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Escrime, mölkky et ultimate frisbee derrière les barreaux de la maison d'arrêt de Tulle

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Escrime, mölkky et ultimate frisbee derrière les barreaux de la maison d'arrêt de Tulle

Un fond de reggaeton résonne entre les murs de la petite cour. Sur l’herbe jaunie, ils sont dix à se faire face. Passes courtes, longues, en profondeur… Les disques en mousse fusent de tous les côtés.

« L’ultimate, je n’avais jamais essayé. Bon, bien sûr, j’ai fait du frisbee à la plage comme tout le monde », confie Jimmy entre deux exercices. Plutôt musculation que mölkky et frisbee, comme sa carrure le laisse deviner, il n’a pas hésité une seconde à s’inscrire à l’activité. « Si tu passes 24 heures en cellule sans sortir, sans faire de sport, c’est très mauvais mentalement. Pour retrouver un équilibre et se projeter dans le futur, c’est très important. Et quand on retourne en cellule après, on a juste envie de manger et dormir, pas de s’embrouiller avec les surveillants. »

Sabres et fleurets en plastique

Problèmes d’espace, sécurité, entente entre les détenus… Proposer des activités sportives peut vite prendre l’allure d’un casse-tête en détention. D’autant plus à la maison d’arrêt de Tulle, « petite structure qui manque d’installations sportives », reconnaît Thierry Jouffroy, le chef d’établissement. Convaincu par les multiples bienfaits du sport pour les détenus, il se démène depuis son arrivée en 2018 pour en multiplier l’offre. « On fait avec ce qu’on a, mais on fait », résume-t-il.

« Bon les sabres et les fleurets sont en plastique bien sûr, mais réussir à faire entrer du matériel d’escrime dans une maison d’arrêt, c’est génial?! »

Et même un peu plus cette semaine. Exceptionnellement, les détenus ont pu s’essayer au mölkky, au rugby touch et à l’ultimate. Suivront boxe et escrime aujourd’hui et demain. « Bon les sabres et les fleurets sont en plastique bien sûr, mais réussir à faire entrer du matériel d’escrime dans une maison d’arrêt, c’est génial?! » Le tir à l’arc, évoqué un instant, n’est finalement pas au programme.Thierry Jouffroy, le chef d’établissement

« Je voulais éviter l’accident », glisse celui qui envisage des activités hors-les-murs. Des sorties VTT, « pourquoi pas?? » Déjà vu au préalable et gage évident de confiance pour les détenus. Un mot très important à ses yeux. « Quand l’uniforme bleu s’efface, il y a moins de problèmes. »

Une forme d'échappatoire

La maison d’arrêt de Tulle est la seule labellisée en Nouvelle-Aquitaine pour l’événement national « Sentez vous sport ». « Faire connaître d’autres pratiques sportives en détention, c’est super », se réjouit Emmanuelle Roux, directrice de Profession sport Limousin et du comité olympique de la Corrèze, partenaire de l’opération.Les prévenus ont eu une semaine sportive à la maison d' arrêt de Tulle

Inculquer des règles de vivre ensemble, transmettre des valeurs, diminuer les incidents quotidiens, offrir une forme d’échappatoire… Les arguments pleuvent. Et sont validés par les détenus, nombreux à se jeter sur les feuilles d’inscription.

« Plutôt que de péter un câble, le sport nous permet d’évacuer la haine qu’on a en nous. »

« Plutôt que de péter un câble, le sport nous permet d’évacuer la haine qu’on a en nous. Le sport nous permet d’être plus sereins », assure Steven. Amateur de sports de combat, tout à fait apte à sortir un salto entre deux passes au frisbee, il s’est aussi essayé au mölkky cette semaine. Et loin de tous clichés, il concède s’être pris au jeu. « C’est technique, on est obligé de se concentrer et donc de penser à autre chose. »

Le sport plutôt que les traitements

Quant aux conflits qui couvent entre détenus, ils s’apaisent. Au moins le temps d’une matinée. Sur le groupe de participants à l’activité ultimate frisbee, certains sont des « détenus vulnérables », acceptés au moins le temps de l’exercice.Dominique Rivière, médecin. « Les détenus plus âgés ou vulnérables avaient tendance à ne pas sortir de leurs cellules. À peine en promenade », explique Thierry Jouffroy. Trois ou quatre se sont laissés guider par le moniteur de sport puis, le bouche à oreille faisant sont œuvre… « L’unité sanitaire nous le confirme, quand ils font du sport, ils sont moins dans la demande de traitement », assure le chef d’établissement. Une victoire qui le conforte dans sa vision. « Une personne enfermée 20 heures sur 24 a besoin de quelque chose pour s’évader, il n’y a pas vraiment le choix. »

Ils racontent leur Noël à la maison d'arrêt de Tulle (2018)

« Le tout, c'est de s'évader »

Au préalable de chaque activité sportive de la semaine, le médecin de la maison d'arrêt, Dominique Rivière, se penche 45 minutes sur les questions d'addiction et partage un moment d'échange avec les détenus. Lui-même marathonien et porteur d'une parole « politiquement incorrect » quand il n'est pas en prison, le médecin se satisfait de l'initiative. « L'idée est très intéressante. Beaucoup de détenus ont une addiction à quelque chose de plus ou moins légal. J'essaye d'expliquer que l'addiction au sport est la meilleure. »

Sans négliger les questions d'excès, de dopage et de culte de la performance. « Le tout c'est de s'évader sans devenir esclave de son addiction », professe-t-il, philosophe. « Chaque individu reste fondamentalement libre. »

Robin Bouctot

Photos : Agnès Gaudin

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