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COP29 : quand la Chine mène la danse de la transition énergétique

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Lorsqu’il est question de transition énergétique, les Etats ne sont pas à une contradiction près. Encore moins la Chine, sorte de docteur Jekyll et Mr. Hyde en la matière. Evacuons d’emblée le côté Mr. Hyde, la part sombre : elle demeure le plus grand émetteur de CO2 de la planète, quasiment un tiers des rejets mondiaux annuels. Son électricité reste profondément carbonée, sous perfusion au charbon à près de 60 %, et des centrales continuent de sortir de terre. Mais de récents signaux font dire à certains experts que le pays pourrait avoir atteint son pic de rejets de gaz à effet de serre. Cette lueur d’espoir, qu’il faudra confirmer, permet d’aborder la face docteur Jekyll : la Chine est à la pointe dans de nombreux secteurs clés pour la transition vers le bas carbone, allant jusqu’à phagocyter toute concurrence mondiale. Nul doute que Pékin affichera davantage son bon profil pour peser lors de la COP29, qui s’ouvre ce lundi 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan.

Dans ces négociations climatiques, la Chine occupe un rôle de premier plan. "En 2022, elle a représenté 55 % des investissements mondiaux dans les énergies renouvelables (EnR), soit 495 milliards de dollars. En 2023, c’était 600 milliards, le double de l’Europe", rappelle Alisée Pornet, économiste à l’Agence française de développement (AFD). Ces montants ne s’arrêtent pas aux frontières du pays. En deux ans, selon un rapport du Climate Energy Finance, un think tank australien, les entreprises chinoises ont annoncé 100 milliards de dollars d’investissements dans des projets de technologies propres à l’étranger.

"Elle a rasé le marché" du solaire

"Aujourd’hui, la Chine est cruciale pour atteindre un certain nombre d’objectifs, car elle a des solutions rapidement décarbonables et qui sont économiquement viables", analyse Arnaud Bauduin, gérant d’OFI Invest Actions Climat. Sur le solaire, par exemple, "elle a rasé le marché", poursuit l’expert. Le pays de Xi Jinping est l’usine mondiale des cellules photovoltaïques et possède les plus grandes fermes de la planète – la dernière en date, l’équivalent au sol de 2 800 terrains de football, a été mise en service début juin dans la région désertique du Xinjiang. "La Chine a installé l’an dernier entre 240 et 250 gigawatts de panneaux solaires, enchérit Benjamin Louvet, responsable matières premières au sein d’OFI Invest Asset Management. C’est plus que le monde entier, elle incluse, l’année précédente…"

Sur l’éolien, la domination est à peine moins forte : en 2023, 4 des 5 premiers fabricants de turbines éoliennes venaient de l’empire du Milieu. "Les autorités ont identifié très tôt ces technologies comme un levier important permettant de faire évoluer la spécialisation du pays vers des produits de haute technologie et conquérir des parts de marché", abonde Stéphanie Monjon, enseignante-chercheuse en économie à l’université Paris Dauphine et spécialiste des politiques climatiques.

Sur les métaux, "l’éléphant dans la pièce"

Pour construire les panneaux solaires, des turbines éoliennes ou des batteries, il faut des métaux. Des terres rares, du cobalt, du nickel, du lithium… Là encore, impossible de faire sans le géant chinois. "C’est l’éléphant dans la pièce. Il a une position très clairement dominante sur beaucoup d’entre eux", pour leur extraction ou leur raffinage, affirme Benjamin Louvet. Les dirigeants le savent et ne lésinent pas sur les moyens pour conserver cette mainmise. Rien qu’au premier semestre 2023, Pékin a investi près de 10 milliards de dollars dans le secteur minier. A des années-lumière des autres nations, notamment européennes, qui cherchent pourtant à gagner en souveraineté. "C’est simple : si on nous coupe l’approvisionnement de certains métaux, des industries ne peuvent plus tourner, notamment dans l’automobile", poursuit le responsable du groupe de gestion d’actifs.

Ce secteur est d’ailleurs au centre d’un bras de fer entre l’Europe et la Chine, après l’accord des Vingt-Sept pour la mise en place d’une surtaxe sur les véhicules électriques fabriqués chez les seconds. Non seulement ces voitures gagnent du terrain localement – près d’1 véhicule sur 3 immatriculés en Chine était électrique en 2023, d’après l’Agence internationale de l’énergie – mais elles inondent aussi le territoire européen, où leur part de marché est passée de 2 à 14 % en quatre ans. C’est la partie visible, avec les constructeurs made in China. L’emprise se fait également de façon moins apparente. "Il y a beaucoup de coentreprises avec nos manufacturiers. En réalité, une voiture électrique européenne est en grande partie chinoise", pointe Joseph Dellatte, chercheur climat, énergie et environnement au sein du programme Asie de l’Institut Montaigne.

Même dans les domaines où la France défend un savoir-faire historique, comme le nucléaire, la Chine met les bouchées doubles. Elle compte autant de réacteurs opérationnels que l’Hexagone (56), mais a donné son feu vert, cet été, pour 11 nouveaux. Un investissement équivalent à 28 milliards d’euros… Pour une construction espérée en moins de cinq ans, bien plus rapide que les derniers standards européens. "Même si ce n’est pas grand-chose à son échelle, la Chine a bien tiré son épingle du jeu, convient Joseph Dellatte. Le nucléaire ne sera pas la première source d’approvisionnement en électrons, mais il permettra de compenser l’intermittence des renouvelables."

Récit d’une "grande puissance responsable"

La domination chinoise sur des domaines clés de la transition énergétique n’est évidemment pas le fruit du hasard. Ni le résultat d’une rupture – pas vraiment le style du régime. "Le concept de civilisation écologique date de 2007, puis a été constitutionnalisé une décennie plus tard. Les politiques d’innovation, elles, ont été portées depuis les années 1990 et se sont intensifiées sous Hu Jintao et Xi Jinping. Cette montée en puissance est le résultat d’une stratégie portée dans plusieurs plans quinquennaux, pour que la Chine aujourd’hui arrive à la frontière technologique de plusieurs secteurs", retrace Alisée Pornet. In fine, tous les moyens investis en recherche et développement "permettent de nourrir un récit officiel d’une 'grande puissance responsable' en train d’apporter des solutions au monde", ajoute Stéphanie Moujon.

Le pays ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il place déjà ses pions dans des technologies dont les marchés ne sont pas encore matures. Par exemple les électrolyseurs, essentiels pour produire de l’hydrogène vert. Ou la capture et le stockage de carbone. "C’est très subventionné, certes, mais cela ne permet pas actuellement de faire une décarbonation aussi effective et significative que de faire rouler des BYD [marque chinoise de véhicules électriques] sur les routes", estime Arnaud Bauduin.

Xi Jinping doit annoncer, dans les prochains mois, les nouveaux objectifs climatiques de son pays. Relèvera-t-il l’ambition des derniers, à savoir atteindre le pic d’émissions d’ici 2030 et la neutralité carbone pour 2060 ? Le retour de Donald Trump au pouvoir et le revirement probable des Etats-Unis en matière de politique climatique pourraient l’inciter à lever le pied. De toute manière, l’affaire sera déterminante pour la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Selon une analyse publiée dans Foreign Policy, "la décision du président chinois pourrait faire ou défaire l’Accord de Paris".

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