Vendée Globe. Charlie Dalin vainqueur magistral de cette 10e édition
En franchissant la ligne d’arrivée ce mardi 14 janvier 2025 à 08h 24 mn 49 sec (heure française) en 64 jours, 19 heures, 22 minutes et 49 secondes, Charlie Dalin, skipper de MACIF Santé Prévoyance, établit un nouveau record. Une arrivée magnifique à l’aube sous une pleine lune avec le soleil qui se levait sur les Sables d’Olonne et des températures négatives.
Premier sur la ligne et deuxième au classement de la dernière édition, Charlie s’est présenté à ce Vendée Globe avec un nouveau bateau, une sacrée motivation et un nouvel état d’esprit. En mer, le Normand a semblé davantage profiter de l’aventure, tout en gardant ses qualités hors-pair de fin régatier et tacticien. Sa constance et sa maîtrise lui ont permis, patiemment, de bâtir l’une des plus belles victoires du Vendée Globe. Retour sur une incroyable performance.
» Je n’ai jamais vécu une telle émotion, jamais vécu ça de toute ma vie. C’est la plus belle ligne d’arrivée de ma carrière avec cette lumière du jour qui a percé. Ce Vendée Globe 2024, j’en ai rêvé depuis le lendemain de l’édition 2021. Pendant quatre ans, on s’est battu avec l’équipe, on a travaillé dur pour penser et mettre au point ce super bateau. Tout le monde s’est donné à fond pour avoir un bateau aussi parfait. Tous les membres de mon équipe sont des champions du monde, j’ai un bijou entre les mains. Je suis très heureux du résultat. Une victoire au Vendée Globe, c’est unique !
C’était une course tellement intense ! La descente dans l’Atlantique Sud a été folle, les mers du Sud en 23 jours, la remontée de l’Atlantique a été incroyable… J’ai l’impression que je suis parti il y a 48 heures ! Avec Yoann, ça a été un match incroyable. Bravo à lui, c’était comme s’il faisait son 3e et son 4e Vendée Globe. C’est grâce à Yoann si j’ai pu faire le tour du monde en si peu de temps. Ça m’a forcé à renvoyer de la toile, des ris, à être sur les réglages, à tout donner.
Je suis heureux aussi de partager avec Michel Desjoyeaux le fait d’être le seul à avoir franchi deux fois la ligne d’arrivée du Vendée Globe en tête. Mais en matière de qualité, j’ai vraiment rendu une meilleure copie. Je suis content de mes trajectoires, de mes choix, c’est un super bilan… Je suis l’homme le plus heureux du monde. »
Il avait donné le ton dès les premières heures de course. Déjà en étant comme toujours à l’affût de tout, s’affairant dès le départ à trouver les meilleurs réglages et la meilleure configuration de voile malgré les petits airs aux alentours des Sables d’Olonne. Mais ça, c’est du Dalin classique. Ce qui a changé en revanche, c’est la façon de le dire et de le vivre surtout.
Dans sa première vidéo, il arbore un large sourire. Le Normand y évoque « une bonne bouffée de foule au moment du départ », « une belle énergie », « une journée de dingue ». Surtout, Charlie ne boude pas son plaisir. Son sourire relève ses pommettes, son regard est malicieux, il contemple l’océan avec gourmandise et convoitise. « Ça fait trois ans que j’attends ce moment », lâche-t-il. Et c’est de cette façon qu’il vivra ce tour du monde, en se prenant une fois pour un commandant de bord, en souriant souvent, en profitant toujours.
Encore premier à Bonne Espérance
Plus affable, désireux d’en profiter davantage, Charlie Dalin reste néanmoins un skipper hors pair. Favori sur le papier, le quarantenaire ne tarde pas longtemps à faire honneur à son rang. Au lendemain du départ, il occupe déjà la place de leader. Une semaine plus tard, il pointe à 210 milles du premier, Jean Le Cam : ce sera l’écart le plus grand qui le sépare de la première place tout au long de la course.
