Nouvelles

La voile de demain : électrique, hydrogène, lithium, les énergies du futur ?

0 6

Moteur électrique, pile à hydrogène et autres batteries lithium, le monde de la motorisation et de l’énergie en général est en plein bouleversement. La transition écologique va, dans les années à venir, se répercuter sur les technologies utilisées sur nos voiliers. État des lieux.

Vers des contraintes réglementaires ?

LE RESPECT DES ACCORDS de Paris, de la réglementation européenne et des lois françaises qui ne manqueront pas d’être édictées par le législateur pour coller aux enjeux climatiques vont-ils vraiment mettre hors-jeu l’increvable moteur diesel de nos voiliers ? Rappelons-le, contrairement à d’autres moyens de transport beaucoup plus dépendants du pétrole, la marche d’un voilier de croisière autorise une hybridité intrinsèque. Avec d’un côté, l’utilisation du vent, source inépuisable et 100 % décarbonée, de l’autre le recours ponctuel à une énergie mécanique. Que ce soit pour mouvoir l’embarcation en l’absence d’Éole ou pour manœuvrer sereinement dans les ports et au mouillage. Grande vedette du Mets 2023, le salon mondial de l’équipement nautique, la motorisation électrique a clairement le vent en poupe et ouvre une voie intéressante pour l’avenir. Pourquoi ? Déjà, en termes de rendement énergétique au moteur comme à l’hélice, difficile de faire mieux puisque celui-ci atteint les 90% de rentabilité. C’est à dire que la perte d’énergie est minime entre les Watt (la puissance) qui sortent de la source d’énergie (ici un parc batteries, voir le schéma de l’installation) et la force propulsive qui en résulte en bout de chaîne, au niveau de l’hélice. [caption id="attachment_183891" align="aligncenter" width="500"] La motorisation électrique demande un montage rigoureux à réaliser par un professionnel. Le générateur remplace ici l’alternateur du moteur thermique. Enfin, la présence d’une solution hydrogénératrice au niveau du Pod, du sail-drive ou de l’arbre d’hélice, permet une réelle indépendance sur un voilier.[/caption] Des chiffres à comparer avec le rendement énergétique d’un moteur thermique qui est au mieux de 30 %. En effet, plus de la moitié, voire près des deux tiers de la puissance générée par la combustion se dissipent sous forme de chaleur pour actionner les pièces en mouvement du bon vieux Volvo à énergie fossile. Autre avantage, la force de traction (le couple) est imbattable avec une motorisation électrique : le couple moteur maximal est disponible même à bas régime. En gros, la puissance délivrée est élevée et l’accélération immédiate dès que l’on actionne la manette des gaz ! Une particularité bien pratique dès qu’il s’agit de manœuvrer efficacement dans de petits espaces comme entre les pannes d’une marina…

Moteur électrique : une technologie fiabilisée

Enfin, et ce n’est pas rien, la technologie semble également au point. Fabriquer un moteur électrique, on sait le faire et à un prix de revient toujours plus bas. En parallèle, dynamisé par les innovations des constructeurs automobiles, le moteur électrique gagne en fiabilité comme en longévité ! Revers de la médaille, cette solution reste dépendante des progrès « capacitaires » de la batterie qui l’alimente. Si l’arrivée du lithium (NMC ou LiFePo4) a permis des gains de densité énergétique ces dix dernières années, la capacité de stockage de l’énergie et donc l’autonomie restent toujours la grande limite de l’électrique. [caption id="attachment_183892" align="aligncenter" width="500"] Lors de la rénovation du Super Arlequin, nous avons opté pour un moteur Vetus E-Line de 7,5 kW. Crédit : Fx De Crécy.[/caption] Le prix moyen au kWh des batteries lithium, estimé entre 600 et 1 000 €, peut aussi être un frein à l’achat, même si ce prix a tendance à baisser. Sans compter l’impact environnemental de la construction, du recyclage des accumulateurs et de l’origine de l’électricité qui permet de recharger ses batteries. En France, pays où la production  électrique est essentiellement nucléaire, on reste dans les clous d’une maîtrise des émissions de CO 2. En Allemagne par exemple, où l’on brûle majoritairement du lignite, la question peut fâcher… Précisons toutefois que la taille des batteries tend à diminuer à capacité nominale équivalente. Une batterie lithium de 200 Ah fait de nos jours la taille d’une batterie au plomb de 100 Ah. On augmente ainsi la capacité de son parc batteries pour un espace de stockage équivalent. Bonne nouvelle, la tendance devrait se poursuivre dans les années à venir et d’autres solutions sont à l’essai à l’instar de la batterie au silicium ou à électrolyte solide aux rendements énergétiques toujours plus efficaces et à la sécurité accrue.

Quid de la recharge au port ?

