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Les danses macabres en images

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L’ouvrage de Vincent Wackenheim, La Mort dans tous ses états. Modernité et esthétique des Danses macabres, est une véritable somme : 944 pages où sont rassemblées 104 gravures de danses macabres modernes et plus de 1 000 images commentées. Il s’agit d’un travail d’érudition et d’édition impressionnant qui nous plonge dans une aventure artistique et littéraire couvrant plusieurs siècles, de 1785 à nos jours (1966).

Les « danses macabres » ou « danses des morts » renvoient le plus souvent à des farandoles, des manifestations de folie ou encore à des sabbats. Wackenheim ouvre son étude par la fresque du cimetière des Saints-Innocents à Paris (1424) — mais cela aurait pu être celle de Bâle (1440), ou les célèbres gravures de Hans Holbein (1538). Ces œuvres présentent des morts (le plus souvent représentés sous la forme d’une squelette) et des vivants défilant en ordre hiérarchisé vers la tombe — que la farandole aille du pape à l’ermite, du noble au lansquenet, ou encore du colporteur au laboureur. De ces premières fresque médiévales fondatrices, l’auteur fait une sorte de paradigme pour le reste de l’ouvrage.

Des images en contexte

Si l’histoire foisonnante des danses macabres puise ses racines dans le Moyen Âge, le sous-titre de l’ouvrage précise que l’étude se concentre sur la « modernité ». Alors que, durant tout le Moyen-Âge, les danses macabres sont marquées du sceau de la religion, la période moderne se caractérise en effet par un processus de sécularisation de l’imaginaire — et partant, de l’imagerie — de la mort.

En analysant les représentations des danses macabres dans la modernité, l’auteur en vient finalement à retracer les transformations du rapport de chaque époque avec la mort, en fonction dees mutations sociales et politiques. C’est ainsi une véritable culture de la mort qui se dessine au long de ces pages.

Le cadre géographique de l’ouvrage, quant à lui, se focalise sur l’Europe, et en particulier sur le monde alémanique, qui recèle davantage de matériau que les autres pays.

Représentations de la mort

Étudiant ainsi, au fil des pages, l’iconographie des danses macabres — essentiellement sous la forme de gravures et peintures, mais aussi, plus ponctuellement, dans la littérature ou le cinéma —, l’auteur met en évidence la centralité de la figure du squelette. Celui-ci devient une allégorie de la mort elle-même, dotée de ses attributs traditionnels : la faux, l’arc, les flèches, les ciseaux tranchant le fil de la vie. Dans certains cas, la Mort est même assistée, ce qui multiplie les variations et les mises en scène.

Wackenheim s’intéresse également à la manière dont sont figurés les rites funéraires qui permettent de relier le monde des morts et celui des vivants. L’auteur remarque ainsi qu’au fil des siècles, la danse macabre s’ouvre à une diversité de figures : composée non plus seulement de figures masculines, on voit apparaître des femmes, mais aussi des membres de différentes classes sociales (clergé, nobles ou représentants de la société civile).

L’auteur remarque par ailleurs que le thème de la danse macabre fait l’objet de représentations fortement sexualisée. Ainsi, les artistes la dépeignent comme un désir de séduction et de possession et figurent par exemple une jeune fille dansant avec la Mort — ce motif érotisé s’étendant jusqu’à la musique.

Enfin, la mort étant associée à un imaginaire du fléau et de la dévastation, ses représentations intègrent tout un ensemble de facteurs et de causes funestes. Or, ces derniers évoluent avec le temps, faisant apparaître des angoisses spécifiques à chaque période historique. Ainsi, aux traditionnelles épidémies et catastrophes naturelles se substituent, à partir du XIXe siècle, les nouveaux fléaux de l’ère industrielle. Un élément traverse toutefois les époques : les ravages de la guerre, qui donnent à voir le triomphe de la mort sur les champs de bataille ou l'édification de morts héroïques de conquérents. La guerre franco-prussienne de 1870, notamment, est l'objet d'une danse macabre saisissante, tout la gravure figurant le personnage de Napoléon brossé par Wilhelm von Kaulbach.

Les danses macabres dans l'histoire de l'art

L’ouvrage convoque une impressionnante galerie d’artistes, graveurs et illustrateurs. Sa couverture est ornée de l’un des chefs-d’œuvre du dessinateur français Paul Iribe, Salomé (1916) : on y voit une Salomé-cadavre dansant devant le casque à pointe d’une tête décapitée. Parmi les noms marquants présents dans l’ouvrage, on retiendra également celui de Grandville : son Voyage pour l’éternité (1830), œuvre inachevée et connue pour la critique qu’en a fait Baudelaire, dont les images, en couleur et sous-titrées, s’inspirent de Holbein et dispensent un humour mordant.

Enfin, l’étude de Wackenheim explore l’influence des mouvements artistiques, notamment l’expressionnisme, sur la représentation des danses macabres. Il s’achève avec les productions des années 1960. Parmi les derniers artistes analysés, citons Frederic Mullaly, Maurice Roche, Mickaël Soutif et Hervé Bohnert, dont les planches viennent clôturer cette analyse.

L’ouvrage s’impose, en somme, par son ampleur et sa richesse iconographique. Il offre un panorama fascinant qui nous rappelle que la danse macabre, loin d’être une simple curiosité médiévale, continue d’habiter nos imaginaires contemporains.

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