Vendée Globe. A l’ouest du nouveau !
Jean Le Cam sur Tout Commence en Finistère – Amror Lux est toujours en tête ce dimanche matin, menant une flotte bien étalée sur 700 milles nautiques qui tente de descendre vers le sud aussi rapidement que possible. Certains des concurrents positionnés à l’ouest, comme Sam Goodchild Vulnérable et Sébastien Simon sur Groupe Dubreuil , ont déjà entamé cette descente, profitant d’une légère ouverture dans la pseudo-dorsale anticyclonique. Les autres devraient suivre dans la journée, mais tout porte à croire que ce premier élan pourrait être un faux départ, car une autre zone de calme les attends lundi. En revanche, le passage de cette zone mardi pourrait offrir un avantage certain au premier qui la franchira, ouvrant un champ libre pour accélérer jusqu’à Fernando de Noronha.
Le pari de Jean Le Cam, qui a choisi de passer par l’est, le maintient pour l’instant en tête de la flotte. Il est actuellement freiné par la zone de calme, évoluant à 8,3 nœuds, tandis que ceux plus à l’ouest ont retrouvé du vent et avancent désormais à plus de 20 nœuds, étant à présent à la même latitude que lui. L’Anglais Sam Goodchild a été le premier à empanner, se retrouvant dans la position de prédilection de son bateau, à l’allure portant VMG. Thomas Ruyant lui a emboîté le pas, suivi par Charlie Dalin, Jérémie Beyou, Nicolas Lunven et Yoann Richomme, qui devraient également basculer bientôt.
Thomas : » Tout roule à bord ! On a passé une belle journée, une belle nuit. C’est sympa de retrouver du vent après une période de pétole assez longue. La journée a été bien rythmée avec pas mal de bascule de vent, pas mal d’empannages. Ce n’est pas facile d’être dans le bon sens à chaque fois, c’était assez fatiguant. Finalement, d’avoir été au Nord, Nord-Ouest de la flotte, c’était pas mal. Ça a permis de récupérer le vent un peu avant, de sortir un peu plus vite de la zone sans vent. Le jeu continue, ça va être marrant !«
Tous anticipent la prochaine zone de calme située 200 milles plus au sud et attendent les dernières données météorologiques pour ajuster leur trajectoire. Un nouveau regroupement des leaders semble probable, offrant la perspective d’un « nouveau départ » qui pourrait lancer les leaders dans une vraie course de vitesse dans les alizés.
Le skipper de Bureau Vallée a prévenu dans la soirée son équipe et la direction de course qu’il avait « entendu un bruit très inquiétant à bord ». Après un check rapide du bateau, il a constaté des fissures sur le pont de son IMOCA (au niveau de l’écarteur du gennaker), ce qui sera à même « d’affecter l’intégrité structurelle de son bateau ». Si Louis a décidé de rester en course, il s’emploie pour trouver une solution. « Il a empanné en milieu de la nuit et fait une route Sud-Est afin de pouvoir travailler sur le pont et s’attacher à réparer », explique Fabien Delahaye à la direction de course.
À l’issue d’une septième nuit en mer, les skippers se partagent toujours en trois groupes – les partisans de l’Ouest, ceux d’une route plus directe et les deux de l’Est – même si les écarts en latéral ont continué de se creuser. Vendredi matin, 300 milles séparaient Thomas Ruyant (VULNERABLE) le plus à l’Ouest et Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor-lux), l’un des plus à l’Est. 48 heures plus tard, l’écart est désormais de plus de 650 milles. Or, les zones de molles se décalent à l’Est et « une porte s’ouvre à l’Ouest » dixit Fabien. Les skippers à l’Ouest gagnent en vitesse ces dernières heures (entre 15 et 20 nœuds) et bénéficient de conditions de vent stables comparés à leur compère de l’Est (moins de 10 nœuds). « L’enjeu du moment, c’est de faire du Sud sans être bloqué par la molle ».
À l’Ouest, certains ont déjà empanné à l’instar de Sam Goodchild et Thomas Ruyant qui en profitent pour remonter progressivement au classement (le Britannique est 6e à 7h ce dimanche, le Français 16e). Le Nordiste, qui a réglé son problème de voie d’eau, s’amuse que les deux VULNERABLE « prennent la flotte en sandwich ». Et Thomas n’est pas mécontent de la tournure des événements :
Pour les autres situés plus à l’Est, la nuit a été plus délicate, cette satanée zone de molle se décalant elle aussi plus à l’Est. Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor-lux), toujours leader ce matin, voit son trône vaciller même s’il devrait pouvoir le conserver encore quelques heures. Cette nuit, il progressait à 7 nœuds de moyenne, son compagnon d’infortune, Conrad Colman (MS Amlin) à 4 nœuds.
Parmi les neufs skippers qui composent le « groupe du milieu », tous pointent leurs étraves vers le Sud-Ouest à l’instar de Clarisse Cremer (L’Occitane en Provence) et Giancarlo Pedote (Prysmian) qui ont empanné dans la nuit. Alan Roura (Hublot) fait partie de ce groupe, lui qui pointe à la 2e place du classement depuis cette nuit. Il raconte : » Mon positionnement et mon décalage se sont faits naturellement avec mes voiles. J’ai plutôt bien vécu les dernières heures de course, je ne me suis pas trop posé de question. Ma 4e place hier matin, le ‘top 10’… Ça fait du bien au moral ! Là, j’aimerais revenir vers l’Ouest et recoller avec la petite flotte dans laquelle je suis. » Dès cette nuit, le Suisse savait qu’il allait être confronté à du vent plus faible puis des « phases avec plus ou moins de vent ». Qu’importe, Alan s’accroche, fidèle à sa réputation et sa détermination. « C’est un positionnement qui n’est pas simple, il faut s’attacher à faire avancer le bateau » Mais la bataille du moment, quels qu’en soient les vainqueurs, ne présage rien pour la suite. Alan le dit à sa manière : « il peut se passer plein de choses jusqu’au Pot-au-Noir ». On oublierait presque qu’ils viennent seulement de passer leur septième nuit en mer.
La lanterne rouge Szabolcs Weöres (New Europe), lui, ne cherche pas vraiment du vent comme le reste de ses camarades de jeu. Le Hongrois doit toujours composer avec un trou dans sa grand-voile et une voile d’avant (A7) endommagé. Pour les réparer, « Szabi » est déjà monté au mât mais les dégâts sont trop importants. « J’aurai besoin d’un endroit calme pour réparer, recoudre, coller », confiait-t-il. À Madère, les conditions n’étaient pas réunies à cause d’une dépression qui a contribué à pousser le skipper vers les Canaries. Il est actuellement en approche de Las Palmas. « Mon moral est bon, je pense que je peux réparer » assure-t-il, content d’avoir « stabilisé la situation ». Szabolcs raconte avoir « désactivé le fichier des concurrents pour ne pas voir où ils se trouvent ». ‘Szabi’ est pourtant comme tous les autres skippers de la flotte : un homme déterminé à ne rien lâcher. Il le reconnaît avec des mots simples : « j’essaie juste de me concentrer sur moi, de poursuivre ma course et de continuer à vivre mon rêve de finir le Vendée Globe ».