À 90 ans et en fauteuil roulant, elle décolle du puy de Dôme en parapente
On n'est pas sérieux quand on a 90 ans. À l'âge où beaucoup privilégient le confortable et rassurant canapé, Claudine Le Gô sera entrée d'une toute autre manière dans sa neuvième décennie. Du sommet du puy de Dôme et en fauteuil roulant, elle s'est élancée en parapente en compagnie de son pilote Xavier Bazelle pour aller tutoyer les volcans, ce vendredi matin 1er octobre.
Quelques minutes avant le décollage, vers 11 heures, la Parisienne, professeure agrégée de musique, n'avait encore aucune idée de ce qui l'attendait. Organisé dans le plus grand secret par une partie de sa famille résidant dans le Puy-de-Dôme, ce vol insolite était son cadeau d'anniversaire (21 septembre).
Sans rien savoir jusqu'au dernier momentBien avant le vol à proprement dit, l’ascension du puy de Dôme en train panoramique ne fut déjà pas une mince affaire pour celle qui s'est retrouvée partiellement handicapée après une fracture du fémur il y a un an. Un accident qui l'oblige aujourd'hui à se déplacer plus difficilement et avec une canne.
"Au sommet, je me doutais de quelque chose et je leur ai demandé s'ils n'étaient pas en train de m'organiser une vacherie, rigole-t-elle. Mes petits-enfants ont même dû me porter sur leur dos pour gravir les marches qui mènent au site du décollage, sous l'aiguille."
C'est donc solidement casquée et harnachée dans un fauteuil roulant spécifique à la pratique du parapente que Claudine a fait face à sa destinée. Face à Clermont-Ferrand, plus en contre-bas, dans un soleil d'automne radieux, la dame svelte au teint halé, lunette de soleil et tenue "du quotidien", a senti la voile se gonfler.
En capitaine, le pilote Xavier Bazelle, 2.500 baptêmes au compteur s’apprêtait quant à lui à aborder la partie la plus technique du vol. "Le fauteuil de 18 kg ne nous permet pas de rectifier la trajectoire au décollage. Aidés de trois assistants, nous devons respecter un axe préalablement défini", explique le spécialiste qui propose des vols en tandem à travers sa société Aeroparapente.
Et enfin, l'envol. "À ce moment précis, j'ai repensé à tous ces parapentes que j'avais pu observer. J'avais l'impression qu'ils étaient absorbés par un trou. J'étais en train d'emprunter moi aussi ce trou", se souvient Claudine qui, en spécialiste de la musique, évoque spontanément la symphonie Turangalîla d'Olivier Messiaen pour traduire ses émotions. J'ai peut-être crié, je ne sais plus !"
Après quelques minutes de valse aérienne et un atterrissage tout en souplesse, Claudine semble en effet ne plus pouvoir actionner sa mémoire immédiate. Ne reviennent alors que des émotions comme si de grands tableaux remplaçaient, un moment seulement, le film du vol. "C'était merveilleux, vraiment", résume la nonagénaire dont le sourire et l'enthousiasme dégage une exceptionnelle intensité.
Sa famille la décrit volontiers comme une personne "énergique, positive et allant de l'avant". Mais pour Claudine Le Gô, qui pratiqua le bateau pendant de nombreuses années, toujours sportive, le parapente est à la portée de tous, quel que soit l'âge. "J'invite tout le monde à essayer. Personnellement, je n'ai eu aucune appréhension, et il n'y a absolument aucun risque", développe Claudine.
Longtemps après le vol, la dame restera à contempler, avec des yeux d'enfant, le puy de Dôme, entourée de ses proches. "Je n'y étais pas montée depuis des années, il y avait encore des voitures au sommet, se remémore la parapentiste. Vous savez, durant le vol, je me suis aussi dit que si je chutais ici, cela me ferait une belle fin."
Ce ne sera pas pour cette fois et rendez-vous au sommet pour ses 100 ans.
Vol en parapente et handicap. L'association Le ciel pour tous, pour la promotion du sport aérien pour les personnes en situation de handicap, propose des vols en parapente pour un public spécifique. Renseignements au 06.77.79.64.95 ou xavier@aeroparapente.fr
Yann Terrat
Reportage vidéo : Philippe Robert