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Plus de Mirages dans le ciel Libyen ? (1)

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Ce nouveau dossier a commencé d’une étrange manière.  C’est en effet en m’intéressant au sort de l’infortuné footballeur Emiliano Sala que je suis tombé sur cette découverte inattendue.  Dans le club de parachutisme dans lequel évoluait le pilote qui l’avait emmené à la mort, il y avait un pilote casse-cou de bimoteur Dornier 28, un portugais, fou d’aviation, au point d’être devenu pilote-mercenaire en Libye et de se tuer là-bas aux commandes d’un Mirage F1, sans jamais avoir piloté auparavant d’avion à réaction !!!  Le cas m’avait paru… surréaliste.  En m’y intéressant de plus près, j’ai fini par dévider un long écheveau, qui montre ce qui se passe aujourd’hui dans un pays ou de grandes puissances se font la guerre par armées interposées, dans une sorte de nouveau Viet-Nam dans lequel les communistes seraient le Quatar et l’Iran, et les américains les troupes de l’ex général de Kadhafi… (ou inversement), c’est vous dire l’enjeu ! Voici donc à quoi mènent les Mirage, dans le ciel de Libye !!!  Des Mirage qui disparaissent aussi, avec un tas de collègues, à une vitesse phénoménale, comme on va le voir !!!

Notre mercenaire était mort aux commandes d’un avion français. Un Mirage F1, avion performant et de très bonne réputation (1). Kadhafi en avait acheté 38 de Mirage F-1, dont 16 Mirage F1AD chasseurs bombardiers (sans radar Cyrano et sans cône de nez noir, mais avec radar EMD AIDA 2 et l’absence de perche de ravitaillement extérieure visible), et 16 Mirage F1ED, des intercepteurs, ceux-là, (à cône avant noir), plus 6 Mirage F1BD biplaces d’entraînement, installés sur la base d’al-Watya (dit parfois Woutia) et certains détachés à Aouzou, au Tchad (2). L’Iran, mis sous embargo en 1984, allait lui emprunter un nombre considérable de pièces détachées fournies au départ avec les 38 appareils. Si bien qu’à l’entrée en guerre de 2011 de la coalition contre Mouammar Kadhafi, il ne lui restait que deux Mirage F1ED en état de vol, des intercepteurs, et un seul Mirage F1BD biplace de disponible, sur les 38 achetés (on cite parfois 4 appareils et non 3), l’embargo qui a suivi Kadhafi ayant cloué tout entretien de la flotte de Mirage restants !!!  Lorsque Kadhafi sera tombé et que les gagnants visiteront les hangars intacts, on découvrira tout un lot de Mirage F1 couverts de poussière (photo ici à gauche) et à refaire entièrement si on voulait les faire revoler un jour.  A droite ici c’est un Mirage F1AD, un des seize fournis à Kadhafi, avec ses cocardes vertes, son absence de dôme radar noir et sa perche anémométrique sous le nez, bien reconnaissable. On remarquera au passage son numéro (402) ainsi que son insigne d’unité. On retiendra que même si le modèle AD ne semble pas extérieurement doté d’une perche de ravitaillement, il en possède pourtant bien une, qui est rétractable dans le cône de nez (ici à gauche), légèrement décentrée vers la droite (la voici sortie sur le cliché de droite).

Echappés à Malte

Les deux F1ED portés au Standard F3 (par les français) et désormais optimisés eux aussi pour l’attaque au sol (avec leurs énormes panier à roquettes Matra LRF1) feront défection en 2011 à Malte, après avoir refusé d’aller attaquer les opposants de Benghazi (à gauche ici leurs deux valeureux pilotes Ali al-Rabti et Abdulla Salem al-Salhin, ici le retour en héros au pays d’Al-Salhin… à Mitiga).

Le second verra en 2013 attribuer son nom à un de deux Mirages revenus, en fait le N°502 d’après ses camouflages reconnaissables. Son nom ne sera pas porté longtemps : en 2015, déjà il n’apparaît plus.  Le revenant accueilli en héros a sans doute une nouvelle fois refusé d’aller bombarder la population libyenne.

Cette histoire permettant de le voir de près, on l’a apprise lors d’un reportage fort complaisant de la chaîne d’Al Jazeera dont les fonds sont fournis, il est vrai par le gouvernement du Qatar !!

Bref, en 2015, le héros -ci-dessous- ne l’est déjà plus !!!  Et son avion n’a plus qu’une année à vivre (à droit ici l’inscription du nom du héros qui sera ensuite effacée, on peut constater qu’il figurait aussi au niveau du cockpit) !!!  Ci-dessous le héros du peuple posant fièrement à son retour, sur un appareil resté au final un an à Malte, où il a été choyé avec son compère.

