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La fabuleuse envie de Saman Soltani

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Pour Saman Soltani, il n’y a pas de rêve trop grand. Photo © ASL

Il est des gens dont les témoignages, les paroles donnent envie de se battre pour oser dire et exprimer ses rêves en dépit de toutes les difficultés érigées en montagnes impossibles à gravir. La kayakiste d’origine iranienne Saman Soltani venue à la rencontre des élèves de la cité scolaire Gambetta-Carnot à Arras, ce vendredi 14 novembre, en est la parfaite incarnation.

La jeune femme rêvait de participer un jour aux Jeux olympiques. Elle l’a fait. Présente aux Jeux olympiques de Paris, elle veut encore aller plus loin, aller à Los Angeles et pourquoi pas y décrocher une médaille. Un pari et un rêve un peu fous. Mais pas impossibles pour elle qui a déjà surmonté tant et tant de difficultés.

DIFFICILE D’ÊTRE UNE FILLE EN IRAN
Celles-ci ont débuté en Iran où le régime politique n’accorde que très peu de place aux libertés qui plus est pour une femme. Il faut en être conscient et, en substance, Saman le rappelle bien : le lieu, le pays de naissance, n’accordent pas à toutes et à tous les mêmes libertés. « Soyez reconnaissants de ce que vous avez, adresse-t-elle à son auditoire : vous êtes dans un pays magnifique, vous avez la santé, vous êtes beaux, vous êtes libres, vous allez où vous voulez, vous étudiez ce que vous voulez, vous portez ce que vous voulez, vous avez des amis ».
Si Saman Soltani parle ainsi, c’est qu’elle a derrière elle un vécu qui le lui permet. Née à Téhéran, dans une famille de sportifs, elle grandit dans la capitale iranienne. « Si j’avais été un garçon, j’aurais fait du foot. Je suis une fille alors c’était la gym ou la natation . Ce fut la natation alors même que j’avais peur de l’eau ». À sept ans, Saman a déjà un bon niveau. À huit ans, elle choisit de faire de la natation artistique et remporte le titre national. Une belle satisfaction mais aussi une frustration : avec la loi islamique, les hommes n’ont pas le droit d’assister aux compétitions de natation… Elle ne peut donc pas embrasser son père après sa victoire, ni cette fois-là ni toutes les autres fois.

DE LA NATATION AU KAYAK
Pour Saman Soltani, pas question non plus de disputer des compétitions internationales, son ambition de jeune fille. Pour y arriver, elle décide de changer de sport, de se tourner vers le kayak, parce qu’on peu pagayer en portant le hidjab. Pour tout le monde, cela relève de l’impossible. Débuter un sport à 18 ans pour atteindre le haut niveau, c’est beaucoup trop tard. « J’ai commencé à m’entraîner dur pour simplement trouver l’équilibre ». Après un an de pratique, elle est championne d’Iran, après trois ans, elle est médaillée aux championnats d’Asie. Elle réalise alors que le rêve de participer aux Jeux olympiques est plus proche qu’elle ne l’imagine jusqu’alors. Malheureusement la crise sanitaire de la Covid arrive. Les courses de sélections sont d’abord annulées et lorsqu’elles ont lieu, seuls les garçons y participent : « j’ai raté les Jeux olympiques de Tokyo et j’étais tellement triste que j’ai démissionné ».

TROUVER SON MODÈLE
Saman Soltani repart à la natation et entame une carrière de coach avec soixante nageuses dans son équipe. Soixante filles à qui elle tient tout un discours sur la force mentale avec un leitmotiv : « Osez rêver grand ! » Pour cela, il faut avoir un modèle, pense-t-elle. Elle invite ses filles à y réfléchir et organise un vote : 80 % des votes la désignent comme modèle. Ce résultat inattendue l’a fait réfléchir sur elle-même et de se dire : «  Si je peux influencer, j’ai le devoir de le faire ». Et de partir toute seule à Barcelone pour disputer une compétition de natation, en sachant qu’elle est dans l’illégalité par rapport aux lois de son pays. L’aventure est suivie sur les réseaux sociaux, notamment sur instagram. Ce qui n’est évidemment pas du goût des autorités iraniennes. « J’étais à l’aéroport avec mon billet d’avion en poche pour rentrer quand j’ai reçu un appel me disant qu’il ne le fallait pas, que la police me cherchait. J’étais toute seule, avec dans une valise des affaires pour dix jours. Toute ma vie. Je ne connaissais qu’une personne, en Autriche. Je l’ai appelée. Uwe m’a invitée à le rejoindre à Vienne et m’a accueillie comme si c’était mon père ».

