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Restauration : Un Symphonie, trois générations

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Au-delà de l’épatant refit d’un classique des années quatre-vingt, cette histoire est celle d’une fratrie cabossée par le deuil. D’un bateau de famille perdu de vue et retrouvé, sorti des limbes de l’oubli. Puis restauré, réparé comme on répare la vie. Archives Voile Magazine Juin 2023 - Photos : F.-X. de Crécy.

Sommaire :

Le Symphonie en Chiffres

  • Longueur coque 9,50 m
  • Longueur flottaison 8 m
  • Largeur 3,26 m
  • Tirants d’eau 1,20-2 m
  • Déplacement 5 130 kg
  • Lest 2 000 kg
  • Sv au près 61 m2
  • Grand-voile 19,60 m2
  • Génois 41,40 m2
  • Eau douce 100 l
  • Gasoil 50 l
  • Motorisation Yanmar 30 ch.
  • Matériau Stratifié de verre
  • Architecte Philippe Briand
  • Constructeur Jeanneau
  • Année de lancement 1980
  • Cote argus du bateau de 14 471 € à 19 490 € selon année et travaux
De gauche à droite Antoine, Grégoire (au second plan et à la barre), et Pierre Comby. Un cliché d’époque que nous nous sommes amusés à reconstituer… La bouée couronne était celle du précédent Saint-Grégoire, un Evasion 32. Elle a voyagé dans le temps jusqu’au Symphonie 2023. © DR

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Les bateaux de famille ne sont pas comme les autres. Mines de souvenirs teintés de nostalgie, traits d’union, pommes de discorde et parfois les trois à la fois, ils étendent leur sillage sur plusieurs générations et s’invitent volontiers dans l’intimité du récit familial, avec ses joies et ses deuils. Si l’histoire du Symphonie de la famille Comby est particulièrement poignante, c’est sans doute parce que la fratrie est attachante. C’est aussi parce que le destin s’est montré tour à tour cruel et facétieux, et ce depuis l’arrivée de ce bateau dans la famille. Eté 1982. Pour cette croisière, Bertrand Comby a embarqué trois ados sur le voilier familial – qui est alors un Evasion 32. Parti de Marennes, son port d’attache, le joyeux équipage a fait route vers la Vendée, puis la Bretagne. L’ambiance est au top, même si les jeunes équipiers chambrent volontiers l’armateur paternel quant aux performances de l’Evasion. [caption id="attachment_187434" align="aligncenter" width="500"] Avec ses nouvelles voiles, Saint-Grégoire fait merveille dans la brise. © FX de Crécy[/caption] Dire qu’ils se plaignent serait exagéré, disons qu’ils ont pris l’habitude de déplorer son poids, son fardage et son manque d’allant au près. Le père encaisse, stoïque. Jusqu’à cette escale au Crouesty, début août, où il se rend au magasin d’un petit chantier local pour changer l’ampoule du feu à retournement. Les jeunes le voient quitter le bord avec l’ampoule défectueuse et revenir une bonne heure plus tard avec… un nouveau bateau. Un fringant Symphonie, produit par le chantier Jeanneau depuis quelques années sur un plan signé par un tout jeune architecte qui commence à se faire un nom, Philippe Briand. Peut-être Bertrand Comby est-il « tombé sur un très bon commercial », dixit son fils Grégoire, alors âgé de 12 ans, peut-être s’est-il convaincu que la famille méritait mieux qu’un Evasion auquel collait l’infamante étiquette de « fifty »… Toujours est-il qu’il avait signé pour ce bateau immédiatement disponible et pour la reprise de l’Evasion en question. De telle sorte qu’il a suffit de transborder les affaires d’un voilier à l’autre pour poursuivre la croisière en Symphonie et le ramener à Marennes où le reste de la famille – à commencer par Madame Comby – n’allait pas en revenir... Voilà, ils sont comme ça, les Comby, déterminés et parfois même un brin impulsifs. Et c’est ainsi que tout a commencé cet été-là, y compris l’idylle entre Anne, la grande soeur, et l’ami invité qui est aujourd’hui son mari. Il vient d’ailleurs de courir la Transquadra avec son beau-frère Grégoire, l’autre équipier de cette croisière 82, en attendant l’Ocean Globe Race l’année, prochaine… Mais c’est une autre histoire. [caption id="attachment_187431" align="aligncenter" width="500"] Un Symphonie, trois générations © FX de Crécy[/caption]