Deux appareils revenus à la base d’Okba Ben Nafi, près de Tripoli où ils avaient été  remis à neuf, parmi les 12 Mirage F1 de ce type qui avaient en effet été modernisés (avec un nouveau radar notamment) grâce à un contrat passé avec l’état français et officialisé avec la visite mémorable de Nicolas Sarkozy en 2007 à Tripoli. Mais sur les douze prévus, deux seulement étaient arrivés en état de vol quatre ans plus tard, les remises en état effectuées par les français ayant traîné en longueur, vu l’état des cellules à revoir complètement.  Ici à droite les deux mirages N°502 et 508 réfugiés à Malte en mars 2011.  Au retour après celui-ci des deux « maltais », un an après leur escapade, trois F1 devaient à nouveau être en état de vol, mais le biplace Mirage F1BD avait vite disparu lors d’un bombardement de 2011, et l’un de ces deux Mirage F1EDs (un des « maltais », le N°502) s’était lui aussi écrasé, en tuant au passage son pilote, comme on va l’apprendre un peu plus loin. Il n’en restait donc plus qu’un en état de vol, à une date récente, sur les trois disponibles, à savoir le modèle 508 (on peut le voir plus tard ici à gauche en septembre 2016 dans son hangar de Misrata, en bon état encore, car entretenu avec soin très régulièrement) !!! Car c’est bien le modèle 502 qui est tombé à Kasr El Hamrouniya Ben Gashir exactement. Lors de la visite de près  de l’appareil une fois arrivé à Malte, on avait pu remarquer une bien étrange coloris sur le dessous de l’appareil : celui du camouflage « vanille-chocolat » cher aux français pendant la Guerre du Golfe  (cf la photo ici à droite) !!! Les douze Mirage qui auraient du être refaits à neuf étant ceux d’un contrat conclu en décembre 2006 … entre le Colonel Kadhafi et le groupe privé français Sofema, dirigé par le général Bernard Norlin, pour coordonner les interventions des différents industriels comme Dassault, Snecma (groupe Safran) et Thales. Un juteux document portant sur une centaine de millions d’euros étalés sur une période d’intervention de 30 mois dans lequel s’était glissé une clause intéressante…  « cerise sur le gâteau : si le fils de Kadhafi affirme aujourd’hui que ce contrat aurait pu faire bénéficier le clan Sarkozy de somptueuses commissions et retro-commissions … permettant de financer les frais de sa campagne 2007, l’irremplaçable site bakchich.info affirmait notamment quant à lui que les circonvolutions politiques et financières réalisées par la Sofema – à travers Ziad Takkiedine, « intervenant » notamment dans le cadre de l’affaire de Karachi – auraient eu pour objectifs d’empêcher que les com’ ne viennent garnir les finances électorales d’un hypothétique rival de Sarko, Michèle Alliot-Marie“. Précisons que l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine a été interpellé au début du mois de mars 2011 au Bourget … alors qu’il rentrait de Libye, les douanes ayant saisi 1,5 million d’euros en liquide dans son avion. » indique ici – 20 mars 2018 Elisabeth Studer dans Le Blog Finance… Sarkozy ayant donc fait bombarder en 2011 ce qu’il venait de fourguer auparavant, en quelque sorte… Les français avait pu découvrir les Mirage de Kadhafi subrepticement à l’heure du repas, dans le journal télévisé du 13 mars 2011, celui de l’ineffable J-P Pernaut, alias « Stranger Jean-Pierre » sur une autre chaîne.

Les français avaient bel et bien aidé les libyens à remettre en vol leurs Mirage (ici à gauche deux cellules en réfection, on imagine le long travail à effectuer, mais ce sont celles que Kadhafi avait fait expédier au Pakistan, ici visibles à PAC Kamra, en avril 2008) : dans le magazine anglais de juillet 2010 d’Air Forces Monthly on avait pu admirer cette photo ci-dessous du biplace, ainsi légendée : « ce fut le premier Mirage F1 à être remis en service après tant d’années de travail au sol. Il a été testé ici au LAVEX en octobre 2009 (3) Le siège avant de ce F1BD est occupé par le pilote colonel Ali Rabti, à l’arrière, c’est le Capitaine David Courteix de l’armée de l’air française La LAF s’attend à revenir autour de 12 Mirage F1 »:

