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Clermont Foot et ASM : deux modèles économiques différents

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Clermont Foot et ASM : deux modèles économiques différents

« Nous avons multiplié les abonnés par dix. Malheureusement, pour les partenaires, ce n’est pas proportionnel, non. » Ahmet Schaefer en garde tout de même le sourire. La montée du Clermont Foot en Ligue 1 au printemps dernier a généré un engouement populaire que les dirigeants n’attendaient pas à ce niveau, passant de 900 abonnés en L2 à 9.000 cette saison, soit autant que l’ASM. Et les partenaires ne sont pas en reste.

À 302 exactement, ils sont trois fois plus nombreux qu’en L2 et les revenus associés (sponsoring, droits commerciaux, billetterie) ont été « multiplié par 3,5, presque 4 », selon les dires du président.

Celui qui a racheté le club en mars 2019 garde pourtant la tête froide. Il cerne d’emblée les limites d'un modèle économique en partie liées à la configuration du stade Montpied :  « Avec 12.000 à 13.000 spectateurs par match, nous sommes au maximum. Et malgré la montée, nous ne voulons pas exagérer les tarifs. Au niveau sponsoring, tout est vendu aussi, on ne peut pas faire plus. »

Des droits télé plus stables

La seule marge de manœuvre pour progresser dans un avenir proche résiderait dans l’augmentation des droits télé, qui pèsent déjà plus des deux tiers du budget. Là encore, Ahmet Shaefer tempère, échaudé par le fiasco Mediapro et le fameux contrat à 800 M€ par saison parti en fumée avec la faillite de ce partenaire éphémère. Fiasco qui a tout de même entraîné un trou de 700.000 € pour le Clermont Foot à l’issue de la saison dernière. « Nous nous étions engagés sur un niveau de primes qui prenait en compte les retombées du contrat Mediapro et au final, nous avons touché 4 M€ de moins que ce qui était prévu. Mais nous avons tenu nos engagements. »

Ahmet Schaefer. Photo Richard Brunel

En L1, ce fameux contrat aurait rapporté 20 M€ de plus que les 14,5 M€ alloués à la 17e place sur laquelle Clermont base son budget minimum. 20 M€, soit peu ou prou le budget global actuel... Ahmet Schaefer assure pourtant que, le cas échéant, il n’aurait pas cédé aux dérives de la planète foot. « Si nous avions eu ces 20 M€ en plus, nous n’aurions pas tout passé en salaires de joueurs ou commissions d’agents. » À l’inverse d’autres clubs qui tirent des plans sur la comète en misant sur les transferts et des indemnités parfois colossales, mais aléatoires.

Ne pas trop miser sur le capital joueurs

Le capital joueurs, voilà ce qui différencie le modèle économique du football de celui du rugby. Là encore, le Clermont Foot dénote. « Nous avons recruté sans rien débourser cette saison. Nous aimerions garder cette stratégie d’équilibre des comptes avant mutations, même si ça ne marche pas toujours... La vente de joueurs est une source de revenus que nous pouvons gérer nous-mêmes. Nous avons une dizaine de scouts pour recruter, un centre de formation de catégorie 1 pour attirer les jeunes talents, un club partenaire en Autriche. Ce sont des investissements mais cela donne des perspectives de développement au club. »

Le président voit d’un bon œil l’arrivée dans le jeu d’Amazon, qui apporte stabilité et puissance financière. « Amazon peut attendre cinq ou six ans pour arriver au seuil de rentabilité et investir partout en Europe. Ce serait génial. Mais on sait que pour les trois ans qui viennent, les droits télé seront bloqués. »

L'extension du stade Montpied en perspective

À moyen terme, le stade - dont l'extension est programmée - permettra aussi de voir plus grand. Yannick Flavien, conseiller financier du président, résume ainsi les enjeux du projet : « Au-delà de la capacité supplémentaire de spectateurs, le projet comporte des salons et loges qui nous permettront de nous développer. Mais c’est encore un peu lointain, au mieux pour la saison 2024-2025, et que fera-t-on pendant les travaux s’il faut enlever la tribune de 3.000 places ajoutée cet été ? »

Un stade à qui il faut également donner vie en marge du football, via des séminaires et autres. « Nous avons commencé en septembre avec nos installations : le chapiteau et les salons, complète Yannick Flavien. Nous ne nous sommes pas fixé d’objectifs sur ce poste. Nous essayons de ressentir le marché. Nous développons ce secteur avec la Métropole en apportant notre savoir-faire d’organisateur d’événements. Nous avons tous intérêt à ce que le stade vive aussi en dehors des jours de match, pour développer les revenus et continuer à s’ancrer dans le territoire. »

Jean-Michel Guillon, président de l'ASM :« S’appuyer sur des partenaires forts »

Le président de l’ASM Clermont Auvergne, qui a pris les commandes du club après le décès d’Éric de Cromières en juillet 2020, évoque dans cette interview la pandémie et les défis économiques à relever pour son club.Photo Rémi Dugne

L’ASM peut-elle encore grandir ?

