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« Le fret avionné voyage pour moitié dans les soutes, et comme les avions de passagers ne volent plus, les prix ont explosé »

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Les compagnies aériennes sont le secteur économique à avoir subi en premier la crise liée à la Covid-19. Elles ont dû stopper leurs activités de façon très prématurée pour limiter la propagation. Raymond Woessner nous livre les perspectives inquiétantes qui font suite à la paralysie généralisée de ce poumon économique.


Conflits. Que pensez-vous des décisions qui ont été prises en France concernant la suspension des vols avec l’étranger ? Comment les compagnies aériennes ont-elles réagi, de façon immédiate ?

Raymond Woessner. La Covid-19 est semble-t-il arrivée à Paris le 24 janvier 2020. Ce jour-là, Mme Agnès Buzin, la ministre de la Santé, déclarait que « le risque que la France soit touchée [était] pratiquement nul » ! Soit il y a eu une tentative de désinformation, soit le gouvernement français était décidément mal préparé… À la fin du mois de janvier, les compagnies européennes cessaient de leur propre chef leurs vols de passagers avec la Chine. Cette interruption s’est faite dans l’improvisation. Cofinancés par le mécanisme de protection civile de l’Union européenne, les premiers rapatriements par avion de la France et de l’Allemagne ont alors concerné 447 citoyens européens au départ de Wuhan. Le 31 janvier, un Airbus militaire rapatriait encore 182 Français, dont deux malades, jusqu’à la base d’Istres.

Et au même moment, venu de Singapour sans passer par la Chine, un Britannique qui avait séjourné quatre jours aux Contamines (Haute-Savoie) avait transmis le virus à 11 compatriotes résidant dans le même chalet, avant qu’il ne reparte au Royaume-Uni.

A lire aussi, Stéphane Germain: L’aviation? De moins en moins civile

Globalement, le trafic aérien s’est effondré en plusieurs semaines, le temps que l’on rapatrie de nombreux touristes un peu partout. La descente aux enfers s’est produite dans la deuxième quinzaine de mars et la première semaine d’avril. Le 13 mars aux États-Unis, le président Trump a interdit les voyages entre l’Europe et les États-Unis, à l’exception du Royaume-Uni avant qu’il ne se ravise. En France, l’aéroport d’Orly a fermé le 31 mars. Ce sont donc les compagnies aériennes et les aéroports qui ont principalement mené le jeu et les États qui ont fait du suivisme. Seuls les pays voisins de la Chine, et Hong Kong, ont rapidement fermé leurs frontières ou imposé des contrôles aussi sévères que décourageants aux voyageurs.

Les demandes de vol ont baissé brutalement, les avions sont stoppés, et des coûts d’entretien subsistent, alors que l’activité est à son point le plus bas. Comment les compagnies se sont-elles organisées pour faire face à cette crise ? Bénéficient-elles d’aides publiques ? Je pense notamment aux compagnies à bas coût, moins armées pour combattre cette paralysie de l’activité…

Fin 2019, M. Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA), avait prévu des bénéfices de plus de 29 milliards de dollars pour 2020. C’était un autre monde, qui a été anéanti à partir de mars 2020. En mai, l’IATA estimait que les revenus du secteur passagers pourraient plonger de 314 milliards USD, soit une baisse probable de 60% par rapport aux chiffres de 2019 ! Les pertes seraient un peu amoindries par la réduction du coût des opérations et la baisse du prix du pétrole… Le fret, lui, se trouve dans une étrange impasse : usuellement, environ la moitié du fret avionné voyage dans les soutes des avions de passagers, et comme ceux-ci ne volent plus, on manque de capacité fret et les prix ont explosé. Certaines compagnies vident leurs avions de leurs sièges, remplacent les passagers par des colis et remplissent les soutes de palettes…

Finalement, la crise de la Covid-19 devrait renforcer les compagnies aériennes les plus solides, qui pourront racheter des victimes en faillite, chez les opérateurs traditionnels comme dans le low cost. Les entreprises subissent différemment la crise en fonction de leur contexte national, selon leurs relations avec les milieux d’affaires et l’importance relative de l’interventionnisme étatique. Ainsi, dès le début du mois de février 2020, Cathay Pacific était en grande difficulté. Déjà ébranlée depuis août 2019 par les grèves de Hong Kong, la compagnie annulait alors 90% de ses vols vers la Chine et 30% de ses vols vers le reste du monde. Vers Taipei, ses vols passaient de 93 à 14 par semaine ; et de 49 à 0 vers Kaohsiung, la métropole méridionale de Taiwan. Cathay Pacific a imposé un congé sans solde de trois semaines à ses 27 000 salariés, congé à prendre entre mars et juin 2020. Mais le milieu financier de Hong Kong s’est serré les coudes : en deux mois, l’action de la compagnie a chuté de 20 % seulement.

En Chine continentale, les compagnies aériennes ont mis à pied, toujours sans solde, les pilotes étrangers qui leur coûtent le plus cher. Le 4 mars, Lufthansa a cloué 150 de ses 750 avions au sol. La compagnie de Francfort a immédiatement introduit…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<

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