L’appareil sera détruit l’année suivante, en 2011, comme on l’a dit, malgré qu’il ait été dans son hangar-abri de béton lors de l’offensive de l’Otan en compagnie de deux SU-22M3. Ici le N°206, les biplaces étant numérotés en 200. Ici en photo c’est le 508 réfugié  à Malte, devant une épave bien particulière, celle du BAC 111 9L-LDJ. Ci-dessous encore un fort beau cliché du N°204 pris en 2009, dans une très belle série prise à Tripoli, et pouvant servir de référence

Des mercenaires et des équipements militaires payés… par le Qatar

Sur la base d’al-Watiya conquise par  la Libyan National Army (LNA) le 9 août 2014, il n’y avait ce moment là déjà plus qu’un F1 de volant, côté gouvernemental (le 508 donc, toujours), envoyé ensuite sur les bases de Misrata (à 200 km de Tripoli (5) et de Mitiga (à 11 km de la capitale), obligeant le gouvernement officiel de Tripoli à s’intéresser alors à remettre en état ses MiG-23 à la place, ses MiG 21, ou à ses L-39 achetés jadis eux aussi par Kadhafi.

L’apport de L-39 sera le bienvenu : dans le récent conflit syrien ceux d’Assad ont montré leur efficacité comme avions d’attaque au sol munis de roquettes, et un bon nombre d’unités les utilisent désormais comme « plastrons » d’exercice, notamment chez les compagnies privées américaines, les fameuses « profiteuses de guerre ». Des avions d’entraînement au départ, ils  sont devenus tels quels en 2016 pour s’attaquer à l’EI. Mais la mauvaise qualité de leurs roquettes les contraindra à utiliser en priorité leurs canons, disposés en pods sous les ailes (ici à gauche, celui d’un mercenaire américain nommé Schroeder). En 2015,  le gouvernement officiel de la Libye, on vient de le dire, ne dispose donc plus que de deux Mirage F1 opérationnels (le 502 et le 508 donc), mais les pilotes autochtones refusent une nouvelle fois de voler dessus pour aller « bombarder le peuple libyen« . Si bien que des mercenaires sont donc recrutés à la place, via deux sociétés dont une ukrainienne, Glissada – spécialisée dans la fourniture de pièces de rechange pour avions et hélicoptères de fabrication russe – et Amber Tiger Company, (son équipe est ici) plus une troisième appelée Caravana Middle-East, qui et basée en Jordanie. A noter qu’André  Furness, le responsable de Tiger Amber, est un ancien pilote de Chinook… anglais, de la RAF D’Oldham. Quand il présente sa société (anglaise, car installée Rodney Road, à Cheltenham, vieux fief anglais de l’aviation avec Gloster), il évoque le « sauvetage » en mer, mais aussi « l’aide aux Forces Spéciales » (cf à droite)… Un de ses techniciens, assistant de la mise en place de d’avions et d’hélicoptères mauritaniens s’était bien fait piéger en posant avec tous les technos de la GNA ayant avec lui travaillé sur le N°508 :

Très active, en effet,  la société  s’occupe aussi des Agusta AW19E achetés en 2013 par la Mauritanie et de ses pilotes et rampants. Amber Tiger a en effet aussi décroché un contrat de Cessna 208 B d’observation dans le pays, le 5T-MAF, visible ci-dessous. Les profiteurs de guerre n’ont pas de frontière !

En 2017, le spécialiste Arnaud Delalande le confirme, par la voix des adversaires du camp opposé d’Haftar, que les pilotes et les mécaniciens sont des étrangers. « À partir de février 2015, la société ukrainienne Glissada, spécialisée dans la fourniture de pièces de rechange pour avions et hélicoptères de divers pays, a commencé à rechercher des pilotes et des techniciens expérimentés sur Mirage F1 pour des emplois à temps plein en Afrique. Le client final était Libya Dawn, via Caravana Middle East, basé en Jordanie et dirigé par l’ethno-jordanien Rami Ghanem Najm, selon une source de MEE. Il a été arrêté en décembre 2015 en Grèce par un mandat d’arrêt international et extradé aux États-Unis pour trafic d’armes. Les deux premiers mercenaires étrangers sont apparus à Misrata en juin 2015. L’un d’entre eux, a refusé de bombarder des soldats de la LNA, et il est parti. L’autre – un Équatorien renforcé par des techniciens venus du même pays – a mené plusieurs attaques aériennes contre les forces de l’a LNA, puis contre les militants de l’État islamique dans la région de Syrte ». Les avions portent désormais les nouvelles couleurs du pays, des auto-collants apposés lors  d’un cérémonie, sur les cocardes vertes des avions de Kadhafi. Encore une fois, c’est le N°502 qui sert d’exemple devant la presse.