Il est aussi important de ne pas perdre de vue les problématiques posées par la recharge au port. En effet, les bornes existant au bout des pannes sont rarement adaptées, tant en tension (volts) qu’en intensité de courant (ampères) aux spécificités d’une motorisation électrique : c’est un obstacle que nous avons rencontré dans la mise au point du système électrique de notre Super Arlequin. Pas mal de chemin reste donc à parcourir si l’on souhaite un jour construire un réseau complet sur le littoral français…

L'hydrogénération intégrée

Reste la solution de l’hydrogénération intégrée dans l’hélice (dans la version Pod ou arbre à hélice classique). C’est ce que proposent de plus en plus fréquemment les grandes marques du secteur à l’image de Torqeedo, Epropulsion, Bellmarine ou encore Oceanvolt. Cette société finlandaise présentait d’ailleurs au Mets son dernier Pod avec hydrogénérateur capable de produire 1 kWh à une vitesse de 6 nœuds. De quoi recharger ses batteries sous voiles sans avoir recours à une recharge régulière à quai. C’est sans doute l’alternative la mieux adaptée à un voilier de taille raisonnable.

L'exemple d'Energy Observer

Pour les unités plus grandes, le recours au « moteur à hydrogène » pourrait prendre de l’ampleur dans les années à venir. Surtout que l’on vient de découvrir en Moselle le plus grand gisement d’hydrogène naturel du monde… Prenons l’exemple du bateau d’exploration Energy Observer qui marche à l’hydrogène. Équipé de plusieurs panneaux solaires (entre 50 et 150 kWh), éoliennes et hydrogénérateurs, ce catamaran d’une vingtaine de mètres est capable de produire son propre hydrogène par électrolyse de l’eau de mer puis de le stocker à une pression de 365 bars dans des réservoirs adaptés. Ils sont capables d’accueillir 62 kg d’hydrogène comprimé (voir schéma). Lorsque les batteries qui alimentent le moteur électrique du bord sont au plus bas, c’est la pile à hydrogène (le générateur du bord) qui prend le relais et recharge les accumulateurs.

Un IMOCA à hydrogène

Plus simple et peut-être mieux adapté à la navigation de plaisance, le projet initié par le coureur britannique Phil Sharp sur son IMOCA, en partenariat avec la société rochelaise Genevos, propose une autre approche. Ici, contrairement au processus décrit plus haut, il s’agit non pas de produire son propre hydrogène – une solution très énergivore – mais bien de le stocker à bord comme on le ferait avec du carburant fossile. Aujourd’hui, c’est un camion-citerne qui vient sur le port se brancher directement au bateau. Demain, il faudra que se développe un réseau de stations d’approvisionnement sécurisé et efficace pour pérenniser ce choix de motorisation écolo. L’installation fonctionne via une pile à hydrogène capable de restituer de la puissance électrique au parc batteries (2 x 105 Ah en 48 V) pour alimenter en énergie un moteur électrique classique. La génératrice pourra aussi prendre le relais pour remplir les batteries de servitude du bord lorsque les sources d’énergie renouvelable sont inopérantes (la nuit, vitesse trop faible pour « hydrogénérer », etc.).

Une autonomie portée à 150 milles

Les 16 kg d’hydrogène compressés à 350 bars répartis dans deux réservoirs permettront au skipper engagé sur une qualification au Vendée Globe 2028 de marcher… de marcher au moteur pendant 5 heures à une vitesse de 5 nœuds, ce qui est le minimum requis par la jauge. Aux dires de Phil Sharp avec qui nous avons pu échanger, l’autonomie serait même de 150 milles à une vitesse comprise entre 4 et 6 nœuds. Un résultat certes encourageant mais qui semble encore insuffisant pour concurrencer à grande échelle les produits dérivés du pétrole… En outre, avec de l’hydrogène compressé à plusieurs centaines de bars, la conception du réservoir comme des systèmes de sécurité (antifuite, ventilation) et du circuit de distribution engendrent des surplus de poids assez considérables. [caption id="attachment_183895" align="aligncenter" width="333"] Sécurité oblige, les réservoirs à hydrogène de l’IMOCA de Phil Sharp sont entièrement étanches et ventilés. Crédit : Olivier Blanchet.[/caption]

Adapter nos comportements

Et qui dit un bateau plus lourd, dit aussi un moteur électrique plus puissant… Rappelons que l’hydrogène est aujourd’hui issu à plus de 95 % de la transformation d’énergies fossiles, même si, à l’image d’Energy Observer, il est possible de produire de l’hydrogène dit vert à partir d’énergies renouvelables. L’équation semble donc terriblement compliquée à résoudre à défaut d’évolution technologique majeure. Le plus simple, à ce jour, consiste à mieux utiliser nos voiles en croisière. Et pourquoi pas, envisager d’autres solutions de sécurité comme le kite de secours en cas de démâtage…

À découvrir aussi :  Le pari fou d’un IMOCA en bois

Comments

Комментарии для сайта Cackle
Загрузка...

More news:

Read on Sportsweek.org:

Yacht club de Dinard
Dart 18
Arcachon Belle Plaisance

Autres sports

Sponsored