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Le Breaking inscrit aux Jeux Olympiques de Paris 2024 : danse avec l'histoire

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Le Breaking inscrit aux Jeux Olympiques de Paris 2024 : danse avec l'histoire

Les bords du Lez à Montpellier ont perdu de leur tranquillité l’espace de quelques jours. Les habituels promeneurs ont dû laisser leur terrain de jeu aux aficionados de sensations fortes. Les adeptes du running ont été remplacés par les BMX, skateboards et autres trottinettes street. Comme chaque année, le FISE (pour Festival International des Sports Extrêmes) a posé ses valises - à roulettes forcément - sur les bords de la Méditerranée pour cinq jours.

Un événement drainant une foule immense. L’une des références en la matière tant le FISE s’est imposée comme une marque mondiale. De mercredi à dimanche, 300.000 spectateurs se sont bousculés pour investir l’une des places mises à disposition sur les grandes pentes construites le long de la rivière traversant Montpellier. Et beaucoup d’entre eux s’étaient donnés rendez-vous pour l’un des grands événements du festival : la compétition de breakdance. Pour les B-Boys and B-Girls (c’est comme cela que l’on appelle les danseurs), le FISE représentait en effet l’une des ultimes répétitions générales avant les Jeux Olympiques de Paris.

 

 

Oui, les 9 et 10 août prochains, la discipline fera sa première apparition au sein du grand concert des JO. Et forcément, un tel événement attise la curiosité. En plus des fans de la première heure, les battles de breakdance ont également suscité l’intérêt d’un public venu se familiariser avec la culture hip-hop. Depuis le 21 février 2019, date à laquelle le comité d’organisation de Paris 2024 a officialisé l’inscription du breaking, le phénomène n’a fait que prendre de l’ampleur.

Les Jeux Olympiques ont boosté la popularité du breakdance

À l’origine, cet art, né dans les rues de New York au milieu des années 1970, n’était pas censé quitter les trottoirs, son lieu d’expression originel et favori. Depuis ces premiers pas aux sons des « ghetto blasters » (des grosses enceintes portées sur les épaules), la culture hip-hop s’est imposée comme l’une des plus populaires à travers le monde. Mais pour les danseurs et pratiquants du breaking, il y a bel et bien eu un avant et un après le « label JO ».

Yasmina Benbekaï est une journaliste passionnée par cet univers depuis de longues années. Très implantée dans le milieu du breakdance, cette pionnière a constaté un engouement exponentiel pour la discipline. L’effet olympique a joué pleinement son rôle.

« Avant l’inscription officielle aux Jeux Olympiques, les gens n’en avaient rien à faire du breakdance. Il n’y avait aucun papier dans les journaux, absolument aucun intérêt pour cette discipline qui existe pourtant depuis longtemps. Maintenant, je vois même passer des articles dans L’Equipe lorsqu’il y a des battles. Personnellement, je trouve ça super qu’on s’intéresse à cette danse qui a été le point de départ de tout. Quand la discipline est arrivée aux JO, il y a eu des inquiétudes. Mais personnellement, j’ai passé tellement d’années à défendre cette culture sur les ondes de France Inter ou du Mouv, que j’étais ravie lorsque la nouvelle est tombée. Enfin le monde entier va pouvoir découvrir le break. »

Un « formatage » difficile à accepter au début

Bien sûr, les fastes de la place de la Concorde trancheront avec l’esprit originel du breakdance. Et les puristes se sont d’ailleurs inquiétés que le cadre olympique dénature totalement un art né dans la rue. Le breaking possède ses propres codes et une philosophie à part entière. Beaucoup ont eu la crainte que l’esprit soit totalement effacé une fois passé le formatage olympique. Un exercice de style pourtant nécessaire afin de rendre la compétition la plus visible par toutes et tous. Pour une culture se voulant surtout artistique, l’écueil sportif ne fut pas si simple à accepter.

