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Portrait : Lamine Diack, de l’omnisports à l’omniprésence

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Après cinq ans de résidence surveillée en France, Lamine Diack, 87 ans, a signé son retour lundi soir au Sénégal. Footballeur, athlète, entraîneur, dirigeant sportif, homme politique, les casquettes de Lamine Diack ont été nombreuses ces 60 dernières années, avec comme fil commun : une ascension fulgurante. En démissionnant du CIO, son dernier mandat international, il met fin à un parcours qui a failli s’interrompre brutalement en 1980. Alors maire de Dakar, il avait dû démissionner après des accusations de mauvaise gestion.
Portrait : Lamine Diack, de l’omnisports à l’omniprésence
« Courtois mais avec un franc-parler que l’athlète français Michel Jazy résume à « celui qui dit tout ce qu’il pense au point de choquer » ». C’est ainsi que Mamadou Koumé, journaliste et enseignant formateur au Cesti, la principale Ecole de journaliste en Afrique de l’ouest, dessine les contours de Lamine Diack, qu’il dit connaître « depuis 1979 ».

Influence familiale

Né en 1933 dans le très populaire quartier de Rebeuss, où la maison familiale des Diack est mitoyenne de la célèbre prison qui porte le nom du quartier de Dakar, Lamine Diack a toujours été un passionné de sport. « C’était un touche à tout », renseigne Mbaye Jacques Diop, un proche de celui qu’il appelle toujours « le président Diack ». Le jeune Lamine pratique du football, de l’athlétisme, du volley-ball et du basket. Dans une famille où la réussite scolaire est érigée en valeur cardinale, le jeune Lamine Diack inquiète. Quand l’un de ses frères conditionne l’obtention de bonnes notes à la poursuite de sa pratique du sport, « il décroche une moyenne de 14 », sourit Mbaye Jacques Diop.

Alliant sport et études après le bac, Lamine Diack est champion de France de saut en longueur en 1958, avant un diplôme à l’Ecole nationale des impôts de Paris, en plus d’une licence en droit public. Une fois de retour au Sénégal, le jeune diplômé devient inspecteur des Impôts et Domaines dans l’administration. Ce n’est pas pour autant qu’il tourne le dos à sa passion pour le sport, avec le soutien désormais de sa famille. En mettant en exergue la présence trop encombrante de sa famille à ses côtés à la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), à travers ses deux fils (Pape Massata et Khalil), l’actualité récente montre une constance chez Lamine Diack : « il a toujours été très famille », pour Mbaye Jacques Diop au point de développer une forme de mimétisme. Quand l’un de ses frères est devenu le premier président de la Fédération sénégalaise de Football en 1960, l’autre s’activait pour la mise en place de la nouvelle fédération sénégalaise d’athlétisme. « Je pense que cela a joué dans sa trajectoire », poursuit ce proche de la famille Diack.

Diack, le réformateur

Pour ce faire, Lamine Diack a d’abord embrassé une carrière d’entraîneur de football au foyer France-Sénégal en 1963, l’ancien grand club sénégalais devenu par la suite le Diaraf de Dakar. De 1964 à 1968, il est nommé Directeur technique national du football sénégalais. C’est ainsi qu’en 1968, il fait partie du trio avec Joe Diop et Mawade Wade, qui a dirigé l’équipe du Sénégal à la Coupe d’Afrique des Nations en Ethiopie. « Le Sénégal fut éliminé de justesse après une victoire, un nul et une défaite mais la compétition fut marquée par la mise en place, révolutionnaire à l’époque, de la défense en ligne », se souvient Mamadou Koumé.

Lamine Diack, un réformateur ? L’histoire du football sénégalais le retient comme tel à travers « la réforme Diack ». « En 1969, comme ministre des Sports du président Senghor, il fait adopter la loi instituant le regroupement de petits clubs pour en faire de fortes équipes, capables de rivaliser sur le plan continental », explique Mamadou Koumé. Toujours à cheval entre les deux disciplines, Lamine Diack va revenir à l’Athlétisme comme président de la fédération sénégalaise et cofondateur de la Confédération africaine d’athlétisme en 1973 à Lagos.

Scandale à la mairie de Dakar

Avec le sport comme rampe de lancement, Lamine Diack poursuit son ascension politique, en étant élu maire de Dakar de 1978 à 1980, malgré l’opposition de certains cadres de la direction du Parti Socialiste du président Senghor. « Il était devenu potentiellement présidentiable en concurrence avec Abdou Diouf, avec sa forte popularité en tant que responsable de la première coordination de Dakar. Certaines pontes du régime socialiste craignaient son ascension et avait créé une coordination dissidente, financée par les familles libano-syriennes installées à Dakar comme les Bourgi », renseigne un membre influent du PS de l’époque, sous le sceau de l’anonymat.

Coïncidence ou pas, après deux ans à la mairie de Dakar, Lamine Diack est débarqué après des accusations de mauvaise gestion financière. « J’étais jeune journaliste, une source m’avait indiqué que Lamine Diack allait être relevé de son poste de maire parce qu’il y avait eu un problème de gestion. ». En clair, il était accusé de détournement de deniers publics. « C’est une accusation qui ne tenait pas, plaide Mbaye Jacque Diop. C’était purement politique. » Quand Lamine Diack est élu maire en 1978, il fallait une autorisation du préfet pour exécuter le budget. « En tant que président du Conseil municipal et maire, Lamine Diack était sous l’autorité du préfet. Toutes les décisions devaient être approuvées par le préfet avant exécution », précise anonymement le responsable socialiste.

