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Afrique : libéraliser le transport aérien pour aider à la reprise après le Coronavirus

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Par Mauriac Ahouangansi.

Depuis plusieurs mois, tous les pays du monde sont confrontés à la pandémie du coronavirus. Alors que les solutions médicales sont explorées de part et d’autre, pratiquement tous les secteurs de l’économie mondiale sont à l’arrêt. Mais déjà, différents scenarii sont étudiés pour d’une part amortir le choc et d’autre part préparer la relance.

Au nombre des secteurs les plus touchés, figure celui du transport aérien. Si celui-ci pâtit énormément de la crise au plan mondial, le transport aérien africain inquiète encore plus par sa fragilité ante crise et par des signes particulièrement inquiétants. Comment relever le transport aérien africain et le faire contribuer à la reprise après la pandémie ?

La libéralisation du ciel africain

Le premier pas significatif dans le processus de libéralisation du trafic aérien a été fait depuis 1999 avec l’adoption de la déclaration de Yamoussoukro relatif à l’ouverture du ciel africain par 44 pays africains. Mais plus de 20 ans après l’intention n’a pas été traduite en actes et la part du trafic aérien africain est toujours marginale soit 2,1 % sur l’échiquier mondial.

Cette situation s’illustre par des taxes pouvant atteindre 60 % du prix du billet, couplé à un coût du carburant 30 % en moyenne plus cher que sur les autres continents et des infrastructures en mauvais états. Tous les éléments sont réunis pour que le trafic aérien soit sous-développé. En conséquence les compagnies africaines sont moins compétitives et n’assurent que 20 % du trafic intra-africain contre 80 % pour les compagnies étrangères. Mais le procès du trafic aérien africain ne saurait être juste sans rappeler que son asphyxie préexiste à l’épidémie qui ne fait qu’accélérer son agonie.

En effet, parmi les mesures prises pour freiner la propagation de l’épidémie du coronavirus, la plupart des aéroports du monde sont fermés. Beaucoup de pays africains ont adopté cette mesure qui implique de facto la suspension de milliers de vols, l’arrêt de l’activité des compagnies africaines et même celles étrangères qui faisaient leur chiffre sur le continent.

Selon l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), 95 % des compagnies sont à l’arrêt et si rien n’est fait leur insolvabilité est programmée pour juin. C’est dire donc que la situation est presque désespérée pour l’Afrique dont le trafic progresse lentement à 2,2 % contre une moyenne mondiale de 4,5 %. La situation augure de moments douloureux pour les pays africains qui ont des compagnies nationales qu’ils devront relever avec l’argent public.

Quels apports de la libéralisation face aux effets de la pandémie ?

Une chose est sûre, l’enjeu des compagnies africaines après la crise sera de grandir ou de mourir. Même si après la crise, le tourisme mettra quelques temps à retrouver son entrain, le transport aérien est une nécessité car en plus du transport de passagers, le fret est tout aussi rentable et nécessaire.

Il est vrai aussi que la pandémie n’est pas encore endiguée mais les regards sont d’ores et déjà tournés vers l’après-crise et la mise en place anticipée des mécanismes pour éviter le blackout économique. Mais dans le panel de mesures envisagées : plan Marshall, interventionnisme de toutes sortes, l’Afrique pourrait accélérer la reprise en misant entre autres sur le transport aérien dont le développement est susceptible de rejaillir sur moult secteurs dans son écosystème.

Pour consolider cette affirmation, on pourrait citer l’expérience européenne de libéralisation du ciel ou encore celle sud-américaine qui ont démontré des bénéfices considérables. Mais pour un cas spécifique comme celui du continent africain, il serait judicieux de s’attarder sur l’étude commanditée par l’Association internationale du transport aérien (IATA) et qui a été menée par Inter VISTAS Consulting lld en 2014. Selon les résultats de cette étude, une libéralisation effective et poussée du transport aérien africain engendrerait environ 15 000 emplois directs dans les 12 pays pris en compte par l’étude. Ces chiffres méritent quelques commentaires.