Une disparition si brutale

Revenons à celle du Symphonie, et elle est moins légère, hélas. Car un triste jour de mai 1989, Bertrand Comby disparaît brutalement dans un accident de voiture. Tout bascule. Malgré la tragédie et peut-être justement pour ne pas rompre le dernier fil qui les rattache à leur père, les enfants veulent garder le bateau. Ils y parviennent pendant trois ans, mais l’entretien est trop lourd pour Danielle, leur mère, qui porte à bout de bras cette famille de cinq enfants dont deux, et bientôt trois étudiants. C’est un crève-coeur, un de plus, mais il faut vendre. Et tout aurait pu s’arrêter là. Mais 25 ans plus tard, Antoine (le Comby n°4) partage sur le groupe Whatsapp familial une petite annonce : « Vends Jeanneau Symphonie de 1982... » Et attire l’attention de ce dernier sur le tissu-éponge bleu qui couvre les coussins, faits maison et reconnaissables entre mille : c’est Saint-Grégoire III, le Symphonie familial ! Un coup de chance incroyable, considérant que 367 Symphonie sont sortis de l’usine des Herbiers ? Si on veut. Mais ce n’est pas non plus un hasard si Antoine a depuis toujours la manie des petites annonces de bateaux… [caption id="attachment_187435" align="aligncenter" width="500"] De la tête de mât au lest, tout est neuf ! © FX de Crécy[/caption] Toujours est-il que Pierre, qui travaille dans le nautisme et a même depuis peu son propre chantier à Aigues-Mortes, n’hésite pas une seconde. Au vendeur qui lui vante les qualités du bateau, il coupe le sifflet et ne demande qu’une chose : le nom du premier propriétaire mentionné sur le carnet de francisation. C’est bien Bertrand Comby. Pas besoin de visite ni d’expertise, « j’achète », conclut Pierre au téléphone. On vous l’a dit : le Comby est impulsif ! Pierre est néanmoins perplexe quelques semaines plus tard, en réceptionnant au chantier le bateau qui a voyagé en camion. Lest profondément grêlé, gel-coat faïencé à grande échelle, le Symphonie est vraiment dans un triste état. Pierre se retrousse les manches avec l’aide précieuse de Philippe Achard, technicien aux mains d’or et formateur à l’Institut nautique de Méditerranée. Le bateau est vidé, déquillé, le lest sablé, la coque pelée... Et ce n’est que le début d’une restauration qui, comme souvent, ira beaucoup plus loin que la simple rénovation initialement prévue. [caption id="attachment_187432" align="aligncenter" width="500"] Des pertuis charentais à la baie d’Aigues-Mortes, nouvelle vie pour le Symphonie © FX de Crécy[/caption] La dérive, oxydée à coeur et bloquée dans le saumon, est bonne pour la ferraille. Pierre trouve une entreprise (ATEV Chaudronnerie, à Bourges) pour en faire une nouvelle sur mesure – un travail remarquable. Dans le cockpit, Philippe se fait plaisir avec des lattes de teck travaillées une à une, collées et jointées avec amour. Les hiloires, quant à elles, sont poncées à la main avec un soin de carrossier, pour un résultat incroyable. A l’intérieur, même application quasi maniaque dans le calage des nouveaux planchers aux rainures parfaitement alignées. Et Pierre se lâche sur les selleries en similicuir et les équipements de confort : nouveaux réservoirs d’eau douce XXL en inox (260 l), groupe d’eau et ballon d’eau chaude, douchette de cockpit, plafonniers à LED, sono…