Leur trésorier payeur étant le Quatar, soutenant l’Iran, qui a choisi le camp opposé des Emirats : on assiste en fait en Libye a une guerre déguisée entre émirs (6) Une option ainsi expliquée dans The Arab Weekly : « les autorités émiriennes ont déclaré que depuis les soulèvements libyens de 2011, Doha avait canalisé des armes et apporté un autre soutien aux milices libyennes par l’intermédiaire du radical Ali Mohammed al-Salabi et de son frère Ismail, chef des Brigades de défense de Benghazi. Les brigades de défense de Benghazi ont des liens avec Ansar al-Sharia, le groupe à l’origine de l’attaque de la mission diplomatique américaine à Benghazi en 2012, qui a entraîné la mort de l’ambassadeur américain en Libye, J. Christopher Stevens. Ansar al-Sharia est également suspecté d’activités terroristes en Tunisie. Le dirigeant djihadiste Abdel Hakim Belhadj, qui est devenu le chef du parti politique après la chute du régime de Kadhafi en 2011, est un autre Libyen sur la liste des sanctions. Belhaj est l’ancien commandant militaire du groupe de combat islamique libyen, affilié à Al-Qaïda, créé dans les années 90. Afghanistan et désigné comme une organisation terroriste par les Nations Unies. Dans une allocution prononcée en 2007 lors de l’annonce de la fusion du groupe de combat islamique libyen, le dirigeant d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a décerné à Belhaj le titre de «l’émir des moudjahidines». Selon un article paru dans le magazine Newsweek en juin 2017, Haftar aurait accusé le général Salim Ali al-Jarboui, responsable des services de renseignements du Qatar, de soutenir Al-Qaeda, l’État islamique et les Frères musulmans en transférant 8 milliards de dollars d’un compte bancaire qatari. »  Même portant désormais un costume et non plus une tunique militaire (cf les deux clichés ici), devenu ministre, Bel-Hadj est bien resté un militant islamique, pro-iranien. Le gouvernement à Tripoli a choisi un camp et des individus vilipendés ici dans Jeune Afrique qui décrit ici un Bel-Hadj devenu homme d’affaires calculateur et… même milliardaire ! « Selon les révélations de WikiLeaks, il aurait trouvé en 2011 dans un coffre-fort de la résidence de Mouammar Kadhafi 75 millions de dollars qu’il aurait partagés avec deux autres personnes. Le militaire se recycle alors en chef de parti politique. Il vit à Tripoli avec ses deux femmes, l’une soudanaise et l’autre marocaine et il fonde al-Watan (« la patrie » en français), parti islamiste qui participe aux élections de juillet 2012, sans obtenir le succès qu’il espérait. En 2013, il fonde sa société de transport aérien, Al Ajniha (devenu Libyan Wings). Il aurait emprunté 750 millions de dollars au Qatar pour acheter des avions qui sont restés bloqués à Malte faute d’autorisation d’atterrir à Tripoli. Un an plus tard, une coalition de milices extrémistes envahit la capitale, détruit l’aéroport principal et occupe les lieux. Cet aéroport n’a jamais rouvert. L’aéroport militaire Mitiga s’ouvre alors à l’aviation civile et Belhaj y rapatrie ses avions. Ses hommes exercent des pressions sur les voyageurs ayant préféré la compagnie nationale à la sienne. Les vols de la compagnie libyenne sont systématiquement retardés de plusieurs heures, les appareils sont sabotés sur le tarmac ».« Récemment, un rapport parlementaire du parti conservateur britannique mentionnait le nom de Belhaj parmi les chefs des milices qui profitent directement du trafic de migrants ». A gauche, à Misrata, en 2016, un Mi-35, un Galeb, deux MiG 23 et 9 L-39 « Albatros » de la GNA. A droite, la remise en état d’un Mirage F1 à Misrata en septembre 2016. C’est l’exemplaire 508, reconnaissable à son camouflage, différent du 502, qui à ce moment-là, s’est déjà écrasé (en juin).

L’école de l’air de Misrata  utilisait aussi des Soko G-2 Galeb (ici à gauche) un avion d’entraînement biplace et d’attaque au sol yougoslave, fort capable mais lui aussi âgé : il date des années soixante et les pièces détachées se font de plus en plus rares ! Il dispose en revanche de deux mitrailleuses de capot, à l’inverse du L-39.

