Vendée Globe 2024. En direct avec Charlie Dalin : « J’arrive au cap Horn avec un bateau à 100% de son potentiel »
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De nouveau leader de ce 10e Vendée Globe au pointage de 11h, 2 milles devant son meilleur ennemi Yoann Richomme, le skipper de Macif Santé Prévoyance réalise une course parfaitement maitrisée à bord de son plan Verdier de 2023. Alors que se profile déjà le cap Horn, et la remontée toujours compliquée de l'Atlantique, Charlie Dalin a pris le temps d'un long échange avec nous. Instructif !
Voile Magazine : Comment te sens-tu mentalement et physiquement après 42 jours de course ?
Charlie Dalin : "Ça va, il y a de la fatigue forcément qui s'est accumulée depuis le départ mais j'ai réussi à récupérer un peu dernièrement. Depuis deux jours, j'arrive même à enchaîner les siestes car il n'y a pas beaucoup de manœuvres en ce moment, juste un peu de réglage de voile et de pilote. Du coup, j'arrive à me reposer pas mal."
Voile Magazine : Et ton bateau, comment il va ?
Charlie Dalin : "Tout va bien à bord, le bateau, il tient le coup ! Je suis trop content, je prends tout ce que je peux. Mon objectif, c'était d'atteindre le cap Horn avec un bateau à 100% et pour l'instant il l'est. J'espère ne pas avoir de problème de dernière minute d'ici là, mais pour l'instant le bateau est à son potentiel max. Maintenant que j'ai réparé ma voile, j'ai retrouvé l'efficacité totale du bateau, donc c'est cool."
Voile Magazine : Quelle était cette voile que tu as réparée dernièrement ?
Charlie Dalin : "C'était une voile… désolé, impossible d'en dire plus ! Je l'ai réparée suite à une grosse déchirure. J'ai réalisé la réparation sur un tronçon alors que les autres (Yoann Richomme et Sébastien Simon) revenaient par derrière. Donc ils sont revenus un peu plus vite que ce qu'ils auraient dû. Après, j'ai eu un petit moment de pas de vent pour la rehisser. Je l'avais complétement déroulée à l'intérieur du bateau pour travailler dessus correctement. Or une fois déroulée, tu ne peux pas la hisser dans n'importe quelle condition. Heureusement, une molle passagère m'a permis de la renvoyer en tête puis de pouvoir la rerouler sur elle-même sans perdre trop de temps, ni dépenser trop d'énergie. Dans mon malheur, j'ai quand même eu un peu de réussite..."
Voile Magazine : Ton duel avec Richomme en tête de flotte, c'est plutôt stressant ou ça te booste, ça te donne envie de faire encore mieux ?
Charlie Dalin : "Oui ça booste, ça me force à ne pas m'endormir, ça m'oblige à rester sur les réglages, à surveiller la vitesse du bateau en permanence. Ça t'apporte de l'engagement, à chaque pointage tu regardes la vitesse de l'autre, tu es un peu à l'affût. Tu es obligé de monter un peu ton niveau de jeu pour ne pas se faire dépasser."
[caption id="attachment_192778" align="aligncenter" width="500"] Bien né, l'IMOCA de Charlie Dalin a fait parler la poudre dans les mers du Sud. Crédit : Ronan Gladu.[/caption]
Voile Magazine : Cela te rappelle tes belles années en Figaro, non ?
Charlie Dalin : "C'est vrai, en 2016, on s'était bien tiré la bourre sur le circuit Figaro. On avait fait un et deux sur toutes les courses de la saison. Après Yoann passe lui-aussi en IMOCA et sur la première course qu'on fait tous les deux, la Fastnet, on termine à 5 minutes d'écart. On fait un peu toujours la même chose. On est toujours un peu au coude-à-coude."
Voile Magazine : Par rapport à Apivia, ton nouveau bateau répond-t-il à toutes tes attentes ?
Charlie Dalin : "Il est beaucoup mieux. Franchement, le bateau, il est trop bien. Par exemple, dans la descente de l'Atlantique, j'arrivais à ce qu'il ne fasse pas trop chaud à l'intérieur. Tu vois, j'ai eu que 34° au max dans la zone de vie, en faisant des aérations. Et là dans le sud, je n'ai pas eu trop froid, parce que quand il caille dehors, je ferme tout. Du coup, j'arrive à conserver la chaleur dans ma studette. Ergonomiquement parlant, ce bateau est une réussite !"