D’abord, ce gain de 15 000 emplois dans seulement 12 pays pourrait se révéler très significatif avec l’ensemble des pays africains ou tout au moins une majorité. C’est donc une perspective qui pourrait inverser la tendance au chômage qui se dessine déjà dans plusieurs pays.

Ensuite, ces 15 000 emplois ne prennent pas en compte ceux du secteur de l’alimentation, essentiels pour la restauration à bord ; elle n’inclut pas non plus les emplois dans le secteur du tourisme et du transport inter-urbain et beaucoup d’autres secteurs connexes.

À terme, la libéralisation effective engendrerait plus de 155 100 emplois corrélés avec une hausse du PIB annuel de 1,3 milliard de dollars (soit environ 0,07 % du PIB cumulé de ces 12 pays). C’est dire donc qu’au plan continental, une diligence dans la libéralisation effective du transport aérien est une piste non négligeable pour contribuer à une reprise rapide. Cela devra néanmoins passer par la levée des barrières protectionnistes et l’investissement dans les infrastructures (aéroport, routes), un engagement conjoint des pays et une réelle levée des barrières.

Quid du besoin de financement ?

Dans son communiqué 19, l’Association internationale du transport aérien (IATA) a formulé une demande d’aides de 200 milliards au moins pour soulager les compagnies des pertes brutales de 252 milliards prévues pour l’année en cours. Certains États y contribuent déjà, soit en reportant le paiement des frais aéroportuaires (Brésil), soit en mettant directement des fonds à dispositions (Hong-Kong) ou tout simplement en garantissant des prêts (Norvège, Singapour, Suède, Danemark).

Pour le moment, les pays africains sont occupés à gérer les urgences d’une crise qui pourrait être plus dramatique dans un contexte où les systèmes sanitaires présentent beaucoup de faiblesses. Dans cette partie du monde, la reprise économique pourrait être particulièrement difficile car la facture de gestion de la crise sera extrêmement salée. Mais ouvrir le ciel africain peut apporter un soulagement nécessaire une fois levées les mesures barrières contre la pandémie. Il faudra consentir des sacrifices importants et opérer un changement de paradigme dans la gestion des compagnies aériennes nationales souvent mal gérées.

Certes, la nécessité de financement des urgences et de la reprise est partagée par les institutions de Breton Woods parmi lesquelles le FMI a annoncé une aide de 50 milliards de dollars dont 10 milliards à taux zéro. Mais rapportée aux 54 pays africains, cette aide paraît presque dérisoire face aux enjeux de la reprise économique en Afrique. En outre, cette aide devrait prioritairement servir aux filets sociaux et à la relance de la consommation. La solution miracle ne viendra donc pas des financements publics.

À l’inverse, une mise en œuvre des mesures de libéralisation du ciel africain et la dénationalisation des compagnies qui le sont encore sont susceptibles d’attirer des investisseurs importants. Cela d’autant plus que la perspective de renationalisation des compagnies en Europe n’est pas transposable à l’Afrique où les limites des compagnies nationales ont été déjà éprouvées. La corruption, la mauvaise gestion, le laxisme et le népotisme sont autant de facteurs non favorables à une nationalisation des compagnies en Afrique. Les pesanteurs protectionnistes n’y sont pas non plus favorables pour le moment.

Au demeurant, le transport aérien mondial est en chute libre ainsi que les secteurs connexes comme le tourisme. Même si ce n’est certainement pas le secteur le plus en vue, une opportunité de repenser le paradigme de son fonctionnement en Afrique s’offre à travers les plans de reprise activement étudiés dans les chancelleries africaines et à l’échelle continentale.

L’équation paraît simple, à la limite simpliste, mais pourtant prometteuse : une libéralisation effective du transport aérien améliorera les bénéfices socio-économiques du secteur et de tout son écosystème et représentera par conséquent une contribution significative à la reprise. Comme l’a rappelé Alexandre de Juniac, Directeur Général de l’IATA, « La capacité des compagnies aériennes d’être un catalyseur de l’activité économique sera essentielle quand viendra le temps de réparer les dommages économiques et sociaux de la COVID-19 ».

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