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Pour l'Orléanaise Justine Legrand, l'équitation est plus forte que le handicap

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Pour l'Orléanaise Justine Legrand, l'équitation est plus forte que le handicap

Des béquilles posées par terre, à deux mètres et des poussières de la carrière de sable où Justine Legrand et son cheval entament leurs pas de deux.

Le centre équestre de la Champagne, à Traînou, s’étire sous le soleil du matin?;les oiseaux chantent le printemps et le calme de la forêt d’Orléans. Vancouver, hanovrien de huit ans, alterne tours et diagonales avec l’indifférence altière des princes?; dessus, dans son blouson marine à col de fourrure, Justine paraît minuscule. Fée Clochette concentrée et heureuse, quoique son visage fermé n’en montre rien. Sauf à la fin : "C’est bien, Doudou, c’est bien !"

Une paire de cordes vocales ne raconterait pas mieux Justine que ces deux béquilles ; elles trahissent ses derniers mois, disent son présent, esquissent l’avenir. Jusqu’à l’été 2024. Jusqu’à Paris, ses jeux Paralympiques et son concours de dressage, au château de Versailles. Six minutes d’osmose et d’élégance absolues desquelles, cavalière autant qu’alchimiste, la jeune femme veut tirer de l’or, et sans doute plus encore : prouver ; donner ; redonner…

"Accident de moto ? De scooter ?""Non, un chien !"

L’objectif est tellement gigantesque que la genèse de l’histoire n’en est que plus invraisemblable, presque saugrenue : sans la course d’un labrador qui, en mai 2018, carambole sa jambe gauche comme une quille, Justine ne rêverait ni de Jeux ni de médaille ; elle serait sans doute sur le tournage d’un film, ou d’une série, en régie. Comme avant. Au centre de rééducation du Coteau, à La Chapelle-Saint-Mesmin, qui voulait bien la croire quand à "accident de moto ou de scooter ", elle répondait : "Non, un chien !"

Elle réclamait d'être amputée

Douloureuse, évidemment, la suite du choc l’a été d’autant plus que les diagnostics sont longtemps restés incertains. Claquage au mollet ? Entorse ? S’en sont suivis deux ans de tergiversations, quasiment, de béquilles et de fauteuil roulant, de vie sociale fissurée, aussi, jusqu’à ce qu’une amputation transtibiale soit préconisée. Mais en décembre encore, Justine devait "se battre" pour obtenir d’être enfin opérée : ce sera le 14 janvier, à Tours.

Il faut depuis réapprendre plus que son corps et ce moignon qui "diminue de semaine en semaine", la marche et le monde. Mais qu’importe : le soulagement surpasse tout le reste. Pour Justine, qui sait où elle veut aller, ce pied perdu est aussi une force supplémentaire : l’assurance d’un nouveau départ, le gain d’une autre existence, le premier jour du reste de sa vie. "Car quand on aime la vie…"

"Il faut voir son sourire au petit-déjeuner?!"

La maman de Justine Legrand

Et Justine l’aime, sa vie. Encore plus depuis une semaine que Vancouver du Hans, perle noire trouvée à Colmar, aux Écuries du Dachsbuhl, est venu l’emplir de ses 600 kg. "Il faut voir son sourire au petit-déjeuner !" Mots croisés d’amour et de fierté d’une mère qui, pourtant, a peur des chevaux. "Mais pas de celui-là !"

Quand je l’ai essayé, j’ai senti la gentillesse de Vancouver. On a parlé tous les deux, et en trois minutes, il s’est décontracté… Il est très doux, très sensible, il essaie de comprendre très vite. Mais c’est un cheval qu’il ne faut pas trahir !

"Je suis complètement gaga, admet Justine. Le soir, Vancouver me manque, et le matin, je suis impatiente de le retrouver !" Elle admet son coup de foudre, si ses caresses et ses câlins ne suffisaient pas à le comprendre : "Quand je l’ai essayé, j’ai senti sa gentillesse. On a parlé tous les deux, et en trois minutes, il s’est décontracté… Il est très doux, très sensible, il essaie de comprendre très vite. Mais c’est un cheval qu’il ne faut pas trahir !"

60.000 euros pour un ado

C’est grâce à ses parents, à sa famille, que Justine Legrand a pu l’acquérir, pour 60.000 euros ; presque le tiers du budget qu’elle s’était imaginé devoir consacrer à "un cheval médaillable". "Un truc génial se crée, qui m’emplit de joie tous les jours. Être propriétaire, c’est une garantie pour moi : je suis entièrement décisionnaire. À huit ans, Vancouver n’est encore qu’un ado. Dans trois ans, il sera en pleine force de l’âge !"

