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Pourquoi la ferme France est en plein plongeon

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Pourquoi la ferme France est en plein plongeon

Sénateur (LR) de Haute-Loire, producteur laitier et ancien responsable agricole, Laurent Duplomb décrypte le rapport sur la perte de compétitivité de l’agriculture tricolore. Un nouveau rapport qui vient après un premier en 2019, intitulé « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? » et qui lançait déjà l’alerte.

Comment avez-vous procédé pour prolonger ce premier rapport ?

Nous nous sommes dit, avec les deux autres co-rapporteurs, Serge Mérillou (sénateur socialiste de Dordogne) et Pierre Louault, (sénateur centriste d’Indre et Loire), que la meilleure façon de prolonger ce premier rapport, qui se voulait plus macroéconomique, était de prendre cinq filières emblématiques dans la consommation des Français : la pomme, la tomate, le poulet, le lait et le blé et de les expertiser dans le moindre détail. Ce qui signifie pour la pomme : la pomme à couteau, le cidre, la compote et ainsi de suite. Bref, la filière dans sa globalité.

Qu’avez-vous découvert ?

Très vite, nous nous sommes rendus compte que ces cinq filières avaient toutes un problème principal : un manque de compétitivité qui explique à 70 %, selon la Cour des comptes, notre baisse de production.

En fait, dans toutes ces filières, cela se traduit pour un certain niveau de pourrissement de la compétitivité. Très élevé pour la tomate alors que d’autres, comme le lait, restent encore compétitives.

Dans le détail, comment se traduit cette perte de compétitivité ?

Prenons l’exemple de la pomme. Il y a dix ans, nous exportions 700.000 tonnes. Aujourd’hui, nous n’en exportons plus que 350.000 tonnes. Bref, un chiffre divisé par deux. Et nous importions 100.000 tonnes il y a dix ans, nous en importons aujourd’hui le double.

Quelle réalité se cache derrière ces chiffres ?

Comme nous nous sommes concentrés sur la montée en gamme, une pomme française coûte 1,18 € à produire quand une pomme polonaise revient à 53 centimes. Ce qui fait que les Polonais nous ont pris toutes les parts de marché perdues à l’export. Ça, c’est le premier effet. Le deuxième, c’est que même à l’intérieur de la consommation française, quand tu as un produit très cher, les gens soit limitent leurs achats soit privilégient des pommes meilleur marché, des Polonaises vendues moitié prix. Le troisième effet de concentrer la production sur le haut de gamme, synonyme de baisse de nos exportations, c’est que nous avons du coup moins de pommes déclassées pour faire de la compote et du jus.« Quasiment 100 % du jus consommé en France est produit avec des pommes d’importation », dit Laurent Duplomb.Avec des conséquences en cascade ?

Oui, quasiment 100 % du jus consommé en France est produit avec des pommes d’importation. 

Sur la compote, dont les ventes ne cessent d’augmenter dans notre pays, une pomme sur trois est polonaise.

Et dernier paradoxe, avec la surtransposition des normes, là où un Polonais bénéficie d’un catalogue de 450 molécules, un pomiculteur français n’en a plus que 300.

Pour vous, c'est donc incohérent ?

Oui, car à travers les compotes, nous faisons manger à nos enfants les 150 molécules que nous avons interdites chez nous. Prises individuellement, ces interdictions peuvent paraître justifiées. Mises bout à bout, elles conduisent à une impasse technique et à une perte de compétitivité.

Quelles sont les autres filières étudiées en grande difficulté ?

La tomate où le Maroc est en train, grâce à des droits de douane très favorables, de capter de plus en plus de parts de marché sur tous les segments. À l’image du haut de gamme, la tomate cerise, où les Marocains sont passés de 300 à 70.000 tonnes. En poulet, les importations représentent désormais 50 % de notre consommation.

Le constat est sombre…

Il y a deux risques majeurs. Le premier est de créer deux catégories de consommateurs. Avec d’un côté, les 20 % les plus aisés qui pourront se payer des produits locaux. Et les 80 % restants qui seront condamnés à manger des produits importés. Enfin, cela pose aussi la question de notre souveraineté alimentaire, que l’on croyait acquise, ce qui est très dangereux dans un monde aussi incertain qu’aujourd’hui.

Que préconisez-vous ?

L’agriculture française a besoin d’un vrai choc de compétitivité. Nous proposons notamment la création d’un poste de haut-commissaire à la compétitivité chargé de la mise en œuvre d’un plan mais aussi la création d’un livret agricole, sur le modèle du livret A, afin de lever des fonds pour favoriser l’investissement.

Propos recueillis par Dominique Diogon

Photos : Rémi Dugne et Stéphanie Para

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