« Continuer à croître, c’est une obligation pour toutes les entreprises, sinon, on disparaît. Pour l’ASM, cela veut dire plus de partenaires et de spectateurs. Notre stade a beaucoup évolué. Il y a vingt ans, et même cinq ans, toutes les loges et les salons n’existaient pas. Or cet outil d’hospitalité est la base de notre modèle économique.

Aujourd’hui, cela représente 3.000 personnes à tous les matches. Sur ce plan, nous avons retrouvé au sortir de la crise le niveau que nous avions ces cinq dernières années, mais j’estime à 10 ou 15 % la marge de progression. Le dernier investissement que nous avons fait, au troisième étage de la tribune sud (L’Espace Edouard, en 2019, NDLR) avec des espaces de réception supplémentaires, peut encore être optimisé. Avant-Covid, l’utilisation du stade en dehors des matches générait des recettes d’environ 600.000 € (2 % du budget). On peut viser le million d’euros. »

Croître passe aussi par un stade plus grand ?

« Non, nous avons un stade de 19.000 places que je considère bien dimensionné. C’est un atout, mais aussi une charge car nous sommes propriétaires. En entretien et autre, cela représente 3 M€ par an, auxquels j’ajoute 1 M€ pour le centre d’entraînement. Pour l’instant, en dehors des matches, le stade est loin de rapporter 3 M€ par an. Équilibrer ce poste peut être un objectif à moyen terme mais nous en sommes loin. »Photo Rémi Dugne

Quelles sont vos pistes de développement ?

« Il y en a plusieurs. L’ASM Expérience, mais aussi le restaurant l’En But (déjà complet à tous les matches cette saison) et les boutiques de l’ASM (gérées par le partenaire Otago), tout cela peut générer des recettes. Les boutiques dépendent de nos résultats sportifs, mais nous sommes déjà une marque reconnue sur le plan international. Avec l’outil digital, nous avons la possibilité de viser un public beaucoup plus large. Chaque élément du stade peut encore être enrichi, y compris le parvis. On peut aussi envisager une exploitation de l’enceinte plus importante, comme à Lyon ou Paris, mais eux ont choisi une pelouse synthétique car le dernier secteur de croissance du stade, c’est la pelouse. Mais là, on se retrouve en porte-à-faux avec le sportif, pour qui le tout synthétique est moins intéressant (la pelouse du stade Michelin est hybride, NDLR). »

Pour vous, c’est une option ?

« La question d’exploiter davantage le terrain, pour des concerts et autres, n’est pas d’actualité. Nous avons accueilli Europavox en 2021. C’était une belle expérience pour les artistes. Il ne faut pas que cela reste un « one shot » mais nous n’avons pas résolu la question clé de l’organisation de concerts sans remettre en cause l’outil sportif. Pour nous, le stade et l’ASM ont une dimension économique, mais aussi sociale et sociétale. Nous générons une activité commerciale mais il nous faut aussi redonner au territoire qui nous fait vivre. C’est déjà une réalité avec l’ASM omnisports, mais nous, club, devons recevoir les écoles de rugby du secteur, elles doivent pouvoir utiliser cet outil-là (début octobre, l’ASM a reçu les écoles de l’agglomération, NDLR). »

Quel impact a eu la crise Covid ?

« Sur une année normale, nous avons un budget de 32 M€ équilibré. Sur 2020-2021, nos revenus ont chuté de 50 % à 17 M€ ! Nous étions à -9 M€ en fin d’exercice. Nous avions 8 M€ de fonds propres. Avec un PGE (prêt garanti par l’Etat) de 7,9 M€ qui nous a donné de la trésorerie pour rembourser les partenaires, des exonérations de charges sociales pour 1 M€ et aujourd’hui le fonds de solidarité pour le sport qui devrait avoisiner les 5 M€ au total, cela donne tout de même un trou de 3 M€ qu’il va falloir rembourser. Nous étions toujours à l’équilibre, c’est un nouveau défi. Si nous étalons sur trois ans, il faudra tout de même ressortir 1 M€ par an dans un contexte de redémarrage qui pose encore question. »

L’affluence au stade, notamment, a baissé ?

« Avant le Covid, nous étions à 10.000 abonnés, dont 3.000 pour les entreprises. Ces 3.000, nous les avons retrouvés pour cette saison. Nos partenaires sont solides et fidèles. Mais nous avons seulement 6.000 abonnés particuliers contre 7.000 avant-crise. Nous travaillons pour les regagner, notamment via les jeunes et le public féminin, qui représente déjà 25 %. Nous voulons aller plus loin. »

La concurrence du foot se fait-elle sentir ?

« Elle n’a pas joué sur les partenaires – nous en avons perdu trois, modestes, sur 530 – et pas vraiment sur les abonnés. La concurrence va peut-être jouer sur les places au match. À nous d’être attractif. Nous le faisons en améliorant l’expérience au stade. »

Les droits télé du football font rêver ?

« Dans notre budget, cela représente 17 %. On voudrait toujours plus, mais je considère que pouvoir s’appuyer sur des partenaires forts et un territoire est beaucoup plus sain qu’un pourcentage de droits télé trop important. »

Patrice Campopatrice.campo@centrefrance.com

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