Alex Lutz et la maman de Marion Cotillard 

Quand bien même l’idée initiale ne s’est pas concrétisée (l’acteur et humoriste installé à Orléans avait pensé lui confier l’un de ses chevaux), Alex Lutz a assuré Justine Legrand de son engagement auprès d’elle : "Il souhaite continuer à être le parrain du projet."Soutenue également par plusieurs amies comédiennes, l’Orléanaise a aussi obtenu de Niseema Theillaud, la maman de Marion Cotillard, elle-même actrice, de présider "A cheval pour une vie meilleure", l’association qu’elle a créée en octobre et qui vise "à surmonter ou vaincre le handicap avec l’aide du cheval. L’équithérapie est encore très méconnue dans la région". Niseema Theillaud, qui reste très attachée au département du Loiret, et qui avait sympathisé avec Justine lors du tournage, a été séduite par cette idée généreuse. Des sweat-shirts à l’effigie de l’association sont d’ores et déjà en vente, et un site Internet dédié devrait être mis en service le mois prochain. D’ici là, les dons sont possibles.

Justine, mikado de 37 ans et d’à peine plus de 40 kilos, a la voix grave et le regard profond, et des plissures insoupçonnées?; on croit tout savoir de son parcours et de ses méandres, sa naissance en Colombie, son adoption par un couple d’Orléanais, ses difficultés scolaires, sa passion de toujours pour les chevaux ("elle savait à peine marcher qu’elle montait déjà à poney", témoigne sa maman) jusqu’à passer le monitorat?; son goût des autres et des voyages. Et pourtant, voilà qu’elle trouve un nouveau pan d’elle à dévoiler : "Vancouver, où j’ai passé un peu plus d’un an, est ma ville idéale. Quel clin d’œil !"

Un projet fédérateur

Ce petit bout de femme impressionne : s’imprégner des codes du dressage après n’avoir jamais concouru qu’en saut d’obstacles ne saurait lui suffire. Justine a tant de détermination, tant de persuasion, aussi, qu’elle a fait d’un projet a priori individuel un vrai défi collectif.

De bon cœur, ses proches se sont laissés entraîner?; mais aussi réfléchie soit-elle, Justine ne laisse personne de côté, fédérant autant les malades croisés sur son chemin que les professionnels de santé qui ont veillé sur elle, jusqu’à l’équipe qu’elle a constituée. "Pour être la meilleure, répète-t-elle, il faut s’entourer des meilleurs !"

"C’est un honneur de faire partie de l'équipe de Justine et d’avoir toute sa confiance."

"C’est un honneur de faire partie de cet ensemble et d’avoir toute sa confiance", ressent Nordine Attab. "Quelle belle aventure humaine, complète Élodie Lambolez, qui veille sur les Écuries de la Champagne. On grandit tous, on apprend tous les uns des autres…"

Avec Brice, son associé, Nordine Attab, le complice de Michel Cymes, au Magazine de la Santé, sur France 5, veille à la préparation physique de Justine. "Deux ou même trois fois par semaine. Physiquement et mentalement, c’est une telle force de la nature qu’il faut la freiner !"

Nordine, s’il cherche avec Justine les exercices les plus appropriés à son corps et à sa discipline, doit insister : "La performance est aussi dans la récupération". "Mais 2024, c’est demain !", martèle Justine, qui doit apprendre à accorder exigence et patience. "J’ai la bougeotte qui est revenue !" Signe supplémentaire, s’il était besoin, qu’elle va bien. "Hyper bien. Je suis sereine et passionnée !"

Première échance : les championnats de France de paradressage, à Saint-Lô, en novembre

Sa première échéance est fixée en novembre : "À Saint-Lô, aux championnats  de France de paradressage". "On aura alors notre plan de travail pour l’hiver."

Entraîneure de Justine et de Vancouver, Élodie Lambolez ne veut rien brusquer, qui préconise "deux ou trois mois d’adaptation l’un à l’autre. Il faut prendre le temps que tout se connecte gentiment." Le travail, avec Justine, est avant tout "technique. Elle sait monter à cheval ; elle a le physique…" Alors tout en douceur, elle observe Justine, et encore plus Vancouver. "Il faut beaucoup écouter les chevaux…"

Justine avance, au pas, tours et diagonales, et avec elle, son projet olympique. Hier, sa prothèse définitive lui était posée. Au grand dam de ses béquilles, désormais sans plus aucune utilité…

Pascal Bourgeais

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