Certains avaient été retrouvés en fort piteux état, tel ici à droite ce Galeb, ex LARAF G-2A, trouvé à  Misrata le 28 mai 2011 par les rebelles opposés à Kadhafi. Outre les Galeb, il y a avait aussi des avions d’entrainement et d’attaque au sol J-21 Jastreb, à aile de grande envergure et faible corde (ici au musée de Belgrade, qui font penser à un Fouga Magister) prévu pour remplacer les F-84G Thunderjet. Un avion qui a fait son premier vol en …1965, il a plus de 50 ans ! La Libye en avait acheté 34. Ici le 24 février 2011, la visite de la base de Misrata montrant des MiG 23, des Galebs et J des astreb (ainsi que des petits hélicoptères Mi-2 venus de Pologne et deux Mi-8).  Ci-dessous, la base d’Al Watiya vue de satellite : on distingue très bien les îlots de béton abritant les avions :

Les pilotes mercenaires recrutés

Les deux premiers mercenaires étrangers de la GNA  sont apparus à Misrata en juin 2015 a-t-on déjà dit. L’un d’entre eux avait lui aussi refusé de bombarder les troupes de la LNA et avait dû partir : c’est un américain, Frederick Joseph Schroeder JR, ancien pilote de Shenzhen Airlines basé au Quatar, alias  « airspeed1974 » sur le net, qui posera ostensiblement dans le cockpit et sur l’échelle de coupée d’un Mirage F1 ou assis dans celui d’un Mig 23 gris remis à neuf.  A droite ici sa carte d’identité qui montre qu’il est né le 27 janvier 1974 dans le New-Jersey. Une tête brûlée, pour résumer simplement l’individu ! Schroeder a en effet laissé dans un forum un texte ahurissant sur les conditions dans lesquelles il avait été  recruté et ce qu’il a effectivement fait sur place (à savoir peu de choses). La première surprise c’est qu’il n’avait jamais mis les pieds dans un tel cockpit, et qu’il n’avait jamais été militaire non plus : « pour revenir au vol, j’avais passé 2 semaines à étudier l’avion à partir du manuel de vol que j’avais acheté en ligne. J’ai passé des heures dans le cockpit ».
Aucun simulateur de vol effectué au préalable, et aucune formation : on comprend pourquoi son collègue Horta s’est rapidement tué à bord de l’autre F1 (et on se demande comment lui a réussi à s’en sortir vivant) !!!  Pilote venu des Boeing  737 commerciaux, il a tout découvert sur place, y compris les prouesses possibles à bord d’un tel engin, notant par exemple que «sur la plage qui se trouvait à environ 35 miles au sud, j’ai fait quelques tonneaux », ou que l’avion ne fonctionnait pas vraiment correctement : « le bouton d’activation des armes ne fonctionnait pas. Il y avait toujours quelque chose (qui n’allait pas), et les pièces de rechange difficiles à trouver » . Plus le pompon : « la chose la plus importante qui était écrite dans mon contrat était que je bombarderais ISIS et Al Queda. Ce n’était que l’un des nombreux mensonges qu’on m’a dit. En fait, ils voulaient que nous bombardions l’autre gouvernement reconnu qui serait alors responsable des problèmes, comment allais-je pouvoir faire ce bombardement, quelle formation, etc. ??? De plus, on a dit au client qu’on lui avait vendu deux pilotes « COMBAT READY sur F1 ». Eh bien, mon pote non plus (c’était Horta) n’avait jamais volé avec cet avion. Le lendemain, les deux gouvernements ont signé un traité de paix. Mais ce traité n’a pas duré et fut rompu rapidement. L’autre problème est qu’ils avaient GARDÉ nos passeports enfermés dans un coffre-fort et, lorsque mon ailier a demandé à rentrer car il avait promis à sa femme qui était en train d’accoucher de le faire, le général a dit: cela est-il dans votre contrat ? C’est la guerre ! » Sidérant !!! Il se fera aussi photographier en compagnie d’un pilote formateur sur Mirage F1 équatorien dont on va reparler. Récemment, accusé par les responsables du camp adverse d’avoir bombardé en Libye, il a tenu a se montrer, le Wall Street Journal du jour en main pour expliquer qu’il était effectivement déjà rentré au pays et avait bien résilié son contrat. Ci-dessous les deux seuls appareils F1 de la GNA, qui aujourd’hui n’existent plus (on va l’expliquer un peu plus loin dans ce dossier) :

Découvert lors de l’enquête sur Emiliano Sala !