« J’étais plutôt réticent au début, avoue non sans mal Mickaël Pécaud, fondateur du Suprême Legacy à Clermont-Ferrand. Pour nous, le breakdance reste une culture à part entière. Et le voir considérer comme une épreuve sportive fut un peu bizarre. Il y avait la peur que cela soit dénaturé. À la base, les battles demeurent assez subjectives puisque cela reste de l’art. Nous n’avons jamais eu de figures imposées. Chacun peut développer son propre style et ses propres mouvements. Forcément, nous avions un peu peur que cela transforme trop notre système. Mais rapidement, j’ai vu cela comme une grosse opportunité pour notre discipline. C’est positif qu’elle soit reconnue par quelque chose d’aussi gigantesque que les Jeux Olympiques. Beaucoup de personnes vont pouvoir la découvrir. »

« Il y a des codes spécifiques dans le breakdance, complète Yasmina Benbekaï. Il y a les DJ’s. Il y a des battles. Ce qui n’existe pas vraiment dans le sport où a priori c’est le premier qui arrive qui a la médaille d’or. Comment universaliser le breakdance pour qu’il y ait les mêmes points pour tous les participants?? Là-dessus, il y a eu tout un travail effectué autour de la création d’un système de notation créé par des B-Boys et des B-Girls qui ont déjà participé à des battles. »

Là est le pari réussi par les instances internationales. Celui d’associer celles et ceux qui font et ont fait le breakdance depuis des années. Les juges chargés d’attribuer les rankings pendant les compétitions sont d’anciens pratiquants. Hors de question également de se passer des DJ’s qui, pour des questions de droits d’auteurs, devront créer leurs propres sons pour les diffuser place de la Concorde pendant les épreuves. Vous n’entendrez donc pas les morceaux les plus célèbres de Dr. Dre… 

Pour le reste, le spectacle sera garanti avec un format « un contre un », digne des plus grandes battles de hip-hop. Les spectateurs du FISE de Montpellier peuvent en attester, les codes sont respectés.

Pour les compétiteurs, il y a bien sûr des différences par rapport à l’exercice de cet art qu’ils avaient l’habitude d’exprimer dans les rues et sur les places. Le plus grand changement concerne le public, comme l’explique Lucky, l’un des meilleurs B-Boy français. 

« Il n’y a finalement pas tellement de différences. Le breakdance s’est initialement nourri des battles. Et c’est ce que l’on va retrouver aux JO avec les « un contre un ». C’est la même chose que l’on peut voir dans la rue. Sauf qu’il y aura trois passages d’environ 45 secondes par compétiteurs. L’ambiance n’est juste pas pareille. Dans l’exercice “underground”, on sent plus l’énergie des gens autour de nous. On ressent leur vitalité quand ils crient. Dans les compétitions type JO, c’est une grosse scène où le public se trouve plus loin dans les gradins. Au départ, je n’avais pas l’habitude de ces formats-là où tout est cadré avec énormément de sécurité autour. On ne doit pas faire n’importe quoi. Mais on s’y habitue. Nous sommes des compétiteurs. »

Pas au programme en 2028

Le Clermontois Lucky ne fera pas partie de l’aventure olympique. Pour l’heure, seul le B-Boy Dany Dann est qualifié pour représenter la France dans un peu moins de trois mois (la B-Girl Syssy tentera de le rejoindre ce week-end lors d’un tournoi qualificatif à Shangaï). Le Montpelliérain s’est d’ailleurs préparé de la meilleure des façons en remportant le FISE devant son public. Une sacrée aventure pour cet aide-soignant en Ehpad de 36 ans qui, depuis deux ans, s’entraîne d’arrache-pied du côté de l’Insep pour cette échéance.

C’est aussi l’avantage des Jeux Olympiques. Cette reconnaissance a permis à des danseurs de vivre pleinement de leur art. Et même si celui-ci s’est un peu transformé en discipline sportive, le breakdance est à un virage de son existence. Dany Dann, comme tous les autres participants aux JO, deviennent malgré eux de véritables précurseurs. Cinquante ans après les pionniers des trottoirs new-yorkais. Les 9 et 10 août prochains, ils danseront véritablement avec l’Histoire. D’autant que le breaking ne sera pas inscrit au programme de Los Angeles 2028. L’occasion est unique. Elle est donc à saisir. 

 

Arnaud Clergue

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