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PLF 2026 : faux sérieux et danse du ventre avec le PS

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Je pense qu’on se souviendra longtemps du mardi 14 octobre 2025, car c’est le jour où le quatrième Premier ministre de la France en treize mois a promis que la « crise de régime n’aura pas lieu« . Dans l’instant, soulagement indicible, pleurs de joie, farandoles et colliers de fleurs lancés à la gloire de cet homme d’État plein de grandeur et de sagesse, qui a su faire passer les intérêts supérieurs du gouvernement au-dessus de ceux de l’avenir des Français au nom de la stabilité, du compromis et de la conservation des privilèges de quelques-uns.

Je veux bien sûr parler de Sébastien Lecornu. À peine avait-il annoncé dans son discours de politique générale que la réforme des retraites de 2023 serait suspendue jusqu’à la prochaine élection présidentielle que les députés socialistes se sont mis à l’applaudir frénétiquement, eux qui ont plus l’habitude de fustiger l’ultralibéralisme cataclysmique de tout ce qui se situe à leur droite.

Puis on a appris que les taux d’emprunt à dix ans du Trésor étaient tombés à 3,41 % vers 16 h 40 contre 3,47 % la veille. Et ensuite, un responsable du FMI faisait opportunément savoir que la situation d’endettement de la France ne mettait pas en péril la stabilité financière européenne. Le pays va certes devoir emprunter 310 milliards d’euros en 2026, mais finalement, par rapport au PIB, ce n’est pas plus qu’en 2025, et beaucoup moins qu’au cœur de la crise du Covid !

On s’est vraiment fait peur pour rien ! Les marchés ne bronchent pas, preuve s’il en est que notre modèle social, celui que le monde entier nous envie, est non seulement juste mais hautement justifié. La vie est belle, on peut continuer comme avant et Lecornu est notre guide, youpi tralala !

Enfin, presque. Car si la #LecornuMania ne faiblit manifestement pas au sein du bloc central de l’Assemblée nationale et si le Parti socialiste (PS) d’Olivier Faure, séduit par la danse du ventre de Sébastien Lecornu sur les retraites, a confirmé qu’il ne censurerait pas le gouvernement à l’issue de cette première phase, tant le Rassemblement national (RN) que La France insoumise (LFI) ont déposé des motions de censure qui seront examinées dès jeudi au palais Bourbon. La sacro-sainte stabilité ne tient en réalité qu’à un fil.

Le nouveau Premier ministre n’a pourtant rien négligé pour attirer la gauche dans les filets de son Projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Ce n’est qu’une ébauche, vous comprenez, un premier jet, qui n’attend plus que les délicieux amendements des parlementaires. Oh, bien sûr, il est écrit que le déficit public serait ramené à 4,7 % du PIB (contre 5,4 % en 2025 et 4,6 % dans la trajectoire 2026 de François Bayrou). Mais on ne va pas chipoter pour quelques dixièmes, on pourrait aisément aller jusqu’à 5 %, histoire d’intégrer les mesures de justice fiscale bruyamment réclamées par le PS.

Et puis si l’on oublie cette autre danse du ventre bercynoise qui consiste à chiffrer les grandeurs des finances publiques par rapport à leur « tendance naturelle » plutôt qu’à leur montant de l’année précédente, force est de constater que la réduction du déficit public envisagée entre 2025 et 2026, soit 17 milliards d’euros (sur 160, c’est déjà assez ridicule en soi), dépend fort peu du côté dépenses, qui se stabilise en déflaté mais ne baisse pas, et beaucoup de l’accroissement des prélèvements obligatoires.

Je ne détaille pas plus, puisque tout peut changer, tout peut empirer. Olivier Faure a déjà dit qu’il allait proposer la taxe Zucman par amendement.

Mais sachez que dans son avis rendu le 9 octobre dernier, le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) de la Cour des comptes considère que :

  • « La hausse très modérée prévue pour les dépenses publiques (+0,2 % en volume) est une cible très ambitieuse au regard du passé. »
  • « Tenir la cible d’évolution des dépenses exigerait que l’intégralité des mesures évoquées (…) soient mises en œuvre, mais les annonces publiques et discussions récentes suggèrent que cela est peu probable. »
  • « Au total, la prévision de solde public pour 2026 (…) est fragilisée par un scénario économique volontariste. » (Et l’on sait que volontariste signifie trop optimiste, intenable.)
  • « Même dans le scénario présenté, dont le Haut Conseil relève à nouveau le caractère hypothétique, le déficit resterait très élevé. »

Et de fait, malgré les apparences de raison, de responsabilité et de sobriété qui imbibent l’attitude et les propos de M. Lecornu chaque fois qu’il s’exprime, on constate qu’il excelle surtout dans le faux sérieux, puisqu’au final, la dette publique continuerait de croître et embellir pour atteindre un ratio de presque 118 % du PIB en 2026. Sachant, comme je le disais plus haut, que tout peut changer, tout peut empirer.

À titre de point de repère, je récapitule ci-dessous les données budgétaires présentées par le gouvernement en version initiale, telles qu’elles apparaissent dans l’avis du Haut Conseil :

Principales données de nos finances publiques
et PLF 2026 (Lecornu, version initiale)

Date de mise à jour : 14 octobre 2025.
Note : 2025 est une estimation de fin d’année et 2026 le PLF initial du gouvernement Lecornu II.
Sources : Croissance – Inflation – Pour 2022 et 2024 : Insee – Pour l’estimation 2025 et le PLF 2026 : HCFP.
Unités : Habitants en millions – PIB en milliards d’euros courants – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB.

Il ne reste plus qu’à attendre l’issue des motions de censure. À supposer qu’elles échouent, n’allons pas nous bercer d’illusions : la suspension de la réforme des retraites ne produira jamais une meilleure réforme des retraites, mais une descente continue dans la dégradation des finances publiques. Pourquoi ? Parce que les choses se sont toujours passées ainsi et parce que ceux qui se réjouissent de la suspension ne veulent rien changer. Or par quel miracle les mêmes causes produiraient-elles soudain des effets différents si l’on ne se décide pas d’abord à en finir avec notre modèle social ?

Quoi qu’il arrive, on se rappellera longtemps les accomplissements de Sébastien Lecornu en ce 14 octobre 2025 déprimant : effacement de l’unique réforme significative de la présidence Macron, coup de barre décomplexé à gauche par réflexe reptilien de conservation politique, réaffirmation de notre modèle social collectiviste, aussi inadapté soit-il, injustice générationnelle institutionnalisée et myopie complète sur l’avenir. Les moines-soldats de la politique sont décidément les pires, surtout quand ils tiennent leur pouvoir d’un président en sursis. Ça promet.

Illustration de couverture : le PM Sébastien Lecornu, discours de politique générale, Assemblée nationale, 14 oct. 2025. Photo AFP.

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