Le second est portugais, il s’appelait Joe Horta et avant de voler sur Mirage F1 il avait été pilote d’avion agricole (cf ici à gauche) et le collègue  de vol de l’infortuné pilote d’Emiliano Sala, David Ibbotson, aperçu volant aussi sur le Dornier HA-ACZ, à Portimão au Portugal !!! C’est l’autre grande surprise du dossier. Celle d’un mercenaire n’ayant jamais lui aussi piloté ce type d’avion, et pourtant recruté par le gouvernement officiel de Tripoli, ou plutôt par une officine fort peu regardante sur les capacités réelles des pilotes qu’elle sélectionnait ! Un pilote genre casse-cou, à l’évidence, à voir ses prouesses au commandes du bimoteur Dornier Do-28 . Celui-ci déclarera, avant de décéder, avoir été formé par un mercenaire équatorien appelé selon lui « Boris Reyes« , qui effectivement a été pilote de Dassault F1 dans les forces aériennes de l’Equateur, celles ayant participé à la guerre contre le Pérou en 1995. Après sa disparition et la lettre en forum de Schroeder, on est en droit de s’interroger sur les aptitudes nécessaires pour passer de la conduite d’un avion agricole ou d’un 737  à celui d’un jet de Mach 2 (l’avion est effectivement capable de 2 335 km/h – Mach 2,2 !!), ou plus exactement des critères de recrutement des pilotes mercenaires de la GNA, payés par le Qatar. Voilà qui ressemble fort au aptitudes des pilotes de Sierra Nevada, déguisée en New Frontier Innovations, engagés par la CIA, dont un, on le rappelle, était borgne et volait de nuit !!! Reyes avait posé en photo aux côtés de Schroeder. Le 2 juin 2016, on avait appris qu’un des deux derniers F1ED encore en service à cette date pour la GNA avait été victime d’une « défaillance de la pompe à carburant » et s’était écrasé à 30 km de Syrte, bastion de Daesh : le pilote « s’est éjecté en toute sécurité et est revenu vivant à la base aérienne » avait-on déclaré côte GNA, dans un premier temps. En fait il s’agît justement de l’avion de Horta, le modèle N°502 (ici à droite Joe Horta l’inspectant et à gauche debout dans son cockpit): un pilote qui est mort quelques jours après de ses blessures après ce qui ressemble à une éjection ratée. Déjà on avait tenté côté GNA d’étouffer son décès. Ce sont ses amis parachutistes qui l’avaient révélé ! Il a été enterré au Portugal, sa tombe décorée d’un… Dornier Do-28 (sa page Facebook en hommage a depuis été réduite d’accès on peut y voir cette tombe). L’un des deux appareils avait été remis en service à la fin d’avril seulement ! Le second (le N°508) attendait un nouveau moteur : n’en trouvant pas, l’avion avait alors été remisé et n’avait pas volé pendant des mois. L’entretien des deux Mirages, visibles ici en vol de formation avec Schroeder à droite dans l’étroit cockpit et Horta à sa gauche, était compliqué car la plupart des cellules F1 laissées par l’ancienne armée de l’air libyenne étaient basées au départ sur la base aérienne d’al-Watiya, capturée à l’été 2014 par les forces opposées de la LNA. Ils avaient été très impliqués dans les bombardements de Syrte et d’Abou Grein. Le GNA, à cette date, ne dispose alors plus que de deux MiG-23MLD, d’un J-21 (un Soko Jastreb) et de quelques G-2 et L-39 opérationnels, ainsi que d’un seul Mirage rescapé, donc, le N°508 mais qui ne pouvait déjà plus voler en 2017, faute de réacteur fonctionnel !!!