Voile Magazine : La navigation est plus confortable et les vitesses sont plus élevées ?
Charlie Dalin : "Je ne sais pas si l'on peut vraiment dire que c'est plus confort. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a moins d'eau sur le pont, il est moins souvent en mode archimédien et que donc il tape moins qu’Apivia. La carène est un peu plus adaptée aux mers du sud, c'est sûr. Je suis content du bateau à tous les niveaux, et surtout j'ai tout le temps envie de foncer !"
Voile Magazine : On disait les plans Koch-Finot/Conq mieux adaptés à la VMG descente dans le brise que ton IMOCA, tu sembles pourtant faire mieux que tenir la cadence face à Yoann ?
Charlie Dalin : "Oui, je m'en sors bien et c'est carrément cool. Mon IMOCA est plus polyvalent que ceux de mes adversaires directs : il va être très performant sur la remontée de l'Atlantique... Donc, je suis content d'arriver bientôt au cap Horn sans avarie majeure. C'était un objectif important pour moi d'arriver groupés là bas et que surtout le bateau soit à 100%. Si tu as le choix, bien sûr, faut mieux être loin devant, mais de se présenter côte à côte avec Yoann au cap Horn, que ce soit juste devant ou juste derrière, cela n'a pas d'importance..."
Voile Magazine : Justement, au cap Horn, ça risque de remuer un peu non au vu des prévisions météo annoncées ? Charlie Dalin : "Le cap Horn c'est toujours musclé à cause de la cordillère des Andes qui bloque le flux d'ouest et le renforce. Depuis le départ du Vendée Globe, je me prépare psychologiquement à avoir du vent au cap Horn. Après, ce n'est pas non plus la catastrophe question prévision et j'ai été quand même gâté depuis mon entrée dans les mers du Sud. J'ai pas eu de vraies tempêtes, seulement une ou deux fois plus de 40 nœuds à l’anémomètre et c'est tout ! Lorsque je me suis positionné en avant de la dépression dans l'océan Indien, un peu dans son nord, les conditions sont toujours restées maniables même s'il y avait pas mal de mer." Voile Magazine : Est-ce que tu envisages de réduire un peu, de ralentir un peu pour arriver avec un bateau encore à 100% côté Atlantique, ou ça va dépendre de ce que fait Richomme ? Charlie Dalin : "Non, je pense qu'il n'y aura pas besoin. On verra sur place…" Voile Magazine : Par rapport à il y a 4 ans, est-ce que tu te sens plus à l'aise avec le bateau, plus serein ? Est-ce que ça t'a appris quelque chose, ce premier Vendée Globe ? Charlie Dalin : "Oui, je me sens beaucoup plus serein. Il y a 4 ans, au même stade, je n'avais plus d’aérien en tête de mât. Il était mort. Je n'avais plus qu'une petite perche au niveau du tableau arrière pour récupérer les données vent, ce qui n'était vraiment pas pratique et fiable. En plus, je n'avais plus de foil bâbord ce qui a été frustrant et handicapant pour finir la course. Voile Magazine : Est-ce que tu penses que ton expérience t'a permis de préserver un peu plus le matériel ? Charlie Dalin : "Oui, c'est sûr ! Je pense que le bateau a également été super bien préparé. On a beaucoup appris du projet Apivia, parce qu'avec Apivia, c'était la première génération d'IMOCA à grands foils. On découvrait un peu, on apprenait au fur et à mesure comment faire marcher ces bateaux. Ensuite, je fais très attention à lui, je tiens à mon bateau comme à la prunelle de mes yeux." Voile Magazine : Il y a Noël qui arrive là, et puis après le jour de l'an, est-ce que pour toi, ça va être un moment un peu particulier ? Tu es dans quel état d'esprit par rapport à cette solitude forcée ? Charlie Dalin : "Écoute, je viens de sortir mon sac de bouffe, et j'ai quelques trucs sympa à ouvrir là, donc c'est réconfortant. Et puis si Starlink fonctionne correctement, je ferai un direct vidéo avec ma famille pour me sentir un petit peu avec eux le jour de Noël. Il y a 4 ans, je n'avais pas pu le faire, cette année je ne manquerai pas cette occasion."C'était un objectif important pour moi d'arriver groupé au cap Horn et que surtout le bateau soit à 100% !