Recours de l’opposition sénégalaise

Toujours est-il que l’affaire n’a pas arrêté l’ascension politique de Lamine Diack. Il a été réélu député et a fini même par « devenir le vice-président de l’Assemblée nationale sénégalaise jusqu’en 1993 », rappelle Mamadou Koumé. Parallèlement à cette omniprésence dans les postes de décision au Sénégal, Lamine Diack construisait une carrière internationale. Après la présidence de la confédération africaine d’Athlétisme à partir de 1973, il intègre le Comité olympique national en 1974, avant de le présider de 1985 à 2002. En 1987, il devient vice-président de l’IAAF et en 1991, il en est le premier vice-président, fonction qui le propulse à la présidence de l’instance internationale à la mort de Primo Nebiolo, en 1999.

La stature internationale que lui a conféré ce poste en avait fait un sérieux recours pour l’opposition sénégalaise en 2011. En effet, son nom a circulé comme probable candidat à la présidentielle sénégalaise de 2012, quand l’opposition sénégalaise avait du mal à s’unir contre l’ambition donnée à l’ancien président Abdoulaye Wade de faire de son fils Karim, son successeur à la tête du pays. « Le Sénégal n’est pas le Togo (en référence aux successions dynastiques dans ce pays, ndlr)», avait-il stigmatisé le projet présumé des Wade. « Je lui avais conseillé de ne pas y aller », confie Mbaye Jacque Diop. Lamine Diack avait finalement rétropédalé, en déclinant l’offre d’une partie de l’opposition et de la société civile sénégalaise, pour se concentrer sur l’IAAF.

Bilan mitigé pour l’Afrique

Sous sa présidence, la Fédération internationale d’athlétisme « a lutté contre le dopage avec des résultats probants », note Mbaye Jacques Diop. Ce dernier prend en exemple « les médailles retirées à Marion Jones, les suspensions de l’américain Tyson Gay et du Jamaïcain Asafa Powell » dans la discipline reine qu’est le 100m. « Les accusations de corruption pour cacher le dopage de certains athlètes, me semblent être du menu fretin », pour Mamadou Koumé, qui n’épargne cependant pas son entourage dans les dérives indexées. Reconnaissant le rapport publié par l’Agence mondiale antidopage comme « accablant », Mbaye Jacques Diop jure pourtant qu’il croirait « à l’honnêteté et à l’éthique du président Diack jusqu’à l’extinction du soleil » (sic).

Dans ce concert de louanges, une voix dissonante résonne comme une fausse note, pour évoquer la « gravité » des accusations. « Au Sénégal, on le présentait comme Dieu. Le réveil est dur car les révélations des derniers jours montrent qu’il a des failles », juge anonymement un journaliste sportif sénégalais. Décrit comme « un défenseur acharné de l’Afrique », Lamine Diack n’a pourtant pas réussi durant les 15 ans de sa présidence à l’IAAF, à organiser les Mondiaux d’athlétisme dans son continent d’origine, contrairement à l’Asie qui en a accueilli trois (Osaka, Japon en 2007 ; Daegu, Corée du Sud en 2011 et Pékin, Chine en 2015).

Résumant le Maroc et l’Afrique du Sud comme principales candidatures crédibles en Afrique pour accueillir de pareilles compétitions, Mamadou Koumé rappelle que le pays de Mandela a « organisé la Coupe du monde de footaball ». Ce n’est pas l’une des seules réalisations de Lamine Diack qui, dès 1973, s’est toujours « prononcé contre l’intégration du régime de l’apartheid de l’Afrique du sud dans les instances internationales d’athlétisme ».

Condamnation

Après sa mise en examen par la justice française suivie de sa suspension provisoire, le 10 novembre, par le Comité International olympique, Lamine Diack a démissionné ce mercredi de son poste de membre honoraire du CIO. Après les avoir conquis un par un, l’ancien président de l’IAAF a perdu ses différents postes. Pour sa carrière, Lamine Diack avait tout sacrifié, y compris sa jeunesse qu’il considérait ne pas savoir si jeunesse était synonyme de virées nocturnes et de fêtes.

Il a été condamné en septembre 2020 par la justice française à quatre ans de prison, dont deux ferme, pour son implication dans un réseau de corruption destiné à cacher des cas de dopage en Russie, en plus d’une amende de 500 000 euros, soit 327 millions FCfa.

Mais son retour au bercail était imminent depuis que l’Asc Jaraaf, club médinois qu’il a eu à diriger, a payé une caution de 327 000 000 FCfa afin que la mesure d’interdiction de quitter le territoire français à son encontre, soit levée. Son arrivée au Sénégal annoncée, depuis plusieurs jours, a fait l’objet de plusieurs reports, pour cause de formalités et de procédures administratives.

Lamine Diack n’a pas donné suite à nos sollicitations dans le cadre de ce portrait.






"Le Soleil"



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