Les Lakers ont-ils vraiment besoin de LeBron James ?
La question peut faire bondir. Rugir. Les plus fervents partisans et adorateurs de LeBron James vont crier au blasphème basketballistique. Et pourtant, quoi qu’on en dise ou quoi qu’on en pense, la question mérite d’être posée. Peut-être pas aussi brutalement. Mais elle reste légitime alors que les Los Angeles Lakers ont entamé la saison avec 8 victoires en 12 matches malgré l’absence du King, écarté des terrains en raison d’une sciatique et dont le retour est prévu dans les prochains jours.
L’équipe californienne a-t-elle encore vraiment besoin de lui ? Autant répondre de suite : bien évidemment que oui. Les supporteurs de LBJ peuvent se rassoir et poser leur hache. En réalité, la vraie interrogation concerne son rôle au sein de l’équipe lorsqu’il reviendra sur les terrains. James peut-il jouer exactement comme il en avait l’habitude dans cette équipe qui tourne plutôt bien sans lui ?
Parce que les cartes ont été redistribuées depuis l’arrivée de Luka Doncic. Il est évident que le Slovène est aujourd’hui, à ce stade de leurs carrières respectives, un meilleur joueur que son aîné. Il est le présent et le futur des Lakers. La superstar, le visage de la franchise et le moteur de l’attaque californienne. Le natif d’Akron s’est donc retrouvé relégué dans un rôle de deuxième option, ou première option bis, qui est de toute façon indiquée à son âge. Sauf qu’un certain Austin Reaves est en train de passer un cap phénoménal depuis quelques semaines.
Austin Reaves, une première depuis Kobe Bryant
Auteur d’un triple-double à 51 points, l’arrière de 27 ans s’affirme comme un All-Star en puissance. Il tourne à 28 points par match, 47% aux tirs, 5 rebonds et même plus de 8 passes. Son « usage rate » est passé de 24 à 29% entre la saison dernière (après le trade de Doncic) et l’exercice en cours. 29%, c’était justement le taux de possessions jouées par James. Si Reaves est amené à garder les mêmes responsabilités, alors les tâches du candidat au G.O.A.T. vont forcément évoluer.
Logique, à bientôt 41 ans. Le vétéran ne cesse de montrer que sa longévité est hors du commun et il figure évidemment encore parmi les meilleurs joueurs de la ligue. Mais « meilleurs joueurs » est une catégorie vaste. Il n’est plus dans le top-10, sans lui faire offense. Peut-être encore dans le top-20, mais même ça, ça peut se discuter. Dans tous les cas, il est toujours performant et impactant. C’est son utilisation qui va ou doit changer.
« Il peut se mettre dans le corner à gauche ou à droite »
Contrairement à toutes ses anciennes équipes, les Lakers ne sont pas dépendants de sa présence ou de sa création. Pour la première fois de sa carrière, l’effectif n’est pas construit pleinement autour de lui et de sa capacité à créer des espaces et à lire le jeu. Pour ça, il y a donc Doncic et même Reaves.
« Il peut se mettre dans le corner à gauche ou à droite », ironise Gilbert Arenas. L’ancien joueur reprend alors avec une analyse plus sérieuse : « Les défenses sont obligés de faire des prises-à-deux sur Luka et sur AR chaque soir. LeBron va pouvoir mettre ses 20 points en marchant. Tout dépendra de ce que veut Bron. Il veut gagner une bague ? C’est sa meilleure opportunité. »
Ça peut paraître très simple sur le papier. Mais la réintégration de LeBron James dans la rotation représente un sacré challenge pour JJ Redick. Et ça peut sembler évident pour le King, accepter un autre rôle pour maximiser ses chances de titre. Mais la réalité est souvent plus nuancée et plus difficile. L’idéal serait que le numéro 23 soit employé plutôt en bout de chaîne. Va-t-il l’accepter ? Courir plus et avoir moins la balle devrait l’aider à maintenir des statistiques élevées (legacy oblige) tout en s’économisant et en aidant l’équipe.
Numériquement, il va prendre la place de Marcus Smart ou de Rui Hachimura dans le cinq majeur. Il va donc devoir, au moins en partie, jouer dans un registre similaire au leur. Essentiellement « off ball », si possible en étirant les lignes et en profitant de l’attention resserrée sur Doncic et Reaves pour prendre des tirs ouverts à trois-points. Un domaine sur lequel il a particulièrement progressé de saison en saison, même après son prime. James convertissait par exemple 42% de ses tentatives lointaines prises en « catch and shoot » l’an passé. C’est une vraie menace derrière l’arc et il devrait contribuer à donner du spacing aux Lakers en étant par exemple bien plus fiable à trois-points que Smart.
Bien sûr que, dans l’idée, il peut faire bien plus que les deux joueurs de devoir en attaque. Mais assurer la création constamment est usant. Même pour lui. On voit bien qu’il est moins infaillible physiquement. C’est beaucoup d’énergie dépensée. Ça ne veut pas dire qu’il ne le fera plus. Il serait juste intéressant de le voir couper, se servir de sa lecture de jeu pour anticiper, trouver les bons espaces, cavaler en transition et aussi, bien sûr, driver après un premier décalage effectué par Luka ou Reaves.
Après, LeBron reste LeBron et il est intelligent de le laisser diriger des possessions. Pourquoi pas depuis le poste haut, comme un « hub » à la manière de certains pivots comme Alperen Sengun, Nikola Jokic ou Bam Adebayo. Il peut aussi remonter la balle de temps en temps et jouer des picks-and-roll, éventuellement même avec ses deux autres stars en poseurs d’écran. On espère même le voir en tant que « roll man » ou débouler depuis le dunkeur spot par moments.
Les Lakers ont peut-être un bilan positif mais ils ont un net rating négatif et viennent de prendre une sacrée rouste contre le Thunder. Cette équipe est forte, surtout en considérant les nombreux forfaits du début de saison, mais elle n’est pas armée pour aller en finales de Conférence sans son King. LeBron James est une arme en plus, un outil de poids. Mais à la condition qu’il accepte d’être utilisé à bon escient. « Fit in or fit out », comme il l’avait laissé entendre à Kevin Love à l’époque où ce dernier devait s’adapter à un rôle de troisième option à Cleveland. C’est désormais à son tour de changer pour le bien de l’équipe.