Les mercenaires qui parlaient espagnol

Les mercenaires engagés par la GNA étaient des pilotes, mais aussi des mécaniciens, des « rampants » on l’a vu. Un document important découvert récemment signé du colonel Alhadi Ali Maklouf, nommé responsable de la planification des Mirage F1 à Misrata, et commandant les affaires techniques à l’académie de vol, nous en montre plus et révèle un contrat de 5 mois signé à 11 personnes qui semblent être de nationalité équatorienne ou à consonance espagnole, en tout cas. L’Equateur s’était muni de Mirage F1 qui avaient combattu des avions péruviens. Le Mirage F1 AJ FAE806, du Capitaine Uscategui, aujourd’hui au musée, arborait une marque spécifique sur son appareil, censé avoir abattu un Su-22, en fait un AT-37B Dragonfly. On y trouve le dénommé Agusto Borys Reyes Cuenca, le nom complet du fameux « Reyes » (7) dont le salaire sur 5 mois est établi à ce qui semble être 183 000 dollars (36 600 dollars par mois !) les autres étant tous payés 63 000 dollars, soit 12 600 dollars par mois. Le total des paiements se fixant à 810 000 dollars pour les onze personnes déclarées pendant la période de 5 mois, donc. Parmi eux on trouve un dénommé Milton Orlando Salazar Reyes. Un autre homme est cité dans le rapport selon le grand spécialiste Arnaud Delalande : « Plusieurs sources ont confirmé qu’Abdul Salam Fakroum, un homme d’affaires bien connu à Misrata, avait également participé à la logistique en accueillant des membres de l’équipage à l’extérieur de la base aérienne de la ville de Misrata. Il fournit également aux pilotes du Mirage F1 les coordonnées des cibles à attaquer, au moins jusqu’au début des opérations contre ISIL à Syrte ’ », selon Aero-History (et Lybian Air Wars)« En fait, cet homme est très probablement le Brigadier-General Fakroum, alors commandant de la force aérienne de Misrata et tué dans le crash de son L-39 (9446) près de l’université de Syrte – probablement abattu par l’EI – comme je l’indiquais en août 2016 »  écrit l’auteur .  Parmi les noms relevés et reconnus, ceux de Jaime Oswaldo Morquecho Garcia, militaire de  l’Ecuadorian Air Force, Raul Fernando Ochoa Vite, « ancien superviseur de l’ Ecuadorian Air Force, » les équatoriens Milton Orlando Salazar Reyes (ici  à gauche) et Jose Miguel Tulcan Pozo, ainsi qu’Edgar Germanico Chicaiza Taipe (ici à droite) et Hector Gonzalo Montaluisa Caiza, lui aussi de l’Ecuadorian Air Force.  Sept d’entre eux, dont ceux cités, se feront photographier ensemble lors de leur journée de repos… à Istanbul (relire le point N°3 en bas de page), devant un monument fort reconnaissable : la célèbre fontaine en façade du Hamam Ayasofya Haseki Hurrem Sultan … (en haut du chapitre à gauche). Istanbul, l’allié des Qataris, qui leur sert de lieu de villégiature !

Les mercenaires techniciens spécialisés des Mirage F1 Dassault étaient en effet équatoriens. Le 27 avril 2019 on pouvait voir et surtout entendre un technicien parlant espagnol en train de s’activer sur un Mirage F1 de Misrata, à l’Est de Tripoli (ici à droite de la photo il est en casquette blanche son vilebrequin encore fiché dans l’appareil, la vidéo daterait de plusieurs mois), qui attendait son chargement de bombes SAMP, une bombe d’origine française, celle fournie au départ avec les Mirage libyens (la SAMP, c’est la Société des Ateliers Mécaniques de Pont-sur-Sambre) de 400kg, en plus de deux gros réservoirs supplémentaires et d’un pot à roquettes sur le rack extérieur de l’aile droite. Tout un lot de bombes déjà aperçues à l’air libre, mais à Benghazi en 2016, aux inscriptions sans ambiguïté (exemple : 250 kg SAMP Type 25A, lot 3, SAMP 71). Au fond, vers la fin du reportage on peut apercevoir fugacement un MiG 25 de type biplace (cf ici à gauche), visible également sur Google Earth au 32°19’15.9″N 15°03’30.3 »E.

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En 2018, Haftar affiche ses muscles… et ressort ses Mirages capturés

A l’opposé, on fait pareil : on retape les vieilles cellules, dont certaines n’ont pas volé depuis des décennies. La perte en 2014 de la base d’al-Watiya, conquise par la LNA d’Haftar, était alors fort compromettante pour la GNA, car c’était celle, justement, qui regroupait l’essentiel des pièces de rechange pour les Mirage F1. Une aubaine pour la LNA d’Haftar ! Car elle contenait encore 21 Mirages F1ED depuis longtemps  décommissionnés, et à rénover, mais intacts, car restés protégés des attaques de l’Otan dans 43 hangars en dur répartis sur la base. Comme ici à gauche dans son hangar l’exemplaire 407 sur lequel s’affairaient des techniciens dont on ignore l’origine exacte. L’avion  ne semble pas avoir repris l’air depuis. A droite, c’est l’avant du modèle 402 qui est bien un appareil de type F1-AD d’attaque au sol comme on peut le constater. Remettre en bon état pareils engins, avec des équipes restreintes pas forcément bien outillées prend du temps : on compte deux années en moyenne pour refaire voler un avion dans cette situation de déshérence ou d’abandon total.