Le cabinet devient douche

Quitte à refaire la plomberie, il réussit même à intégrer un receveur dans le plancher du cabinet de toilette qui devient une douche, avec sa pompe de vidange. Tout cela consomme, le parc de batteries est revu à la hausse (2 x 90 Ah) et l’électricité refaite de A à Z. Nouveau panneau de pont, nouvel accastillage (les winches à self-tailing, c’est quand même bien pratique…), nouveau gréement dormant et courant, nouvelles voiles évidemment. Mais mât d’origine, il faut savoir s’arrêter ! [caption id="attachment_187441" align="aligncenter" width="500"] Avec Gauthier, une nouvelle génération de Comby découvre les joies du Symphonie. © FX de Crécy[/caption] L’idée de Pierre, c’est que le bateau reparte sur des bases saines et solides « pour les vingt prochaines années ». C’est aussi qu’il soit porté à un niveau de confort qui incite le reste de la famille à embarquer pour des vacances sur l’eau. Autrement dit, qu’il reste un bateau de famille et embarque son fils Gauthier comme Pierre et ses frères ont été embarqués. De ce côté-là, c’est plutôt bien parti à en juger par la banane qu’affiche le jeune Gauthier en question, à la barre sous la houlette souriante de son père. Il y a de la joie dans cette « cellule arrière » ! [caption id="attachment_187436" align="aligncenter" width="500"] Grégoire, l’aîné des frères Comby, retrouve à la barre des souvenirs de jeunesse. © FX de Crécy[/caption] Grégoire, l’aîné, a envoyé la grand-voile en vitesse avant de se mettre à l’écoute de génois, et voilà le Symphonie qui allonge la foulée dans une fi n de tramontane fraîche mais maniable. L’étrave élancée semble bondir en souplesse d’une vague à l’autre, tout le contraire des volumineuses étraves d’aujourd’hui soit dit en passant, le passavant s’incline gentiment au ras de l’eau. En circulant à bord, on découvre rapidement le seul point faible de ce Symphonie fantastique : un antidérapant un peu juste… Il faudra plus de billes de verre la prochaine fois ! Pour le reste, tout fonctionne à merveille et le surpoids des nouveaux équipements ne se fait pas spécialement sentir à la barre. Dans le carré, à l’heure du casse-croûte, on pourrait se croire dans un bateau neuf… En 1981. A condition de faire abstraction de l’écran multifonction Raymarine qui trône à la table à cartes et de quelques anachronismes du même acabit. [caption id="attachment_187445" align="aligncenter" width="500"] Pierre Comby (à droite) confortablement installé dans les selleries neuves du carré avec son frère Grégoire et l’ami Philippe Achard (à gauche), les mains d’or du Symphonie. © FX de Crécy[/caption] Pierre, tout sourire au milieu de ses frères, a tenu son pari. Il a offert une nouvelle vie au Symphonie. Par passion pour ce sympathique croiseur des années quatre-vingt ? Probablement pas. Pour revivre une tranche d’enfance, raviver le souvenir de son père ? Ce n’est pas forcément l’idée. La réponse, il la laisse tomber après un temps d’introspection. Ce qu’il voulait, c’est « remettre les choses à leur place ». Tout simplement

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Le Symphonie en 8 points

[caption id="attachment_187464" align="aligncenter" width="500"] Le Symphonie en 8 point © Voile Magazine[/caption]
  1. Hauteur sous capot dans le triangle avant : 1,70 m. Couchette double : 1,96 x 1,40 m aux épaules.
  2. Hauteur sous barrots dans le cabinet de toilette : 1,75 m. WC avec cuve à eaux noires ajoutée et douche avec receveur.
  3. Hauteur sous barrots à l’épontille : 1,80 m.
  4. Table du carré: 86 x 73 cm, sans compter l’abattant de 70 cm. Réservoirs inox sous la banquette tribord (100 l).
  5. Table à cartes : 98 x 64 cm. Nombreux rangements tout autour.
  6. Hauteur sous barrots au pied de la descente : 1,87 m.
  7. Couchette arrière : 1,80 x 0,75 m.
  8. Largeur des passavants : 0,50 m.

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Le symphonie en détails

[caption id="attachment_187451" align="aligncenter" width="500"] La soute bâbord est immense... Notez l’état de surface des parois, plus flatteur que sur bien des bateaux neufs. Derrière l’épaule de Pierre, la toile ouverte sur la cuisine est la huche à pain. © FX de Crécy[/caption] [gallery columns="2" size="medium" ids="187443,187449,187450,187448"]

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Le refit monumental en images

[caption id="attachment_187463" align="aligncenter" width="500"] Le Symphonie dans son jus, lest rouillé, dérive bloquée, lors de sa livraison à Aigues-Mortes. Il était grand temps que quelqu’un s’en occupe. © DR[/caption] [gallery columns="2" size="medium" ids="187462,187454,187461,187453,187457,187456"] [caption id="attachment_187455" align="aligncenter" width="500"] A l’image de ce tableau électrique tout neuf, la totalité de l’électricité a été refaite avec un soin quasi maniaque par Philippe Achard. Il n’y a plus un câble, plus une cosse d’origine. © DR[/caption] [gallery columns="2" size="medium" ids="187458,187452,187459,187460"] [caption id="attachment_187439" align="aligncenter" width="500"] Et voilà, le Symphonie des Comby est reparti pour trente ans… © DR[/caption]

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