Découvrez comment réagit cette école de danse de l'Allier au confinement : « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus »

« Je suis défavorable aux cours de danse par internet. On peut travailler les postures, à la rigueur, mais on ne peut pas corriger le placement des élèves. La vidéo ne remplacera pas le véritable contact visuel, notamment pour apprendre des chorégraphies élaborées. »

Dans ce qui était autrefois une ancienne usine des parfumeries de Grasse, rue Ampère à Yzeure, et qui abrite aujourd’hui, à l’étage, une immense salle de danse, Stéfani Duchézeau danse, seule.

Un deuxième confinement très dur à vivre

Lors du premier confinement, elle avait revisité des jeux de société populaires, comme la bataille navale ou le jeu de l’oie, en imaginant des pas de danse pour déplacer les pions. Ses élèves avaient ainsi pu partager leur passion avec les membres de la famille. « J’ai reçu de fabuleuses vidéos, avec des papas faisant des sauts de chats ! »

Ce deuxième confinement est beaucoup plus difficile pour Stéfani Duchézeau et son école Temps danse. En premier lieu, financièrement.

« L’école, qui est une association présidée par Sandrine Lebon-Euzet, a rembourséle troisième trimestre à ceux qui l’ont souhaité. Nous proposons la même chose cet automne. L’annulation du gala, en juin dernier, a aussi fait beaucoup de mal, les recettes correspondent à deux mois de charge. On avait la chance d’avoir un peu de trésorerie mais là, il faut que ça s’arrête. »

Ce qui rend aussi plus pesant ce deuxième confinement pour cette professeur de danse est « l’incohérence » des conditions. « Je vis mal le fait que mon fils de 15 ans puisse pratiquer ses cours de sport au lycée, sans masque, mais que moi, je ne puisse pas exercer. Je vis mal le fait que la culture soit considérée comme non-essentielle. Les magasins de bricolages ouverts et les librairies fermées, c’est incroyable. »

Pour « garder espoir et courage, provoquer un peu de passion », Stéfani Duchézeau a créé 21 courts programmes vidéos qu’elle envoie chaque jour à 83 de ses élèves depuis le 12 novembre et jusqu’au 2 décembre, via Whatsapp.

Les vidéos qu’elle réalise, Stéfani les appelle des « toktok », pour faire référence à un réseau social, TikTok, qui promeut de courtes vidéos.« Je voyais les élèves faire des Tiktok avant les cours, se filmer en train de danser pendant quelques secondes sans donner le contexte. Je me suis fait la réflexion que je ne prenais pas assez le temps de raconter l’histoire de la danse. » Le deuxième confinement lui permet de pallier ce constat.

Cadavres exquis

Stéfani Duchézeau a décidé que ses 21 vidéos feraient référence à 21 chorégraphes et à 21 de leurs ballets : « Pour chacun, j’ai extrait un enchaînement simple que je décompose en vidéo. Je demande aux plus jeunes de m’envoyer une vidéo d’elles en train de le réaliser et aux plus grandes, je demande d’attendre de connaître les 21 enchaînements avant de les danser, bout à bout, et de me les envoyer, sur la musique de leur choix. Cela donnera de beaux Cadavres exquis », explique la professeure en faisant référence à la technique de création littéraire ou graphique des surréalistes, par découpage et superposition.

21 ballets en 21 jours 

Autour des 21 vidéos, Stéfani Duchézeau rédige de petits textes pour expliquer qui est Pina Bausch et son fameux « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus », ou raconter La Mort du cygne, un ballet de Michel Fokine créé en 1905 pour la mythique danseuse Anna Pavlova.« Je mêle danses classiques et contemporaines, choisies très subjectivement. C’est l’occasion de dire qui je suis, d’où je viens, à mes élèves. Par exemple, j’ai choisi le ballet Ice, de Carolyn Carlson, pour lequel j’ai eu la chance d’être sélectionnée par la chorégraphe américaine. J’ai choisi aussi de parler à mes élèves du chorégraphe israëlien Ohad Naharin dont les engagements très forts lui valent des soucis. » 

Stéphanie Ménastephanie.mena@centrefrance.com