DEMANDE D’ASILE POLITIQUE
Hébergée à Vienne, certes, mais les problèmes ne sont pas résolus… « Je n’étais pas en sécurité en Iran si je voulais rentrer et mon visa avait expiré ». Reste la solution de demande d’asile : « Je ne voulais pas la faire à cause de la perception que les gens ont de cela ». Saman commence à faire des études de comptabilité mais l’absence de visa la rattrape vite. La demande d’asile politique reste alors vraiment la seule solution: « Ça fait très peur. Je me sentais très mal physiquement et mentalement ». Heureusement pour elle, l’asile lui est accordé mais la déprime continue à la guetter. Il faut se relever et c’est dans le kayak qu’elle en trouve la force. « Des gens autour de moi se cotisent pour m’acheter une pagaie. Je peux m’inscrire dans un club. Je recommence le kayak après deux ans de pause. Je me sens heureuse et libre quand je suis dans le bateau ». Le club lui demande alors si elle veut bien participer à la constitution d’un K2 ; elle accepte, s’entraîne dur, dans le froid, toute seule, même lorsqu’il y a de la glace. Six mois plus tard, elle est championne d’Autriche et admise à s’entraîner avec l’équipe nationale mais ne peut pas accéder aux compétitions internationales car elle n’est pas autrichienne.

DANS L’ÉQUIPE DES RÉFUGIÉS
Le dossier de Saman Soltani est alors présenté au Comité international olympique qui lui propose d’intégrer l’équipe des réfugiés. En 2023, elle dispute une manche de coupe du monde. Vingt-troisième, elle est sélectionnée pour les Jeux olympiques de Paris. Le rêve devient réalité… Il est exaucé mais après les Jeux, cela ne va pas du tout. Certes l’obtention de la nationalité autrichienne a de quoi la rassurer mais elle se pose la question de savoir ce que, dès lors, elle va faire de sa vie. Pour l’aider à avancer dans sa réflexion et continuer à apprendre à se connaitre, elle peut compter sur Adrien Bart, membre de l’équipe de l’équipe de France de canoë et de l’ASL Canoë-Kayak Grand Arras, qu’elle a rencontré lors de la cérémonie de clôture à Paris.
Cela l’amène à se dire qu’il n’y  a pas de rêve trop grand et qu’elle peut viser une médaille olympique à Los Angeles. Saman entretient son espoir mais c’est loin d’être gagné. Les prochains mois vont être déterminants. Autrichienne d’origine iranienne, elle ne fait plus partie de l’équipe des réfugiés. Elle vit désormais en France, s’entraîne en région parisienne tout en étant licenciée à l’ASL Canoë-Kayak Grand Arras qui a pris le parti de l’épauler dans son projet de vie. « Parce qu’on ne peut pas dire c’est bien et ne rien faire », dit Olivier Bayle, le président du club. Pour cela, le premier enjeu est que Saman puisse obtenir le droit de courir sous les couleurs de l’équipe de France. Il faudra l’appui des « décideurs » qui doivent s’attendre à être sollicités. L’élue arrageoise Emmanuelle Lapouille (conseillère municipale, élue de la communauté urbaine et conseillère départementale) présente à la conférence pourra témoigner.

OSER RÊVER GRAND
« Penser à toutes les bonnes choses pour avancer sans nier les problèmes ; penser positif plutôt que négatif ». Tel est l’essentiel du message que Saman Soltani a adressé aux deux cent quarante élèves de la cité scolaire Gambetta-Carnot, regroupés dans l’espace Bizet à l’invitation de la proviseure Sandrine Frescal. Pour ces élèves, le propos de Saman Soltani a été une incitation à rêver grand, à ne jamais renoncer. Elle leur a donné des clefs pour avancer : « Tout commence avec les rêves. Si vous avez un rêve, il faut y croire. Tout dépend de vous. Trouvez pourquoi vous faites les choses ; fixez-vous des objectifs. Si l’objectif vous paraît trop grand, fonctionnez étape par étape, additionnez les petites victoires, pensez au chemin parcouru et n’hésitez pas à demander de l’aide ».
Pour un élève de terminale qui s’apprête à faire des choix déterminants pour son avenir, voilà qui fait réfléchir. Le jeu de questions-réponses auquel  la jeune femme athlète et  les élèves se sont livrés a aussi été une formidable leçon de géopolitique et de citoyenneté… La question de savoir ce qu’est réellement l’asile politique dont les médias parlent si souvent méritait bien d’être posée. Pour Saman Soltani, c’est simplement une question de sécurité voire de survie. « Si je retourne en Iran, je risque d’aller en prison voire d’être tuée ». Et il ne s’agit pas d’une exagération… Pour preuve l’exemple de Mahsa Amini. Parmi tant d’autres.

240 élèves assistaient à la conférence. Photo © ASL
Les élèves de la section sport du lycée Gambetta ont maintenant un modèle à suivre. © ASL

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