Quatre ans plus tard, en tout cas, le 6 mai 2018, après bien des efforts, l’armée d’Haftar peut (enfin) exhiber sa nouvelle force aérienne reconstituée sur la base de Benina près de Benghazi, avec 2 MiG-21MF venus de Tobrouk et complaisamment fournis par l’Egypte‬, Sisi soutenant ouvertement Haftar, un MiG-23BN et un MiG-23UB, remis à neuf, arrivés tous deux de Brak‬ al-Shati et… les  2 Su-22M2 dal-Watiya (ici droite)‬, d’où il avaien été sortis de leur guangue de poussière  plus… deux Mirages F1ED refaits à neuf : les N°402 et un autre exemplaire, comme on va le voir bientôt plus en détail. L’ensemble donne ceci, soit 10 appareils seulement, alignés comme à la parade, avec en bout les deux petits SIAI Marchetti SF-260 d’entraînement achetés par Kadhafi qui servent aussi d’avions de reconnaissance de nuit…. ou de lance-roquettes.

Un  document vidéo de l’inauguration de cette nouvelle force de frappe révélait aux côtés d’un vieux Sukkhoi deux éléments intéressants: son numéro, le 402, et sa vieille insigne d’unité, non effacée. Celui visible visible ici à gauche sur le catalogue à recommander de Wings Palette (c’est ici le modèle 408 qui est représenté avec son insigne d’escadre celle du 1011 ème FS, avec son armement pour le Tchad, avec deux réservoirs de 1 300 litres et une paire de robes Belouga CBU destructrices de pistes). Par la déco des Mirage c’est ici… (c’est le 502, du 121 eme Squadron sous Kadhafi !).

Haftar montrait deux F1 ce jour-là, dont le N°402 déjà cité (nous verrons l’autre exemplaire un peu plus loin). La vue de la présentation générale de l’armada d’Haftar  avec 10 avions (dont les deux petits Marchetti d’entraînement datant de l’ère Kadhafi) bien alignés pour la parade donnant ceci comme photo (le 6 mai un hélicoptère particulier survole aussi la scène : c’est l’un des rescapés d’un lot de huit Agusta 109 achetés 59,2 millions euros en 2006 par Kadhafi et arrivés en 2009 (les 5A-DTA, 5A-DTB, 5A-DTC, 5A-DTD, 5A-DTI, 5A-DTJ, 5A-DTK, 5A-DTL, 5A-DTM) : le modèle 5A-DTC avait été gravement endommagé en 2014 lors d’une attaque à Tripoli, le modèle 5A-DTI ayant lui été détruit.

 

Les avions réformés ont été remis en état par les techniciens de façon assez surprenante. En 2015, les hangars de la base d’al-Watiya, passée dans le camp du maréchal, sont inspectés. Sous les abris de béton, certains avions n’ont pas été atteints par les bombes de la coalition. Mais leur état est déplorable. Kadhafi ne les entretenait déjà plus, et certains n’avaient plus pris l’air depuis plus de 30 ans !

Les techniciens libyens vont réaliser des prouesses pour refaire voler de vrais épaves, comme le raconte ici Arnaud Delalande en novembre 2016 en montrant les étapes de la retape d’un Su-22 retrouvé en fort piteux état.  Le N°16 réalisera son premier vol une fois refait, le 9 février 2016, comme on peut le voir ici sur You Tube. Sur la photo au dessus, c’est le sixième en partant du bas. On notera le tracteur de piste, simple tracteur agricole (un Massey-Ferguson 275 de 1975 !)… l’appareil visite là droite est le MiG 2162, dont voici l’autre côté.

A droite, ce qui restait d’un MiG-23 du régime de Kadhafi après le passage des avions de la coalition en 2011… ceux restés sous leur abri ont eu plus de chance !

Le contingent de MiG 23 ayant été impressionnant sous le règne de Kadhafi, il est donc logique d’en retrouver pas mal à voler après 2011, comme ici avec trois appareils, de haut en bas les numéros 6117, le 8133 et le 6552 en formation dans le ciel libyen en 2013. Leur base étant celle de Mitiga.

Une base construite dès 1923 par l’aviation italienne (aeroporto militare di Mellaha  (7), puis occupée plus tard par l’US Air Force (Mellaha Army Airfield puis Wheelus Air Base), jusqu’en 1970, où elle accueillait des F-100 (cf ici à droite) !!! Aujourd’hui, en mai 2019, pas un des MiG 2

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