravaché pour revenir, on s’est tiré la bourre dans tout le Pacifique. Après le cap Horn je me suis enfilé dans un filet d’air le long de la zone des glaces, j’ai accru mon avance jusqu’à 120 milles je crois. Derrière on prend cette dépression, j’y vais à fond, et là j’ai peut-être trop « bourriné » parce que je suis sorti de là lessivé. Ensuite quand on arrive à ce fameux front froid au large du Brésil, je suis crevé, occis. Je ne sais pas si c’est à cause de ça ou si c’est juste la faute à pas de chance, mais ça s’est mal goupillé pour moi et Charlie a pris le large. Ensuite je ne l’ai plus revu. Je savais que c’était plié, je voyais les médias parler de duel mais 100 milles d’écart, quand la météo est claire et quand c’est Charlie devant, avec le rythme qu’il mettait... j’ai vécu une fin de course plutôt fataliste. "
Pour ce bateau, des choix assumés ?
" Ces choix sur le bateau, on les fait 3 ans avant, à l’issue du Vendée Globe 2020. C’est un bateau pour le sud, pour le gros temps. Dans certaines conditions, il est imbattable, et par ailleurs il s’est révélé hyper-fiable, je n’ai quasiment pas bricolé. Le bateau de Charlie était sans doute mieux armé pour les phases de transition... Mais aucun regret, j'avais un super bateau. Et le debreifing technique viendra en son temps. "
Charlie et moi
" Les médias en ont pas mal brodé sur le sujet, en mettant bout à bout des anecdotes... Bon, en fait on est potes de ponton, on ne passe pas nos week-ends ensemble. Je l’ai appelé la veille de son arrivée, c’était sympa mais bon, ce n’est pas un grand causeur, en gros il répond par oui ou par non ! Surtout en course il se met vraiment dans sa bulle. Si je voulais avoir une vraie conversation j’appelais plutôt Benjamin Ferré, ou d’autres que d’ailleurs je ne connaissais pas forcément bien avant la course, c’est sympa. Au plan sportif, avec Charlie c’est sûr, on se connaît très bien. Je connais ses trajectoires, je peux même prévoir certaines choses... mais dans notre sport il faut rester centrés sur soi, sur notre course. Si tu commences à te laisser influencer par tes adversaires, par leur palmarès ou leur réputation, tu perds le fil."
Sur le Vendé Globe, un temps à améliorer ?
" Quelque part, c’est dans l’ordre des choses... Mais attention, sur ce tour du monde on a eu des schémas météo de l’ordre de l’exceptionnel. Charlie fait 17 nœuds de moyenne, je crois ? Du coup ce record, je me demande si ça ne va pas être un peu comme le record d’IDEC 2017 sur le Jules Verne. Possible que pas mal des gens se cassent les dents dessus dans les années qui viennent ! "