Boxe anglaise
Ajouter une nouvelle
Nouvelles

Boxe : le jour où Pladner gagna le titre mondial en 58 secondes

0 20
Boxe : le jour où Pladner gagna le titre mondial en 58 secondes

Comme le laissaient supposer, dès la fin de matinée, les longues files d’attente de la rue Nélaton, il n’y a pas une place de libre. Des « populaires » jusqu’aux abords du ring, 15.000 personnes se sont donné rendez­-vous au Vélodrome d’Hiver en ce dimanche 2 mars 1929.

Hauts de formes, smokings, manteaux de fourrures : le tout-Paris mondain et sportif est là pour assister à un moment d’histoire : le premier championnat du monde de boxe disputé sur le sol français. Jeff Dickson, le grand promoteur américain de l’époque, a organisé « le » combat des chefs ». À peine 100 kg cumulés sur la balance mais deux boxeurs qui pèsent lourd… chez les poids mouche. Dans un coin, le tenant du titre (NBA) et champion olympique 1920, l’Américain Franckie Genaro (27 ans) ; à l’opposé, son challenger clermontois Emile Plader (22 ans). Champion d’Europe à Stockholm quatre ans plus tôt (à son 13e combat seulement), « Milou » n’est pas un inconnu. Seul homme à avoir battu le grand Johnny Hill, il est surnommé « Spider Pladner » (L’Araignée) par les Américains.

Il est un peu plus de 22 heures quand le premier boxeur entre dans l’arène. Robe bleue, culotte bleue, ceinture tricolore, c’est « Milou ». Accompagné de son manager Louis de Ponthieu, Pladner salue la colonie auvergnate de Paris qui s’est mobilisée. Genaro leur emboîte le pas avec un sens aigu du spectacle. À 22 h 15, la lumière de la salle s’éteint pour ne laisser qu’un halo au­-dessus du ring. Le gong retentit : c’est parti ! Genaro se rue sur son adversaire. Garde haute, ce dernier bouge, se baisse, esquive. Il est quasiment au niveau des cordes quand il entrevoit une première ouverture. Pif ! Paf ! Poum ! Pladner place trois crochets. Le dernier, du gauche, percute violemment le foie de l’Américain qui s’écroule.

 

Gymnase Emile Pladner  

Tous les articles de l’époque dépeignent alors la même scène : un silence assourdissant s’empare subitement d’un Vel’ d’Hiv’ incrédule. Genaro va-­t-­il se relever, se demande le public, alors que le combat a débuté… 48 secondes plus tôt. L’Américain esquisse un mouvement quand l’arbitre marque le « six ». Sept. Huit. Neuf… Le « dix » est totalement inaudible dans la clameur de toute la salle. Bras en croix, épaules au sol, le champion est vaincu. En un temps record ! 

Son successeur, lui, est en larmes. À chaud, le visage marqué par la seule émotion, Pladner ne réalise pas : « Je suis champion du monde. Le rêve de ma vie. Est­-ce vrai ? Je ne peux le croire. » Quand on lui demande ce qu’il va faire des 10.000 francs promis au vainqueur par une marque de chaussures, il répond : « D’abord aller embrasser ma maman à Clermont, puis me rendre à Bordeaux où m’attend ma fiancée. » 

La nouvelle de la victoire de Pladner ne parvient en Auvergne que sur les coups de 23 heures, par téléphone, la rédaction de La Montagne faisant office de relais. « Aussitôt transmise dans les principaux cafés de la ville et dans les cinémas, cette victoire a déchaîné un fol enthousiasme, écrit notre journal. Il est bien permis d’éprouver quelque fierté en songeant que celui qui vient de réussir où tant d’autres ont échoué, est un petit gars de chez nous, un Clermontois. » 

Qualifiée de « surprise de l’année » par le légendaire magazine américain Ring, la victoire de Pladner fera la Une de nombreuses revues, dont Le Miroir des Sports.

Un Clermontois qui n’aura guère le temps de profiter de son titre. Accusant Pladner d’avoir porté un coup bas ­- version infirmée par les photos mais appuyée par un des trois juges, le juge… américain - le clan Genaro fait campagne dans la presse pour obtenir une revanche. Flairant la belle affaire, le promoteur Jeff Dickson convainc Pladner de remettre les gants et le 18 avril 1929, revoilà les deux boxeurs sur le ring du Vel’ d’Hiv’. Dans un climat malsain où Genaro multiplie les provocations, l’Auvergnat domine mais se voit disqualifié pour… un coup bas. 47 jours après, « Milou » perd déjà son titre mondial. Éphémère au palmarès, mais éternel dans les mémoires.

 

Frédéric Verna

Загрузка...

Comments

Комментарии для сайта Cackle
Загрузка...

More news:

Read on Sportsweek.org:

Autres sports

Sponsored