À l’approche de l’équateur, son option très Ouest finit par être récompensée. Lors du passage il s’amuse à rappeler qu’en 2020, il n’avait pas fait d’offrande à Neptune « J’aurais dû ! ». Cette fois-ci, le Normand respecte à la lettre la tradition en offrant une gorgée de Calvados à son bateau, à la mer et au marin. Charlie est alors deuxième derrière Thomas Ruyant (VULNERABLE) puis accélère dans l’Atlantique Sud. Il est le premier à bénéficier d’une forte dépression qui s’est formée au large du Brésil et qui a propulsé tout le wagon de tête jusqu’au cap de Bonne Espérance. Là, il améliore le record équateur – Bonne Espérance de 21 heures (7 jours, 18 heures, 39 minutes).Charlie était déjà en tête de ce cap il y a quatre ans et il sait, comme tous les autres, l’importance d’aborder en tête les mers du Sud, si harassantes et imprévisibles. Et ça s’est vérifié cet hiver, surtout quand s’est creusée une forte dépression dans l’océan Indien. S’est posée avec acuité la question de poursuivre à l’Est malgré la virulence du phénomène. Certains pouvaient la suivre, d’autres n’en avaient pas l’opportunité. Charlie lui, a décidé de foncer. Y aller, coûte que coûte, accepter des conditions très fortes, une poignée de jours à serrer les dents, à veiller à tout, à tenir bon. Dans son sillage, seul Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) tient la cadence. En 72 heures, tous les autres rivaux sont relégués à plus de 600 milles.
Un trio puis un duo, rappel des batailles en Figaro
Les jours qui suivent, le long de la ZEA, Charlie continue patiemment sa progression en tête. Derrière, Sébastien Simon est toujours là malgré la casse de son foil tribord. Ils sont rejoints par un troisième skipper, Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande. Le 17 décembre, pour la première fois depuis 15 jours, Charlie cède sa place de leader à Yoann puis à Sébastien. Le trio se rend coup sur coup jusqu’au point Némo (le 20 décembre) avant que Sébastien ne cède du terrain et que débute le duel Dalin-Richomme.
Les deux ne lâchent rien et retrouvent le goût de leurs batailles en Figaro, au cœur du Pacifique et de la plus prestigieuse des courses autour du monde. Pendant ce temps, Charlie tient, sans jamais perdre ses nerfs comme s’il savait que les opportunités allaient à nouveau se présenter. Il a fallu prendre son mal en patience, accepter de ne pas être en tête au cap Horn, dépasser avec seulement 9 minutes et 30 secondes de retard sur Yoann Richomme.
Charlie, Dalin malin
La suite, c’est la remontée périlleuse de l’Atlantique Sud. Au large du Brésil, le 31 décembre, Charlie repasse devant Yoann. C’est une histoire de petit décalage comme si tout ne pouvait se jouer que sur des détails. Dans cette longue remontée des côtes brésiliennes, l’écart a parfois été de moins de 30 milles entre les deux hommes. Yoann se rapproche, flirte avec la première place mais ne l’occupera plus. Même quand le skipper PAPREC ARKEA est légèrement plus rapide dans les alizés de l’Atlantique Nord, Charlie tient bon et maintient l’écart. Il y a ensuite tout ce que Charlie connaît par cœur : le cap Finisterre, la pointe bretonne, ces derniers bords à tricoter jusqu’aux Sables d’Olonne.
Charlie se préserve jusqu’au bout et veille à tout. Lundi matin, dans un dernier message vocal, c’est un homme en mission qui nous confie ses dernières impressions : « je suis concentré, j’essaie de bien manger, bien me reposer, bien régler le bateau, faire attention aux conditions instables pour avancer à une vitesse acceptable. Je suis encore dans ma course, complètement dans ma course » Depuis ce mardi matin, il peut enfin profiter, lâcher les commandes de son bateau et savourer : il vient d’atteindre l’objectif d’une vie, la juste récompense pour un champion si accompli.